Les Etats-Unis terminent l'année 2011 dans un état de faiblesse sans équivalent depuis la Guerre de Sécession. Ils n'exercent plus aucun leadership significatif au niveau international. Les divergences entre blocs géopolitiques s'aiguisent et ils se trouvent confrontés à presque tous les grands acteurs du monde : Chine, Russie, Brésil (et, plus généralement, quasiment toute l'Amérique du Sud) et désormais l'Euroland. Parallèlement, ils n'arrivent pas à maîtriser un chômage dont le taux réel stagne autour de 20% sur fond d'une réduction continue et sans précédent de la population active (qui est tombée désormais à son niveau de 2001. L'immobilier, fondement de la richesse des ménages US avec la Bourse, continue à voir ses prix chuter année après année malgré les tentatives désespérées de la Fed de faciliter les prêts à l'économie via son taux zéro. La Bourse a repris sa baisse interrompue artificiellement par les deux Quantitative Easing de 2009 et 2010. Les banques américaines, dont les bilans sont beaucoup plus chargés en produits financiers dérivés que ceux de leurs homologues européennes, s'approchent dangereusement d'une nouvelle série de faillites dont MF Global est un signe avant-coureur, démontrant l'inexistence des procédures de contrôle ou d'alerte trois ans après l'effondrement de Wall Street en 2008. La pauvreté s'étend chaque jour un peu plus dans le pays où un Américain sur six dépend désormais des bons d'alimentation et où un enfant sur cinq connaît des épisodes de vie dans la rue. Les services publics (éducation, social, police, voirie…) ont été considérablement réduits dans tout le pays pour éviter les faillites de villes, comtés ou Etats. Le succès rencontré par la révolte des classes moyennes et des jeunes (TP et OWS) s'explique par ces évolutions objectives. Et les années à venir vont voir ces tendances s'aggraver. L'état de faiblesse de l'économie et de la société US de 2011 est paradoxalement le résultat des tentatives de « sauvetage » conduites en 2009/2010 (plans de stimulation, QE…) et de la dégradation d'une situation « normale » pré-2008. 2012 va marquer la première année de dégradation à partir d'une situation déjà très détériorée. Les PME, les ménages, les collectivités locales, les services publics… n'ont plus de « matelas » pour atténuer le choc de la récession dans laquelle le pays est à nouveau tombé. Nous avons anticipé que l'année 2012 allait voir une baisse de 30% du dollar US par rapport aux principales devises mondiales. Dans cette économie qui importe l'essentiel de ses biens de consommation, cela se traduira par une baisse quasiment équivalente du pouvoir d'achat des ménages US sur fond d'inflation à deux chiffres. TP et OWS ont donc de beaux jours devant eux car la colère de 2011 va devenir de la rage en 2012/2013. Et selon le LEAP, rien n'est moins certain que la capacité d'un général en uniforme à maîtriser une telle rage. Car le grand enjeu financier de 2012 (qui explique pourquoi les attaques sur l'Euroland se sont multipliées et intensifiées depuis la fin de l'été 2011), c'est tout simplement le financement de l'immense « trou noir » des déficits américains. Dans [notre numéro de janvier 2012], nous développerons une analyse plus précise sur le fait que 2012 marquera un tournant catastrophique pour le marché des Bons du Trésor US ; mais ce que nous rappelons ici est déjà acté par l'OCDE : en 2012, il n'y aura plus assez d'argent disponible pour financer les déficits occidentaux. C'est une anticipation que nous avons faite dès 2009 en chiffrant pour la première fois ce que nous avons appelé la disparition des « actifs-fantômes » que cette crise transforme en fumée, choc après choc. L'OCDE confirme donc ce pronostic et cela explique la guerre de plus en plus ouverte que conduisent le Royaume-Uni et les Etats-Unis pour tenter de s'approprier les ressources financières restantes, notamment au détriment de l'Euroland, seule capable d'une attractivité plus grande. La spirale infernale US récession/dépression/inflation est donc porteuse de turbulences sans équivalent moderne pour les Etats-Unis, à la fois par leur ampleur et leur vitesse. Pour notre équipe, les acteurs de la « Beltway » sont incapables d'imaginer ce choc et ses conséquences. Ainsi, pour prendre un exemple parlant : quand le Pentagone planche avec difficulté sur une éventuelle réduction de 5% de son budget sur les cinq années à venir, il se trompe totalement de magnitude en matière de coupes budgétaires. Entre le blocage institutionnel et surtout le choc économique et financier de 2012, c'est sur une baisse de 50% de son budget qu'il devrait travailler. « Impossible ! » disent les gradés et experts militaires. En fait ils veulent dire « Impensable ! », ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Qu'ils demandent aux patrons de Lehman Brothers, d'AIG et aux grands opérateurs de Wall Street s'ils estimaient « possible » en 2007 un effondrement généralisé de leur place financière un an plus tard ? Qu'ils demandent aux généraux soviétiques de 1987 s'ils croyaient « possible » que l'URSS ait disparu quatre ans plus tard et que leur budget tombe à quasiment zéro ? Dans une crise historique, l' « impossible » se limite en effet généralement à l' « impensable »… jusqu'au moment où soudain la réalité impose son choix qui ne fait que peu de cas de ce que pensent les acteurs concernés. D'ailleurs les banques US vont affronter en 2012 une nouvelle hécatombe. Comme nous l'indiquions dans [notre numéro d'octobre 2011], entre 10% et 20% d'entre elles vont faire faillite à l'instar de leurs homologues européennes et japonaises. Ce sont les produits dérivés peuplant leurs bilans qui vont les entraîner, conséquence directe de la crise des dettes européennes et contre-coup direct du choc qui affectera d'abord la City, dernier rempart de Wall Street. L'hyper-inflation est donc une possibilité très réaliste pour 2013 aux Etats-Unis, sur fond de gouvernement fédéral (et de gouvernements locaux) dépourvu de moyens d'action et d'un système bancaire asphyxié par la remontée soudaine de tous les impayés intérieurs (dettes des ménages, des collectivités…) et extérieurs (dettes souveraines).