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L'enfer sous la neige
Reportage: Retour du Nord-Ouest
Publié dans Le Temps le 14 - 02 - 2012

• Grand élan de solidarité des Tunisiens alors que le gouvernement titubait
De notre envoyée Melek LAKDAR - Samedi et dimanche derniers, des centaines de caravanes humanitaires, exclusivement tunisiennes, sont parties vers les régions les plus touchées par la vague de froid qui s'est abattue sur le pays. Totalement isolées et à la merci des intempéries, de la faim et du froid, une trentaine de villages vit dans une situation calamiteuse et inhumaine. Et pourtant, l'INM (Institut national de la météorologie) tirait la sonnette d'alarme depuis plus d'une semaine, à savoir le 27 janvier.
Durant plus de dix jours, la neige a, donc, envahi les régions du Nord-ouest. On annonce 5 morts et des barrages totalement saturés pour la quasi-majorité. Le spectre des inondations risquerait de prendre le relais après celui de la neige…
Entre temps, les visites officielles des responsables gouvernementaux, à la limite caduques et saugrenues, ne faisaient qu'aiguiser la colère citoyenne. Effectivement, aucune mesure sérieuse ou concrète n'a été prise pour faire face à cette catastrophe naturelle, d'ores et déjà annoncée. Aucune aide gouvernementale n'a été notée. Il a fallu que les associations, aidées par la solidarité citoyenne et plusieurs entreprises de pâtes, fassent des collectes et prennent la route, malgré tous les risques que cela représentaient.
Des convois humanitaires malgré le froid
Le baromètre affichait 0 degré. Les routes étaient glissantes et dangereuses. Le verglas couvrait l'asphalte sur une trentaine de kilomètres.
Par ce samedi, l'autoroute de Béja et du Kef, étaient débordées. Le trafic était énorme. Le drapeau tunisien était brandi sur la majorité des voitures et des camions. Des files automobiles entières prenaient l'autoroute, avec pour charges, des vivres, des draps et des habits bien chauds, des matelas et beaucoup de compassion. On klaxonnait pour fêter la solidarité tunisienne. On se saluait et se souriait. On était contents de prendre tous la route pour aller vers ces compatriotes moins chanceux. Ceux qui vivaient une catastrophe naturelle, jamais vécue par le pays.
Une kyrielle d'associations, de particuliers, de sociétés de pâtes, de draps et de grandes surfaces se dirigeait vers le Nord-Ouest de la Tunisie. Après que les routes menant aux villes sinistrées aient été plus ou moins dégagées, on se dirigeait vers les habitants pour les faire sortir de leur isolement, qui dure depuis plus d'une semaine. Premier objectif : arriver aux villages et les ravitailler en nourritures et en vêtements bien chauds.
Routes coupées et habitants affamés
Sur place, la situation était déplorable et désolante. La circulation était presque bloquée. Plusieurs routes menant aux villages ciblés étaient coupées. Frustrées, les caravanes étaient impuissantes.
D'un côté, une centaine de camions pleins à craquer de cartons nominatifs (nourritures, couettes, draps et habits) totalement coincée et désemparée face aux routes coupées. De l'autre, des foules humaines, totalement sous l'emprise de la neige, meublaient les bordures des routes montagneuses, attendant, réclamant et priant même les caravaniers de s'arrêter et de les ravitailler en vivres.
Par-ci par-là, quelques curieux étaient venus voir la neige et faire les touristes, se prenant en photos et se couvrant de neige…
Le spectacle était d'une désolation poignante ! Le malheur des uns faisait le bonheur des autres.
On dit que «la neige pendant huit jours sert de mère à la terre, passé ce temps-la elle tient lieu de marâtre.». Voilà onze jours maintenant que les chutes de ce visiteur, tant attendu par certains et très appréhendé par d'autres, envahissent les villes et villages, engloutissent et la vie et les bâtiments, isolant ces pauvres gens et condamnant les commerces. Sans eau, ni électricité, ni vivres, les Tunisiens du Nord-Ouest étaient totalement laissés à leur sort. Affamés, l'arrivée des caravanes étaient pour eux une aubaine, un rêve inespéré. Les hommes s'organisaient en groupe et se divisaient par dizaine. Chaque centaine de mètres, ils étaient sur les bords des routes. Parfois armés de battes, ils bloquaient le passage aux camions ou voitures munies de vivres. Réclamant et parfois même arrachant les cartons, ils étaient souvent agressifs et ne voulaient pas entendre que ces vivres étaient nominatifs et destinés aux villages reculés.
Plusieurs incidents ont eu lieu et on profitait du blocage de la circulation pour prendre d'assaut les cartons. L'armée et la garde nationale ont dû intervenir à plusieurs reprises pour calmer la situation.
La tempête de neige commençait. La distribution des donations devenaient de plus en plus délicate. Les routes étaient de nouveau bloquées, les gens s'entassaient encore plus sur les bordures. Le ton monta et les nerfs se tendirent. On courait derrière les camions, on bloquait les petites voitures. Des femmes gueuses accompagnées de leurs gosses quémandaient les caravaniers de leur donner à manger se plaignant de tous ces dons qui leur filent entre les doigts.
Magouilles et escroqueries
Ce qui nous étonna, c'était le malheur de ces pauvres dames et vieillards malgré les tonnes de richesse qui furent envoyées depuis des jours et qui se volatilisaient comme par enchantement.
Les quantités de donations étaient assez suffisantes pour couvrir tous les besoins des villages et régions sinistrés. Pourtant, les gens se lamentaient de famine et de froid depuis plus de dix jours. Pour en avoir le cœur net, nous avons posé la question à ces femmes esseulées.
Fatma, femme au foyer et mère de 5 enfants
«Depuis des jours, on voit les caravanes de donations arriver en centaine, on était content que l'on pense à nous. Néanmoins, nous n'avons rien reçu ! Les garçons pillaient les donations, les vendaient par la suite au marché noir pour boire le soir ! Ils font semblant d'en avoir besoin et se les procuraient des caravaniers, qui ont cru en eux. Ils en prenaient ce qu'ils voulaient et marchandaient avec le reste pour s'acheter de l'alcool ! Et nous mourons de faim et de froid ! C'est injuste !».
Hlima, jeune fille ouvrière
«Certains organismes ici font semblant d'aider les caravaniers en réceptionnant les donations dans la salle de sport. Ils faisaient croire aux associations qui nous ravitaillent en nourritures, en matelas et draps, qu'ils vont s'occuper du tri et de la distribution. Or, une fois que les dons sont là, ils se les partagent entre eux. Des tonnes de vivres arrivent tous les jours, le soir, ils partent en fumée. Personne des familles défavorisées ne reçoit les dons ! Il faut que les associations veillent elles-mêmes à la distribution des donations ! Plusieurs personnes abusent de la situation et vendent même ce qui nous a été envoyés. Aujourd'hui, on est là pour superviser la distribution équitable des dons ! On est affamés. On n'a pas trouvé mieux que de s'arrêter sur les bords des routes malgré le froid qu'il fait et les chutes de neige, pour récupérer de main en main les vivres.»
Société civile : bravoure et dévouement
Le risque que prenaient les associations et les caravanes était énorme. Deux facteurs font que ces convois aient été périlleux. Les nouvelles n'étaient pas bonnes. La veille du départ, la météo annonçait des tempêtes de neige avec leur lot de routes coupées, glissantes et couvertes de verglas. Par ailleurs, les convois qui étaient allés les jours précédents, parlaient de barrage de routes par des groupes de personnes. Un comportement à la limite agressif et des pillages de dons.
Malgré cela, associations et particuliers étaient décidés à partir, qu'il vente, qu'il neige ou que «ça barde». Plusieurs incidents ont été notés. Des voitures étaient agressées. On s'arrêtait pour arracher et s'arracher les cartons. On boquait la circulation et refusait de laisser les camions passer avant de les vider des dons. On se disputait quant au partage des «dons» pillés et pris par la force. On courait les rues avec les cartons sous la main. La loi du plus fort était régnante. Si les vieillards et les enfants regardaient la scène attristés et impuissants, les jeunes étaient tout sourire et fières de leurs butin. Un butin qu'ils iraient vendre plus tard pour boire…
L'armée intervenait pour dissuader calmement les gens avides de nourritures et aider les associations et les particuliers à mieux distribuer les donations.
Kenza, professeur universitaire et membre d'une association, caravane direction Aïn Drahem :
«Nous étions partis très tôt le matin, notre mission était de visiter certaines familles défavorisées pour leur. On était cinq voitures 4X4 et deux camions. Le convoi était composé de vivres, de vêtements et de couvertures. Après les avoir triés par famille, nous avions pris la route, direction Aïn Drahem et ses environs. Sur place, nous avions eu certaines difficultés pour accéder aux villages ciblés vu l'état des routes et le temps qu'il faisait. Il faut dire aussi, que nous avons été attaqués à plusieurs reprises par les habitants. Certains d'entre eux voulaient prendre d'assaut les dons que l'on avait. La situation s'est gâtée quand la tempête de neige a commencé. Voyant qu'il nous était impossible d'accéder aux villages lointains, nous nous sommes dirigés vers la bâtisse des sœurs de Aïn Drahem pour y déposer tous les dons que l'on a pu collecter. Lieu sûr, on s'est dit que les sœurs, connaissant les familles et leurs besoins, sauront distribuer les dons. Une fois devant les lieux, on a été attaqué par un groupe d'habitants. La voiture était presque à leur merci. L a fallu que je démarre en trombe pour qu'ils reculent un peu. Heureusement que l'armée était sur place et nous a aidé à prendre abri dans le hangar de la bâtisse des Sœurs. Une fois à l'intérieur, on a pu déposer la collecte, rassurés que ces bonnes dames, fines connaisseuses des familles nécessiteuses, distribueront, de manière équitable, les vivres et les donations.»
Le Kef, Sakyet Sidi Youssef et Thala
Si la majorité des convois s'est concentrée sur le gouvernorat de Jandouba et ses environs, d'autres ont pris la route du Kef, Thala et Sakyet Sidi Youssef. Des zones non moins sinistrées que Aïn Drahem.
Au Kef, la journée du dimanche s'est parfaitement déroulée. Les caravanes étaient les bienvenues. Certes, au départ, une certaine ambiguïté a eu lieu. Les Kéfois ont cru que les aides leurs provenaient de la part de l'Etat. Ils étaient tous sur place attendant l'arrivée des dons. Sauf que le malentendu s'est vite dissipé grâce à la bonne organisation des associations qui étaient sur place. On a fait comprendre aux habitants que les dons étaient nominatifs, c'est-à-dire, destinés à une quarantaine de familles qui vivaient dans une isolation et une misère aberrante, sans électricité, ni eau potable. Compréhensifs, la foule de personnes étaient coopératifs et laissaient faire les associations.
Melek LAKDAR

Emna Mnif, association Kolna Tounes
«Nous avons donné rendez-vous aux habitants des deux villages de Sarkouna 1, devant la municipalité du Kef. Une fois arrivée, nous étions surpris de trouver d'autres personnes réclamant aussi les dons. Heureusement pour nous, le matin même du départ, une société de pâtes était venue nous voir au siège de l'association pour nous fournir 1tonne et demie de pâtes (spaghetti, couscous, riz, etc.). Nous étions donc partis vers le Kef, munis des cartons nominatifs qui étaient destinés à 45 familles vivant sur les hauteurs des montagnes, et nous avions une tonne et demie de pâtes. Une fois sur place, nous avions trouvé des familles kéfoises qui tenaient à rejoindre le convoi en proposant des dons composés de vivres et de vêtements. Nous avons donc donné aux gens prévus leurs donations et réparti les nouveaux dons (pâtes et cartons donnés par les Kéfois eux-mêmes) aux autres présents qui n'étaient pas prévus. Au final, tout s'est parfaitement déroulé et sans incident.»
Les habitants du Nord-Ouest ne seraient donc pas nés sous la bonne étoile. Mis à part la misère qu'ils endurent depuis des décennies, marginalisés par des gouvernements qui se sont désengagés de leurs missions depuis des lustres ; même la nature se ligue contre eux.
Le Nord-Ouest tunisien est à sa seconde catastrophe naturelle depuis quelque mois. Après les inondations du mois de décembre dernier, les chutes et tempêtes de neige qui ont entraîné les coupures de routes, la démolition de l'infrastructure, les glissements de terrains et l'isolation totale d'une centaines de villages ; une troisième catastrophe serait en train de se préparer. Un second chamboulement naturel guette les habitants de ces régions. Aujourd(hui, les barrages sont dans la totalité remplis. Le plus grand barrage de Sidi Salem est plein. Oued Majerda, où vivent 200 familles, risque d'inonder dans les quelques jours qui viennent.
La quantité colossale de neige est en train de fondre, les pluies vont s'abattre sur les villes. Aujourd'hui, a-t-on pris nos précautions face à ces vagues de froid polaire cyclique qui s'abattent sur la Tunisie ?


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