Tout du côté des frontières communes à Ras Jédir est en perpétuelle évolution depuis la chute de Kadhafi et la fin du conflit. La situation sécuritaire connait des hauts et des bas en raison des incidents sporadiques survenant de part et d'autre, au gré de l'humeur changeante des rebelles de Zouara qui ne semblent pas être prêts à céder le contrôle du poste frontalier aux mains des troupes officielles. Elle se dégrade un temps engendrant conséquemment la fermeture temporaire des frontières pour se normaliser quelque temps plus tard avec la reprise du flux ordinaire des passagers et des véhicules. En revanche, non très loin de là, à Choucha à peine à 7 km, ce lieu choisi une année auparavant pour abriter le camp des réfugiés fuyant alors massivement la Lybie depuis les premières étincelles du conflit sanglant, tout demeure inchangé. Les quelques centaines de pensionnaires, trois mille cent au juste, continuent à y séjourner sous ces tentes de fortune, condamnés à vivoter bon gré mal gré, tant bi en que mal, à l'intérieur de cet enclos. Ils sont pour la plupart des réfugiés et des demandeurs d'asile originaires d'environ 20 pays, en majorité d'Afrique subsaharienne, Somaliens (28%), Erythréens (25%), Soudanais du Nord et du Sud (23%), Ethiopiens (08%), Tchadiens (04%), ou Ivoiriens (01%), et de l'Irak (04%), etc. Le processus d'identification et de détermination du statut de réfugié mis en place par l'UNHCR a permis d'étudier cas par cas le dossier de presque tous les candidats à l'asile parmi les pensionnaires. Trahissant un sentiment de soulagement et plein d'espoir, Ishak, jeune Soudanais confie « J'ai trop attendu, mais on vient de m'annoncer que je serai accueilli par les Etats-Unis d'Amérique, et je ne peux que m'en réjouir. Il ne me reste plus maintenant qu'à me préparer au départ que j'ai tant attendu, souhaité et dont j'ai longtemps rêvé, comme tous les pensionnaires dans le camp, que je ne quitterai pas sans remercier tous ceux qui ont œuvré pour nous rendre notre séjour le moins pénible possible" La vie dans le camp Pour éviter la promiscuité qui était à l'origine des échauffourées meurtrières entre Somaliens et Erythréens l'été dernier, le camp est restructuré selon les normes internationales ; les résidents sont regroupés par communautés et répartis sur cinq secteurs séparés par de larges avenues. De nombreux points d'eau ont été installés dans maints endroits ; des points d'électricité sont également installés permettant aux pensionnaires de recharger leurs portables, ou pour certains de se servir de leur téléviseur dont la présence est signalée par les antennes paraboliques visibles. « Depuis l'arrêt de fonction imposé aux 120 ouvriers de nettoyage et d'entretien du camp et décidé incompréhensiblement par les responsables de l'UNHCR depuis le début du mois de mars, ajoute Ishak le Soudanais, le camp qui affichait une propreté remarquable est malheureusement jonché de déchets de tous genres, ce qui n'est pas pour nous rendre la vie meilleure. " Dans la partie sud se dresse le quartier général du Conseil Danois des Réfugiés, chargé particulièrement de la protection, du bien-être et des droits des enfants. « Le camp de Choucha compte en tout 500 enfants, dont nous avons en charge 300 que leurs familles ont accepté de faire enregistrer, fait savoir M.Mazen Haber, Libanais de nationalité et directeur du programme de protection des enfants. Ils sont bien encadrés par des psychologues, des enseignants, des animateurs provenant de Ben Gardane, de Tataouine ou de Tunis et agissant souvent bénévolement " A l'entrée nord du camp se trouve au même endroit le quartier général de santé géré avant par Médecins Sans Frontières supplanté maintenant par International Médical Corps, ONG américaine qui prend en charge désormais la situation sanitaire dans le camp. « Il n'y a point d'émergence, et la situation est sous contrôle, tiennent à rassurer Dr Harrath et Dr Sanwar. Nous faisons face à toutes sortes de maladies, relevant de la santé mentale, reproductive, primaire, ou dentaire, etc…Nous comptons quatre médecins permanents, dont deux Tunisiens et deux volontaires parmi les réfugiés. Nous faisons également appel à des spécialistes pour assurer des consultations hebdomadaires ou bimensuelles selon un programme que nous arrêtons au préalable." Lenteur de réinstallation ou l'attente infinie de la délivrance Au mois d'août dernier, ils étaient 3834 réfugiés ; sept mois après, ils sont 3100 , c'est dire que le rythme de réinstallation est très lent, que l'effort de placement de ces malheureux infortunés dans les pays riches du Nord est insignifiant, et que l'appel à l'adhésion au programme d'accueil et de placement n'est pas favorablement perçu par certains pays, comme la France, l'Allemagne ou l'Italie qui sont toujours réticents et esquivent leurs obligations d'accueil. C'est dire donc que les pensionnaires du camp de Choucha, qui attendent désespérément l'heure de la délivrance, ne sont pas au bout de leurs peines et qu'ils doivent prendre leur mal en patience faute d'alternative meilleure.