Il faut absolument saluer l'esprit d'équipe et l'amour pour l'art plastique dont témoignent les membres de l'Association Art sans Frontières qui étaient derrière l'organisation de l'exposition collective dont le vernissage a eu lieu le vendredi 20 avril au Centre d'Art Vivant de Belvédère et ce, dans le cadre d'un échange culturel franco-tunisien. Il a fallu sans doute beaucoup d'abnégation et de sacrifices de la part de ces membres amateurs d'art pour mettre sur pied leur association qui vise à jeter un pont culturel entre les deux rives de la Méditerranée, favorisant ainsi les échanges culturels et artistiques entre artistes tunisiens et européens, dans un esprit de liberté, de tolérance, d'ouverture et de respect de la diversité des sensibilités et des cultures. « Notre but, nous a déclaré Arbia Loudhaief, Présidente de l'Association, est d'être au service des artistes tunisiens qui, grâce à cet échange, parviendront à faire connaître leurs œuvres artistiques au-delà des frontières. Notre association accueille des artistes étrangers pour exposer en Tunisie et, inversement, nous sommes en contrepartie accueillis à l'étranger et pris en charge par des Associations similaires, comme l'année dernière nous étions reçus par l'Association ARTPOL qui nous a offert la possibilité d'exposer à Poligny, dans le Jura… » Ayant déjà participé à une exposition collective à Poligny, dans le Jura français en septembre 2011, voilà que les artistes tunisiens accueillent leurs collègues de l'autre rive pour exposer à leur tour en Tunisie. Plusieurs artistes européens ont répondu présents à l'invitation de l'Association Art sans Frontières qui leur a réservé un accueil chaleureux. Il y avait du côté français, Marie Noëlle Remy, Yves Delassard, Mylène Peyreton, Patrick Maillard, Anita Rumpf et Anne Marie Lacaille. Côté tunisien, ils étaient dix artistes de spécialités, de tendances et de sensibilités différentes. Plus d'une trentaine d'œuvres aux techniques diverses et aux thèmes variés étaient exposées. De belles couleurs pleines de luminosité, de vivacité et d'émotion, mais aussi de bonnes idées et de nouvelles conceptions de l'art moderne. Alia Kateb met sur toile toute une histoire de famille : retrouvailles avec une cousine après plusieurs années de séparation. Devenues mères et grand-mères, elles décident de partager leur passion commune : l'art. « C'est l'histoire de deux cousines, nous a confié l'artiste, qui se sont retrouvées après plus de trente ans de séparation, l'une en France, l'autre en Tunisie, on a décidé d'exposer ensemble dans les deux pays. D'abord à Poligny, dans le Jura, et aujourd'hui, on refait le même projet à Tunis. Mon tableau représente un triptyque racontant une histoire de famille, le tout est agrémenté d'une collection de vieilles photos regroupant les membres des deux familles, des ancêtres jusqu'aux nouvelles générations… » Amel Zaiem est présente avec cinq travaux : « Miroirs (triptyque), « Fusil », « Tour », « Liberté », « Paix et solidarité » et « L'autre et Moi », où différentes techniques s'alternent (impression de calligraphie, panneaux mousse, résine et collage et sculpture de fer). De même, plusieurs thèmes sont traités à la fois où la Lettre, qu'elle soit en arabe ou en langue étrangère, prédomine, considérée comme symbole des langues qui servent de moyens de communication et d'échange entre les nations du monde entier. C'est un appel à la tolérance et à l'ouverture vers l'Autre. Marie Noëlle Remy qui participe avec son unique tableau intitulé « Espace silence », fait en acrylique sur toile, est une artiste autodidacte qui a commencé à peindre en 1998. Elle puise son inspiration dans les lumières et les ambiances du Jura. Ses toiles, souvent de grands formats, restituent des paysages intérieurs, parcourus d'émotions et de rêves. Elle trace son chemin entre « Espaces et silences », à la recherche d'une harmonie entre son ressenti et une forme d'expression, l'abstraction. « J'ai travaillé sur l'Espace et le Temps pendant deux ans, nous a confié l'artiste ; c'est la première fois que je pars à l'étranger, mais malheureusement, je n'ai pu amener avec moi que cette toile. Il s'agit d'un triptyque de 2m76 où j'ai mis l'accent sur la transparence, le mouvement et la lumière. Je suis inspirée par le rouge cramoisi, couleur de la vie. » Anne-Marie Lacaille est présente avec son œuvre intitulée « Regards de femmes » où elle a investi des techniques mixtes. Née de père français et de mère tunisienne, elle fait ses premiers pas en Algérie dans un monde où les femmes sont très présentes dans la vie familiale. Imprégnée très tôt d'un regard multiculturel, elle se définit comme issue d'un mélange social et culturel, riche de valeurs. La femme est omniprésente dans ses productions artistiques. Nous l'avons abordée pour avoir une idée sur l'artiste et son oeuvre. Toute gaie, elle nous a confié : « Ma mère est tunisienne, elle est morte jeune, mon père est français, j'ai vécu en Algérie et après l'indépendance, nous sommes partis en France. Mais l'Algérie, la Tunisie, et le peuple arabe ont toujours été la source de ma documentation et de ma peinture. Il s'agit là des regards de femmes qui ont beaucoup à dire. C'est un hommage à la cause féminine et à la force des femmes à contribuer à établir la paix, l'amour et de l'union dans le monde… C'est aussi un pont entre l'Orient et l'Occident, l'Orient qui me manque beaucoup et l'Occident où je suis obligée de vivre. Je me nourris du passé, je suis dans le présent, mais c'est l'avenir qui m'intéresse… » Mylène Peyreton expose quant à elle l'un de ses travaux centré sur le carré intitulé « Installation Strip Band, ordre et désordre », un travail à l'encre sur papier et en aluminium. Sur cette œuvre, l'artiste nous a indiqué : « C'est un travail que je fais sur la bande et c'est aussi un travail autour du carré sur lequel je me centre depuis plusieurs années. J'ai travaillé des carrés muraux avec des bandes et puis un jour, j'ai eu envie d'extraire mes bandes du mural et de les faire en volume. Ce travail est un projet de maquette qui va être réalisé en monumental. Pour moi, il représente l'ordre contre le désordre : on est dans le chaos et quand on s'organise, on relève la tête, on avance et on va vers la sérénité et vers l'ordre. Pour cela, j'ai choisi de l'aluminium et pour le papier des encres de Chine. » Plusieurs autres œuvres ont investi les cimaises de la galerie : il y a le sculpteur Mourad Habli qui expose son œuvre « La Symphonie des vents », travaillée sur tôle d'acier martelée et rouillée. Arbia Loudhaief est présente également avec ses tableaux faits à l'huile « Tornade », « Espoir » et « Au fond de la nuit ». Le célèbre artiste français Patrick Maillard, grande figure de l'art contemporain et de l'abstraction lyrique, participe avec un triptyque intitulé « KHI », un travail en acrylique sur toile libre. Nadia Zouari, nous enchante par ses beaux tableaux en techniques mixtes sur toile et sur bois, «Abysses », « Indicibles frontières » et « Profondes voluptés ». Anita Rumpf, artiste d'origine suisse, offre à voir son travail « Tendres prémices : Nouer une idylle », une installation sur papier de soie. Lamia Guemara présente son triptyque « Bleu de Prusse », basé sur un mélange d'huile et de fil de chirurgie. Marouane Trabelsi propose de son côté, « Impression marine », une installation photos. Kmar Garbaa Ben Abdallah donne à voir ses trois productions en acrylique sur toile « Vers la démocratie », « Protection » et Fantaisie ». Sans oublier les œuvres en céramique de Saida Dridi « Chemin de l'après », ni celles de Rafika Dhrif, en techniques mixtes sur toile, « Rencontre », « D'une rive à l'autre » et « Voyage ». Une très belle exposition à voir et à revoir !