De notre correspondant particulier à Paris, Zine Elabidine Hamda - Le drame de Toulouse qui a choqué la France, toutes communautés confondues, s'ajoute à l'assassinat de trois militaires d'origine maghrébine à Montauban et à Toulouse une semaine auparavant. Imad Ibn Ziaten (30 ans) victime à Toulouse le 11 mars, Abel Chennouf (25 ans) et Mohamed Legouad (24 ans) victimes de Montauban, et le franco-israélien Jonathan Sandler (30 ans) et ses deux enfants Gabriel (4 ans) et Arieh(5 ans) et la petite Myriam Monsonego (7 ans) ont tous été tués par la même arme brandie par Mohamed Merah. Sur décision présidentielle, 14 divisions de gendarmerie sont dépêchées sur place, une équipe du Raid prend en charge les opérations. Un déploiement de forces de l'ordre sans précédent depuis les attentats de 1995. Il faut dire que c'est une occasion en or pour le Président candidat de redorer son blason, de se présenter en rassembleur et en défenseur des Français. De fait, la campagne présidentielle a été suspendue pour permettre à l'enquête d'avancer. Le Président Sarkozy s'y est impliqué personnellement, se déplaçant à Toulouse avec le ministre de l'intérieur et demandant à Claude Guéant de rester sur place pour superviser les opérations. Les autres candidats à l'élection présidentielle ont dû suivre les pas du Président. La campagne reprendra son cours à partir de jeudi. Une première piste, celle de néo-nazis expulsés de l'armée, a été rapidement abandonnée. Celle d'une attaque terroriste fut privilégiée. Ce qui, normalement, conforte Marine Le Pen, la Présidente du Front National qui s'est exprimée toujours contre le danger islamiste. Mais, depuis le lancement de la campagne, le Président candidat s'est placé aussi sur la même ligne en faisant de la lutte contre l'immigration un thème central de sa campagne. Efficacité du renseignement français Le déploiement massif de la police s'est avéré bénéfique puisque le tueur a vite été repéré. Le Procureur de la République de Paris a déclaré à Toulouse : « Toutes les pistes ont été exploitées et vérifiées. A titre d'exemple, 7 millions de données téléphoniques ont été vérifiées, 350 scellés constitués, 200 auditions réalisées, le tout en un peu plus d'une semaine(…) Une piste a progressé rapidement. Cela commence avec l'annonce passée par un militaire pour vendre sa moto. 570 adresses IP de personnes ayant consulté l'annonce ont été relevées. On a obtenu les réponses des fournisseurs d'accès sur les identités de ces personnes le 17 mars. Après un criblage des noms, il est apparu un qui a attiré notre attention. Celui de Mme Aziri, mère de deux frères : Abdelkader, 29 ans, et Mohamed, 24 ans. Ils sont apparus comme impliqués dans des filières d'acheminement de jihadistes. » La police a pu aussi remonter la piste du tueur grâce à l'investigation auprès des concessionnaires moto de Toulouse. Un des concessionnaires de la région guide les policiers vers le frère du forcené qui lui aurait posé des questions sur le scooter Yamaha de type T Max. Il s'agit d'une moto prisée par les malfrats dont on vend une dizaine d'exemplaires par semaine à Toulouse. Elle est équipée d'un GPS qu'on peut facilement désactiver sur Internet. Le client aurait posé des questions sur la cutomization de l'engin(changement de carrosserie et de couleur). Ce sont ces indices qui ont permis aux enquêteurs de remonter jusqu'à Mohamed Merah. Le tueur localisé a été assiégé dans un immeuble de 4 étages à Toulouse. Il aurait déclaré qu'il ne voulait pas mourir et qu'il se rendrait à la police dans la soirée de mercredi. Mohamed Merah, 24 ans, né et élevé en France, est d'origine algérienne. Il est considéré par les spécialistes des groupes islamistes jihadistes comme « un terroriste du terroir ».Selon les premiers éléments de l'enquete rendus publics, Il a séjourné dans les zones tribales aux frontières du pakistan et de l'Afghanistan et il se serait entrainé dans des camps militaires au Waziristan. Il aurait été, par ailleurs, arrêté en Afghanistan pour des faits de droit commun avant de revenir en France. Selon le procureur de la République de Paris, Mohamed Merah « a avancé comme raisons pour ses actions : le sort des Palestiniens, les théâtres d'opération français à l'étranger et la loi contre la couverture du visage en France. Il dit avoir prévu de repasser à l'acte contre deux fonctionnaires de police et un militaire, qu'il avait identifiés. Il n'exprime aucun regret et se vante d'avoir mis la France à genoux. » Des symboles inquiétants Les attaques surviennent à l'occasion de la date anniversaire des accords d'Evian de 1962 entre la France et l'Algérie. Les soldats assassinés, revenus d'Afghanistan, sont de confession musulmane. D'autre part, l'arme du crime, un UZI de calibre 11.43, est israélienne. Elle a été utilisée pour tuer des juifs. Ce sont ces indice symboliques qui troublent davantage les enquêteurs et qui font craindre d'autres attentats d'autant plus qu'ils ont découvert des explosifs dans la voiture du frère du tueur. De dizaines de Français jihadistes qui se seraient rendus en Afghanistan et au Pakistan avant de revenir en France sont soumis à une surveillance vigilante par la police française. Ils auraient eu l'occasion de s'entraîner en Afghanistan et au Pakistan. La police craint la formation de « cellules dormantes » terroristes sur le sol français. L'affaire du tueur de Toulouse et de Montauban apparaît comme un succès pour le président sortant. M. Sarkozy se positionne comme un rassembleur, recevant à deux reprises les représentants des cultes en France. Mais le FN se sent renforcé aussi sur ses thèmes de prédilection : la lutte contre l'islamisme et l'insécurité. Marine Le Pen a appelé, sur la radio RTL, à « une guerre contre le terrorisme et l'islamisme en France ». Elle a dénoncé la politique de Nicolas Sarkozy qui « a installé les islamistes en Libye avec l'argent du Qatar qui officie dans nos banlieues françaises ». De son coté, sur la même radio, Mohammed Moussaoui, le Président du Conseil français du Culte Musulman, a déclaré : « 80% des victimes des terroristes qui se réclament de la religion musulmane sont des musulmans. Nous condamnons de la façon la plus ferme ces terroristes qui salissent notre religion ». Il a appelé à ne pas faire d'amalgame avec les communautés musulmanes de France et s'est dit « prêt à être à la tête de la guerre contre les terroristes ». La campagne présidentielle qui reprend jeudi risque de porter les stigmates du drame que viennent de vivre les villes de Toulouse et de Montauban. Et de rebattre les cartes pour les élections du premier tour.