• Bon nombre de distributeurs n'ont pas réussi à approvisionner les magasins à cause de la fermeture de certaines routes L'abcès enfin crevé, la société tunisienne tente progressivement mais sûrement de reprendre son quotidien de la manière la plus normale que possible. Hier, bon nombre de citoyens ont repris leurs activités professionnelles et se sont mobilisés pour que les rues ne soient pas désertes, pour que le commerce reprenne et pour que l'économie tunisienne renaisse de nouveau. Des hommes, des femmes, tous âges confondus, vaquent, chacun de son côté, à leurs occupations qui, bien qu'anodines, portent le sens de la vie. Au centre-ville de Tunis, des commerçants ont repris leur travail, motivés par le souci de fournir aux citoyens les produits nécessaires à la vie de tous les jours. Parmi ces points de vente figure un supermarché, situé à la rue Jamel-Abdennaceur à Tunis. En effet, et après quatre jours de fermeture, ce point de vente a ouvert ses portes, permettant aux citoyens de faire leurs courses et de s'approvisionner en denrées de base. Hanène Majri est une jeune vendeuse travaillant dans un autre supermarché du centre-ville. Pensant que son lieu de travail serait ouvert, elle est descendue comme de coutume. «Le supermarché où je travaille est fermé. J'en ai profité pour faire quelques courses mais je me suis rendu compte que les denrées essentielles comme les œufs, la farine et la semoule ne sont pas disponibles. Même les épiciers du coin manquent remarquablement de marchandises et cela est parfaitement compréhensible car personne ne s'attendait à une pareille situation. J'ai pu acheter tout de même des yaourts et du fromage», indique-t-elle. A l'entrée principale du supermarché, l'armée assure le contrôle de tous les clients, et ce, afin de garantir la sécurité et des personnes et de l'unité de vente. Cette dernière constitue l'une des unités commerciales qui ont échappé aux agressions et aux actes terroristes. A l'intérieur, les files d'attente traduisent l'intérêt qu'accorde le Tunisien à l'approvisionnement, surtout après des jours placés sous le signe de la terreur et de la paralysie économique. Saïda Khmira fait la queue à la caisse. Certes, elle a réussi à faire l'acquisition de quelques produits alimentaires. Cependant, elle constate un manque flagrant des denrées essentielles. «Le pain est certes disponible mais avec difficulté. D'autant qu'il y a un déficit flagrant des produits alimentaires de base comme le lait. Il faut dire que dans une pareille situation, tout produit alimentaire, même jadis facultatif, devient nécessaire», fait elle remarquer. Constatant que le rayon lait est complètement vide, certains se sont tournés vers les boîtes de lait concentré. En sillonnant les divers rayons de ce magasin, l'on constate la disponibilité de quelques fruits et légumes comme les agrumes, les pommes — bien que pas trop frais — l'ail, les poivrons, l'artichaut, le chou. Le rayon des yaourts contient une bonne quantité de produits, comme le yaourt, le beurre, les fromages frais, le salami, etc. Le rayon des œufs était presque vide. Le rayon des eaux minérales également. Après avoir fait la queue pour obtenir le pain, Makrem Bettaïeb en fait de même devant la caisse. «L'acquisition du pain était ces derniers jours possible, mais d'une manière fort anarchique. Aujourd'hui, la situation semble plus réglementée. Chacun a droit à cinq pains au maximum, et ce, afin de répondre au mieux à la demande de tous», indique notre interlocuteur. Et d'ajouter que si les prix n'ont pas été retouchés dans les supermarchés, certains épiciers, et à cause du déficit d'approvisionnement, ont eu recours ces derniers jours à l'augmentation des prix. «Le prix des tomates concentrées pesant un kilo a augmenté de 200 millimes», renchérit-il. De son côté, Samia attend son tour pour acheter du pain. «Hier, j'ai dû attendre de 8h30 à 13h00 pour avoir du pain auprès d'une boulangerie à El Kalleline», indique-t-elle. Pour elle, ce qui l'inquiète vraiment, c'est le manque de produits comme les pâtes, le couscous, la farine, le sucre et le lait. Youssef, chef du rayon lait et œufs, précise que le supermarché n'a pas réussi à obtenir l'approvisionnement en cette première journée de travail. Un avis que contredit à moitié Salem Amri, directeur du magasin : «A l'ouverture du supermarché, il y avait une grande quantité de marchandise mais elle s'est épuisée très vite car la demande est fort importante. Il faut dire qu'il y a un réel manque de confiance de la part des citoyens», souligne M. Amri. Il ajoute : «Le circuit de distribution a reçu un coup très dur. Plus de 60% des points de vente ont été détruits. D'autant plus que les routes sont fermées actuellement, ce qui a empêché un grand nombre de distributeurs de nous approvisionner. Toutefois, certaines sociétés ont réussi à nous approvisionner ce matin en eaux minérales, en lait et en œufs». Le responsable du supermarché saisit l'occasion pour insister sur l'urgence de garantir aux citoyens la nourriture dont ils ont besoin. C'est ainsi que l'on peut leur redonner le sentiment de sécurité. ------------------------------------------------------------------------ Non à la spéculation Fadhila Menaâ est une femme d'un certain âge. Elle vend du tabac et des bonbons devant l'un des immeubles du centre-ville de Tunis. Cela fait deux jours qu'elle a repris son travail, vainquant la peur et se méfiant de la situation d'insécurité. «Aujourd'hui, je me suis dirigée au marché central pour me procurer de la marchandise. A ma grande surprise, j'ai constaté que les prix ont augmenté. Le stock de dix paquets de cigarettes n'est plus à 22d,000, mais à 25d,000», indique-t-elle. Manifestement, le problème de la spéculation commence à toucher le commerce dans cette phase délicate. Certains détaillants recourent à ce système de commerce fondé sur l'égocentrisme et le profit. Or, c'est le moment idéal pour que la société tunisienne rompt définitivement avec ce genre de pratiques et fait preuve de solidarité et d'honnêteté. D.B.S.