De notre envoyée Inès Ben Youssef - C'est parti, durant 15 jours Cannes fait son cinéma. La compétition officielle a démarré avec le film égyptien « Après la bataille » de Yousry Nasrallah, fidèle disciple de Youssef Chahine. Ce n'est pas la première fois que le cinéaste participe à cette manifestation. En 1988, son film « Vols d'été » a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Puis en 2004, il revient sur la Croisette avec « la porte du soleil » en sélection officielle. Présenté pour la première fois au public en première mondiale, « Après la bataille » est le premier film de fiction qui s'empare à chaud de la révolution égyptienne. C'est la première grande œuvre sur « Le Printemps arabe ». Le film raconte l'histoire d'un homme et d'une femme de classe sociale différente. D'un côté la femme (Mouna Chalaby) incarne une forme de bourgeoisie intellectuelle citadine, laïque, qui travaille dans la publicité et milite pour l'écologie et vit dans les beaux quartiers tandis que l'homme (Bassem Samra) représente l'ancrage dans la terre et le peuple. Avec leurs bons sentiments et leur naïveté, ces deux têtes à claques essaient de passer la révolution aux gens. On sent bien qu'ils ne sont pas à leur place, mais la révolution est là pour faire tomber les murs construits par les dictateurs entre les classes sociales. La jeune femme découvre un contexte et une réalité qu'elle ne connaissait pas avant le grand chamboulement qui a eu lieu en Egypte. Le film montre, grâce à la révolution, à quel point on vit dans un pays qu'on connait mal. D'ailleurs étymologiquement, dans le mot révolution, il y a changement de place. Yousry Nasrallah met en scène à la manière des grands tragiques grecs deux incarnations de deux Egypte qui auraient pu ne jamais se rencontrer si la révolution ne les avait pas percutés. Une très belle scène du film montre l'affrontement de la femme avec les hommes d'un village. Il y a aussi la scène des chameaux et des chevaux, qui incarnent la beauté et le tourisme lorsqu'ils sont du côté des pyramides et cela fait un peu bizarre lorsqu'ils sont sur la place Tahrir. Le réalisateur dit avoir écrit cette séquence en se plaçant du côté du personnage féminin et que ce sont des villageois et non des figurants qui la campent. « La révolution a affecté le tournage qui devait se faire sur 7 mois mais on a tourné que 48 jours », précise-t-il. Le film ressemble donc à un puzzle qui essaie de créer une reconstruction avec un fil dramatique dans sa façon de tisser le fil de l'histoire. Sans être un film à thèse, il comporte toutes les contradictions de la révolution égyptienne qui sont le masculin et le féminin, la ville et la campagne, la modernité et l'archaïsme. Les fils sont entremêlés. Quand Rym le principal personnage féminin arrive à Nezlet Essamlen, le lieu où il y a les cavaliers et les chameliers, elle se trouve chez la majorité qui a voté les islamistes. La découverte qu'elle fait montre à quel point elle ne connaissait pas la réalité. « Après la bataille », c'est après les événements autrement dit on est en plein dans la bataille de la propagande de l'armée et de ceux qui veulent prendre le pouvoir et mettre fin à la révolution tentant d'apporter le calme et la stabilité sauf que la construction n'a pas encore démarré. Le film raconte le présent historique en montrant que l'Etat était déjà effondré avant que la révolution n'éclate. Reconstruire l'âme d'un pays reste un défi que les Egyptiens doivent relever.