Trois réalisateurs français (Jacques Audiard, Leos Carax, Alain Resnais), des engagements politiques cachés et beaucoup de valeurs sûres (David Cronenberg, Michael Haneke, Ken Loach, Abbas Kiarostami, Yousry Nasrallah) se trouvent sur la liste officielle des 22 films qui concourent pour la Palme d'or. Lors de la présentation de la sélection le 19 avril, Thierry Frémaux, le délégué général du 65e Festival de Cannes qui se tiendra du 16 au 27 mai, a promis des « œuvres qui renouvellent le 7e Art ». Pas d'engagement ouvertement politique cette année, il n'y aura pas de siège laissé libre pour Jafar Panahi ou un autre cinéaste persécuté. Le printemps arabe semble également déjà loin de l'actualité cannoise qui se concentre sur des critères purement cinématographiques. Thierry Frémaux, le délégué général, promet « des œuvres qui renouvellent le 7e Art ou visitent son classicisme ». Pour lui, la liste évoque à la fois « la générosité » et « le doute ». A première vue, la sélection officielle s'annonce très institutionnelle pour le Festival 2012 : neuf des 22 réalisateurs en lice pour la Palme d'or ont déjà été primés à Cannes ! Les valeurs sûres règnent sur la compétition : le Canadien David Cronenberg essaie d' effrayer avec le cauchemar new-yorkais Cosmopolis. Le réalisateur autrichien et Palme d'or 2009 (Le Ruban blanc) Michael Haneke présentera en avant-première mondiale Amour qui marque le retour du très discret Jean-Louis Trintignant et de l'omniprésente Isabelle Huppert. Le mouvement danois Dogme95 ne sera cette fois-ci pas représenté par le trublion Lars Van Trier, mais par le Prix du jury au Festival de Cannes 1998 (Festen) Thomas Vinterberg, qui se met à la chasse du trophée avec Jagten (The Hunt). L'Australien John Hillcoat, Lion d'or 2009 à la Mostra de Venise pour La Route, fera sa première cannoise avec Lawless. La Corée du Sud sera présentée par deux réalisateurs bien connus de la Croisette : Hong Sangsoo avec Da-Reun Na-Ra-E-Suh (In Another Country) et Im Sangsoo avec Do-Nui Mat (Taste of Money). Quand Thierry Frémaux parle d'un « retour en force relatif » du cinéma américain, couronné l'année dernière par la Palme d'or avec Terrence Malick, il pense de la même façon aux Etats-Unis (Jeff Nichols : Mud ; Lee Daniels : The Paperboy), au Canada (David Cronenberg : Cosmopolis), au Brésil (Walter Salles : On the Road) et au Mexique (Carlos Reygadas : Post Tenebras Lux). « Après la bataille » de Yousry Nasrallah Il y n'y a aucune femme sur la liste, malgré l'ouverture prometteuse faite l'année dernière. Néanmoins, sur la liste se trouvent des engagements forts des dernières années. La lutte pour un cinéma iranien libre est menée à travers le monstre sacré de la nouvelle vague iranienne, Abbas Kiarostama. La Palme d'Or 1997 (Le Goût de la Cerise) montrera Like Someone in Love. Les revendications du printemps arabe sont maintenues grâce au maître du cinéma égyptien, Yousry Nasrallah. Lors de la révolution égyptienne de 2011, il avait filmé les manifestants sur la place Tahrir, à Cannes il présentera sa nouvelle œuvre Baad El Mawkeaa (Après la Bataille) qui parle des conséquences des événements. Le Britannique et Palme d'or 2006 (Le Vent se lève) Ken Loach défendra le cinéma réaliste avec The Angels' Share (La part des anges). Et Reality de Matteo Garrone, un film sur la téléréalité, ne nous laissera pas indifférents non plus. L'Italien s'est fait un nom avec La Camorra qui traite du crime organisé à Naples. Côté français, il y a, comme les années précédentes, trois réalisateurs qui concourront pour la Palme d'or : Jacques Audiard, Leos Carax et Alain Resnais. A presque 90 ans, le réalisateur de films cultes comme Nuit et brouillard, Hiroshima mon amour, Smoking/No Smoking revient au grand écran sur la Croisette pour éventuellement gagner sa première Palme d'or ! Le titre emblématique de son film : Vous n'avez encore rien vu, une adaptation d'Eurydice de Jean Anouilh, avec Sabine Azéma, Mathieu Amalric, Pierre Arditi et Lambert Wilson. Jacques Audiard, déjà deux fois primés à Cannes, revient avec De rouille et d'os qui met en scène Marion Cotillard en dresseuse d'orques, aux côtés de Bouli Lanners et Matthias Schoenarts. A 51 ans, Leos Carax, réalisateur hanté de son film mythique Les Amants du Pont-Neuf (1991), le Festival donne l'occasion de mettre à l'épreuve son talent et de concourir pour la Palme d'or avec Holly Motors. Carax renoue ainsi avec son acteur fétiche Denis Lavant qui retrace 24 heures de la vie d'un homme. Le nouveau film de l'Américain Wes Anderson, Moonrise Kingdom, fera le 16 mai l'ouverture du festival qui sera inauguré par la maîtresse de cérémonie Bérénice Bejo, la Peppy Miller de The Artist. Les Palmes d'or seront décernées le 27 mai par le président du jury, Nanni Moretti. La clôture sera un hommage à Claude Miller : son dernier film Thérèse Desqueyroux, avec Audrey Tautou et Gilles Lellouche, sera projeté hors compétition. (MFI)