Que se passe-t-il à Mdeïna: la « petite ville » située au Sud d'El Kef entre les bourgs de Jérissa et de Dahmani ? Voilà que des trains entiers, judicieusement remis en service par la S.N.C.F.T., emmènent des centaines de gens, jeunes et autres, jusqu'à une gare voisine. C'est une excellente initiative à développer aussi vers Bulla Regia et alentours à partir de Jendouba et du Parc d'El Feïja à partir de Ghardimaou. Les voyageurs sont tellement intéressés qu'ils n'hésitent pas, après 3 heures de train, à marcher pendant 1 heure pour atteindre Althiburos. Ils ne pensent même pas qu'il faudra revenir !
L'approche
Certes, l'aller en train depuis Tunis est déjà une … « épopée ». La voie de chemin de fer s'enfonce vers le Sud-Ouest du pays vers El Fahs et Gaafour. Puis elle descend encore vers El sers et Dahmani. Le voyage se termine presque en rase campagne dans la petite gare de Maatria à 7 ≈ 8 kilomètres de Mdeïna. Bien sûr, lors d'un précédent voyage, on s'était régalé, malgré – ou grâce à – la lenteur du train, on n'avait pas vu passer le temps. Les chants rythmés par des « darbouka », inspirés et infatigables, n'avaient laissé aucune place à l'ennui. On avait eu tout le temps d'admirer le paysage : La Tunisie qu'on aperçoit seulement, à 90 ou 110 kilomètre à l'heure, à travers les vitres d'une automobile dont la « radio » masque le bruit du moteur. Tandis que dans le train … d'abord on a des dizaines de compagnons de voyage. Ensuite, on peut se lever, changer de wagon, manger, boire un coup ou offrir une cigarette et entreprendre une longue discussion. En ce moment, ce ne sont pas les sujets, sérieux ou futiles, qui manquent ! Et on avait commenté le voyage. Il a plu cette année. Un beau velours vert cru couvre les plaines d'autour d'El Fahs, d'El Aroussa, de Sidi Bou Rouis et d'El Sers. On a eu tout le temps de prendre conscience de l'existence d'un territoire de Carthage antique fermé par les massifs des Jebel Mansour, Rihane et Ech Cheïd quand le train s'est faufilé dans la « trouée de Bou Arada ». A Gaafour puis à Lakhouet, la fraîcheur puis la présence de mine ont fait prendre conscience qu'on était dans une autre partie de la Tunisie : le Haut Tell, le pays du blé et celui des mines aussi. On va le rencontrer à Jérissa, la ville du fer par exemple. Et puis, on arrive …
Mdeïna / Althiburos
Après une bonne marche, à travers des champs tapissés de vert et émaillés de mille fleurettes : jaune d'or les ravenelles, bleu roi les bourraches, blanc nacré les camomilles, mauve ou rose indien les glaïeuls sauvages, on approche du hameau de Mdeïna. Tout un peuple d'oiseaux : alouettes, pinsons, verdiers, chardonnerets paillent, affairés ; c'est la saison des nids. Dans le ciel d'un bleu vif, qui n'est pas encore décoloré par la chaleur de l'été, des rapaces : petits faucons crécerelles, buses variables planent avec les cigognes. Les hirondelles sont de retour ! Et ce sont les premières sources, le premier captage, alors que quelques centaines de mètres à gauche, un arc de triomphe se dresse au milieu des oliviers. On grimpe encore un peu et le site entier se découvre. Althiburos est habitée depuis la nuit des temps. De l'eau, des champs fertiles, de la bonne pierre, du bois et certainement du gibier à profusion ont attiré les hommes préhistoriques. Après la bataille de Zama en 202 avant J.C., elle fait partie du royaume numide de Massinissa. L'influence carthaginoise y a été très importante puisque la cité, certainement prospère, s'est dotée d'une administration municipale semblable à celle de Carthage : elle était administrée par des Suffètes élus mais elle n'a pas renoncé à son originalité numide. Elle se romanise, après la défaite de Jugurtha, en 107 avant J.C., lentement, progressivement, sans doute, volontairement sous l'influence d'une élite locale. Althiburos est à son apogée aux IIème et IIIème siècles sous le règne des Antonin et des Sévère. La population se christianise. Mais la ville se couvre de beaux monuments : capitole, théâtre et de superbes demeures ornées de somptueuses mosaïques. Les périodes vandales et byzantines sont assez mal connues. Les fouilles dans la ville sont encore inachevées. Elle a dû être conquise par les Arabes à la même époque qu'El Kef voisine, vers 700. La dernière fois qu'on a parlé de « Ksar Medeyan », c'est à l'occasion d'une bataille opposant les Chiites commandés par Abou Abdallah aux troupes aghlabides sous le règne de Ziadèt Allah III vers 900.
Les environs
L'héritage mégalithique berbère se rencontre dès la sortie de la ville sous la forme d'un tombeau mêlé aux vestiges d'époque romaine. Le long de la route menant au captage de la source alimentant Jérissa, puis au hameau de Baraket et plus loin vers Aïn Kseïba, les carrières antiques d'abord et les monuments mégalithiques abondent tout le long des routes. L'installation d'un peintre original : Monsieur Ammar Belghith, dans une galerie de mine, attire beaucoup de curieux surtout quand il développe sa théorie sur la « peinture infinie ». Que serait une œuvre picturale qui circulerait de peintre en peintre, chacun ajoutant ce que lui inspire la peinture qui lui est parvenue ? Il faut aller voir sa « galerie » et son « puits de lumière ». Nous pensons que toute la région d'El Kef est très richement pourvue en sites naturels : la couche alluviale contenant de l'iridium, la Kalaat Esnan, et des vestiges de toutes les époques. Elle est dotée aussi d'une bonne infrastructure routière et hôtelière, d'un artisanat et d'un folklore vivace. Elle offre de très nombreux centres d'intérêts.