La paranoïa que cultive le gouvernement est malvenue. S'il a accédé à la direction des affaires du pays c'est grâce aux mécanismes démocratiques et, aussi, en vertu des libertés dont la liberté d'expression. Aujourd'hui, il y a à craindre qu'un scénario classique soit réédité : les Islamistes utiliseraient les outils démocratiques pour aussitôt les retourner – tels des armes – contre la Démocratie elle-même. Religion et Etat deviennent donc asservis l'un pour l'autre comme dirait Georges Burdeau rejoignant, du reste, Raymond Aron dans « Démocratie et totalitarisme ». A l'époque où ces deux éminents publicistes disséquaient – avec Georges Burdeau – l'anatomie de l'Etat avec sa centrifugeuse qu'est le régime, on était d'accord sur toutes les déclinaisons que pouvait prendre la démocratie : gouvernée, indirecte (parce que la démocratie directe est morte avec la cité grecque) et la plupart des cas, dans les régimes à forte idéologie, une démocratie consentante. Curieux tout de même que les penseurs ou des anthropologues – en dehors de Hamadi Redissi, Hichem Jaït, Gilles Keppel – n'aient jamais été interpellés par le fait religieux surtout s'il s'invite au bal démocratique. Et pourtant aux années où Montesquieu élaborait ses théories sur la séparation des pouvoirs (il l'a fait en Angleterre) relayant un certain Alexis de Tocqueville (qui, lui, l'a fait en Amérique), eh bien, en ces temps là, l'Eglise était très forte au point d'imposer à Henri IV de se convertir au catholicisme pour monter au trône et dont la phrase emblématique reste : « Paris vaut bien une messe ». Aujourd'hui, néanmoins alors que partout, dans l'Occident il y a une séparation organique entre l'Eglise et l'Etat, et que le judaïsme et la chrétienneté ont résolu leurs questionnements identitaires, il ne reste plus que cette récurrence : « régime islamiste ». Avec cependant des gradations : « monarchies islamistes » (chiites, sunnites ou wahabistes) ou républiques islamistes. Sur ce plan, Ennahdha s'y prend plutôt mal, parce qu'elle est peut être outillée pour convertir les « âmes égarées » à la spiritualité. Mais elle ne l'est pas forcément dans cette « fonction » de chape de plomb. Car en aval, le gouvernement avec sa Troïka arrangée a peur de ressembler à une plaque tectonique – Et c'est pour cela qu'il devient paranoïaque.