•Une dizaine d'incursions et un déficit de caisse de 12.000 dinars Alors que je traînais ma carcasse et mon chariot à travers les divers rayons du supermarché de la ville, le chef du groupe de sécurité m'interpella subitement, me demandant de me séparer de mes achats, non encore réglés, pour les récupérer quelque temps plus tard. Surpris et jauni par la singulière invitation, le cœur battant la chamade, j'eus à envisager le pire… Un incident imminent… une bombe à retardement. La sérénité et le large sourire arboré par l'interpellant firent tôt de me rassurer que rien de méchant ne pointait à l'horizon… L'homme, sachant mon es-qualité qui me faisait toujours courir derrière les faits insolites et les exclusivités m'invita à le suivre dans son bureau… pour une fouille ? Non ! Evidemment, rien de cela. Alors, c'est pourquoi ? « Oh ! Quel bon hasard vous amène à ce moment là, clame-t-il », en m'invitant à m'asseoir près de lui, devant l'écran, de son ordinateur-géant. Et à me concentrer avec lui sur les images, prises en direct, par les caméras du supermarché. L'homme et ses hommes cherchaient, sous une couverture médiatique inespérée et improvisée, à piéger l'un des aventuriers. Celui-ci, nous précisait-on, brûlait la politesse et prenait à chaque fois de vitesse, le personnel de sécurité, après avoir raflé ce que bon lui semblait, sans passer par le caissier… Le chef de sécurité qui, à mes côtés, orchestrait la chasse au grand « gibier », donna aussitôt l'ordre, par cellulaire, à ses lieutenants, d'évacuer tous les rayons, pour laisser faire à sa façon, l'insaisissable chenapan. L'on cherchait par là à surprendre le bonhomme à la sortie, en flagrant délit, emportant avec lui les articles dérobés. L'on suivait ainsi, à distance, le maraudeur qui rôdait à travers les rayons désertés à dessein, par le personnel de céans et à la recherche, peut-être, d'articles peu encombrants… Le visiteur solitaire fit son choix et campa devant les étals de parfumerie. Un petit regard à droite et à gauche, et hop ! Il en écume une variété d'articles, les fourre sous ses vêtements et gagne au trot… le couloir réservé aux clients sans achats. Ce n'était pas alors si gagné comme il le pensait. Puisque, en gagnant la sortie, il a été coincé par l'équipe de sécurité, qui l'attendait de pied ferme, toujours devant les caméras du supermarché. Le reste des faits, nous les avons vécus de plus près, au bureau du chef de sécurité, nez à nez, avec le triste héros de l'odyssée. Là, celui-ci, avant l'arrivée des policiers, se livre à un véritable cinéma. Dans une crise de colère… simulée, il menace de tout casser, à commencer par les vitres du box où il est gardé sous clés... Et l'ange gardien, avec une patience d'ange, ne fait que répliquer froidement au personnage diabolique : « Allez-y ! Faites ce que vous voulez ! Cassez ! C'est ensuite à moi de casser ce que vous n'auriez pas cassé ! ». Le voleur, continuant sur sa lancée se met aussitôt à crier à gorge déployée : « C'est grâce à moi que votre magasin n'a pas été pillé le 14 janvier. J'ai empêché les émeutiers d'investir les lieux ! Ce que j'ai volé ne vaut rien par rapport à ce que j'avais fait pour vous protéger ! La bourde n'a pas manqué de faire mourir de rire les témoins de la scène, à commencer par les policiers, alertés, pour menotter le comédien raté. Au poste de police de Ras Jebel, Ch..., 45 ans, au casier judiciaire éloquent, devait reconnaître avoir entrepris et réussi trois incursions entre les 19 et 26 du mois de mars courant. Opération lui ayant permis de se sauver avec une quantité énorme de boîtes de conserves, refilées à moitié prix, à des gargotiers et marchands ambulants. Pour sa part, le chef de sécurité, ayant orchestré la chasse au maraudeur, nous a révélé qu'une bonne dizaine de personnes entre mineures et majeures et vaccinées, ont été surprises ces derniers temps la main dans le sac, à l'intérieur du magasin. Les inventaires devaient conclure à des trous faramineux dans les stocks de conserves, d'alimentation générale (surtout de chocolat), d'articles de parfumerie et d'électronique. Ce qui aurait occasionné un déficit de caisse dépassant douze mille dinars. Il nous a été, en outre, précisé que ce déficit dépasse de très loin la marge de fuite tolérée. Ce qui n'est pas sans inquiéter, outre mesure, le personnel de sécurité concerné qui ne sait plus à quel saint se vouer.