Le pouvoir judiciaire est l'un des piliers sur lesquels repose la démocratie. Dans les régimes autocratiques et dictatoriaux, le pouvoir judiciaire est commandé par une seule personne qui gouverne en despote absolu. La manière dont il fallait organiser le pouvoir judiciaire fut parmi les premières préoccupations des parlementaires chargés d'élaborer la constitution de 1791 en France. Le député de chargé de rédiger un projet de l'organisation judiciaire à l'époque, affirme entre autres : « On conçoit qu'entre les pouvoirs publics, celui qui nous modifie le plus en bien ou en mal est incontestablement le pouvoir judiciaire ». En Tunisie, à l'aube de l'indépendance, le souci des membres de la constituante a été entre autres de revoir l'organisation judiciaire qui favorisait les occupants durant la période coloniale, où les droits des autochtones étaient bafoués. Le bureau exécutif de l'Association des Magistrats Tunisiens, a organisé hier un colloque au « Diplomat Hôtel » sur le thème de la Justice et sa place dans la nouvelle constitution. Kalthoum Kennou, secrétaire générale de ladite association a souligné que le principe de l'indépendance de la Justice doit être parmi les principes de base de la démocratie. Il est important que le juge statue librement dans toute affaire, en fonction de la loi et en son âme et conscience. Durant l'ancien régime, le juge subissait des pressions de toutes parts. Il était menacé par ses supérieurs hiérarchiques, qui intercédaient pour lui dicter dans certaines affaires, les décisions qu'il doit prendre. Cela était monnaie courante dans les affaires politiques où les instructions venaient du sommet de la hiérarchie, c'est-à-dire le chef de l'Etat. Comment peut-on avoir des jugements équitables avec ces procédés ? Par ailleurs et comme pour récompenser ces magistrats guidés, on fermait les yeux sur une certaine corruption qui alla crescendo, et est même devenue une pratique courante sous le régime de Ben Ali. Durant ce colloque les thèmes qui seront débattus dans des ateliers de travail concerneront notamment : « La Justice et les libertés au sein de la Constitution » et « Les réformes nécessaires au sein du parquet. » Evidemment un bonne justice, est de nature à garantir les libertés, alors que concernant le parquet, le procureur qui agit dans l'intérêt de l'ordre public ne doit subir aucune influence et ne doit pas intervenir uniquement pour enfoncer l'accusé, comme ce fut souvent le cas par le passé, si bien qu'on lui a attribué le sobriquet populaire de « Mougharrek » désignant en arabe parlé, enfonceur. Le procureur est en principe tenu d'intervenir dans le sens de la vérité, afin de poursuivre le vrai coupable. Il intervient donc dans ce sens à charge et à décharge de l'accusé, présumé innocent jusqu'à la preuve du contraire. Dans le même ordre d'idées Aïcha Dhaouadi membre de la Constituante, est intervenue pour expliquer que dans tous les procès politiques, le procureur, ainsi que les juges chargés de ces affaires à caractère particulier, ont agi sur ordre de leurs chefs hiérarchiques et ont trahi leur conscience. Elle a ajouté par ailleurs que dans le cadre de la justice transitionnelle, il faut absolument faire droit à tous ceux qui ont subi des tortures pour avouer par la force, des faits qui leurs étaient reprochés à tort. Devant le tribunal, ni le juge d'instruction, ni le juge, ne voulaient attribuer de l'importance à cet élément pour l'établissement de la vérité. Aïcha Dhaouadi qui a été emprisonnée avant de s'expatrier en France pour rejoindre des organisations de droits de l'Homme, a précisé qu'environ 33000 détenus politiques ont subi des tortures. cela a commencé dès l'aube de l'indépendance, avec les procès des opposants, jusqu'au régime de Ben Ali. Ce dernier a surtout fait subir les pires des exactions aux islamistes, dont notamment les membres d'Ennahdha. Il suffisait d'être accusé « d'appartenance à une organisation non reconnue », pour subir les pires des tortures ainsi que les membres de la famille de l'accusé.voyez jusqu'à quel point les droits de l'Homme étaient bafoués, avec la complicité de la Justice, impassible car impuissante à cette époque. Quant à la juriste Souad Moussa, elle a proposé une refonte de l'organisation judiciaire avec une structure où sera prise en considération l'indépendance de la Justice. Celle-ci doit être consacrée en tant que principe intangible et immuable dans la nouvelle Constitution, qui ne doit pas, comme celle de 1959, rester lettre morte.