Tout est bien qui finit bien. L'adage trouve bien son contexte dans cette histoire ayant basculé entre l'enlèvement et la fugue d'adolescent. Presque tout le monde de Ras-Jebel a soufflé le chaud en apprenant la nouvelle de la disparition subite du jeune Yasser, 14 ans, inscrit à la septième année de l'enseignement de base, porté disparu depuis mardi dernier. La disparition a fait l'objet d'un avis de recherches accompagné de la photo-portrait de l'intéressé, répercutés par la police de Ras-Jebel, dans tous le pays à travers le réseau de la police et de la garde nationale. Et même notre nationale « UNE » s'en est mêlée, la « UNE » de son bulletin d'information télévisée, faisant augmenter la tension au sein de la population de Ras Jebel et d'ailleurs. Veillées d'armes Nous avons eu à joindre le foyer de la tension, dimanche dernier, quelques heures avant le déclic inespéré de la détente et du soulagement. Pour le cercle familial agrandi, c'était en quelque sorte une veillée d'armes en plein jour. C'était le moment du repas de midi et, aucune odeur de marmites n'effleurait les narines et ne promettait quoi que ce soit à ses bouches dégageant la sale odeur d'une « grève » de la faim. Toues les bouches sèches et les lèvres blanchies se remuaient pour commenter, supputer, supposer, etc… sur un fond de flash-back triste et énigmatique. A la moindre sonnerie, à la porte ou au portable, tout le monde féminin se met debout, prêt, à lancer les premiers « youyous » de la délivrance. Quant à Mme Raoudha, mère de l'adolescent, elle ne cesse de temps à autres de taper sur le clavier de son cellulaire dans l'espoir d'entendre retentir la voix de sa progéniture. Mais, en vain. Rien que le fameux enregistrement assommant, qui leur lance les bribes de phrases incolores, inodores et de médiocre saveur : « La ligne demandée n'est pas, pour le moment, opérationnelle ; Veuillez bien réessayer ultérieurement ! ». Incident mineur… Evènement majeur ! « Yasser, nous confie la mère de l'adolescent, n'a plus donné signe de vie depuis mardi à onze heures. Pendant les récentes vacances du printemps, il suit un apprentissage sur le tas auprès d'un petit atelier de rebobinage de moteurs de sondage. Histoire de s'occuper et tirer son argent de poche. On a appris que, juste avant sa mystérieuse disparition, Yasser avait vendu à une tierce personne une petite barre de cuivre, pour près de deux dinars, dans le dos du patron. Ce qui a provoqué la colère du maître rebobineur ». Et c'est cet incident mineur qui aurait fait écarter l'éventualité d'un drame majeur. Et de laisser supposer une fugue d'un adolescent craignant d'être réprimandé. En rentrant chez nous, dimanche, en fin d'après-midi, après l'enquête effectuée sur les lieux, tout en nous laissant quand même envisager le pire, le portable sonne. L'afficheur nous annonce le nom de la mère enlisée dans un deuil prématuré. En répondant à l'appel, la voix vive de Mme Raoudha, sur fond de mille et une autres voix cacophoniques et de « youyous » de joie, nous annonce l'heureuse nouvelle : « M. le journaliste ! Dites à vos lecteurs qu'on a retrouvé Yasser. Dieu merci ! Il est sain et sauf !Je vous le passe… » Une peur bleue… « Bonjour tonton ! je ne savais pas que ma fuite allait provoquer autant de bruits ! Voilà ce qu'il en est… Le jeune Yasser se dit mal dans sa peau, depuis qu'il avait pris le morceau de cuivre de l'atelier de son patron. Et depuis qu'il avait su que son employeur avait tout su. De peur d'être méchamment grondé par ses parents, l'adolescent prend le premier louage de Ras Jebel, à destination de Bizerte. Là, il a eu à prêter son service à un pêcheur tout en prenant soin de sieurs lui préciser les raisons de sa présence à ses côtés ». « Maman ! Papa ! Excusez-moi ! » N'ayant aucun parent, ni connaissance, auprès desquels il pouvait se réfugier, Yasser nous a indiqué qu'il avait dormi, les cinq nuits passées, au port de Bizerte, à ciel ouvert, sur un paillasson fait de filets de pêche, se couvrant des mêmes filets. « Jamais et grand jamais, je ne m'aviserai à refaire ce coup, ajoute l'adolescent. Ma frivolité a causé un coup dur à ma mère et à mon père surtout. Je les prie de m'en excuser ! Moralité de l'histoire, lorsque, dans l'éducation de l'enfant, la dissuasion et le bâton prennent le pas sur la carotte et la persuasion, c'est la fuite en avant et la révolte qu'on récolte…