Plus d'un demi-siècle après l'indépendance, on découvre des brèches béantes à ce niveau et des insuffisances constitutionnelles et institutionnelles. La Révolution en fut la conséquence logique. Presque quatre ans en arrière, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (DESC). Mais jusque là, huit pays seulement ont ratifié ce protocole, alors qu'il faut atteindre les dix pour qu'il soit applicable. Et si la communauté internationale commence à se mobiliser pour institutionnaliser les (DESC), c'est parce qu'ils sont classés sur un pied d'égalité avec les droits civils et politiques et qu'ils ont été, longtemps, négligés. D'ailleurs, une primauté a toujours été accordée par les pays occidentaux aux droits civils et politiques au détriment des ceux économiques, sociaux et culturels. Cependant, les révolutions arabes, plus particulièrement celle réalisée en Tunisie, ont prouvé que les droits économiques et sociaux occupent le devant des revendications sociales. L'injustice et l'inégalité sociales, la pauvreté et la précarité, le droit au travail et à une meilleure vie avaient fait bouger depuis 2008 les citoyens du bassin minier, lesquels sont déterminés plus que jamais à bénéficier de leurs droits économiques et sociaux. Mais que faut-il faire pour inclure ces droits dans les textes de lois organiques ? Quelle stratégie faut-il adopter pour garantir les DESC à tous les citoyens ? C'est à ces questions que le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES) et la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme essayent de répondre en organisant depuis hier un atelier de travail placé sous le thème : la protection des droits économiques, sociaux et culturels en Tunisie : quelle stratégie nationale ?
Des régions démunies, un taux de pauvreté qui avoisine les 25 %, un taux de chômage de presque 19 %...il s'agit, notamment de l'état des lieux de la situation sociale en Tunisie qui tarde à changer dans le bon sens à cause de l'absence de stratégie claire, bien ficelée et ayant, surtout, pour objectif de promouvoir et de garantir les droits économiques, sociaux et culturels. Consciente de ces lacunes, la société civile tunisienne s'intéresse davantage à ces droits faisant partie intégrante des droits humains lesquels ne diffèrent guère des droits civils et politiques.
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En fait, à un moment où la Tunisie se penche sur la rédaction de sa nouvelle constitution, les acteurs de la société civile se mobilisent de plus en plus pour inclure ces droits dans la loi fondamentale. Il s'agit d'ailleurs de l'objectif du FTDES en présentant les recommandations qui seront formulées à l'issue de l'atelier de travail à l'Assemblée Nationale Constituante. D'ailleurs, « la nouvelle Constitution doit exprimer la volonté du peuple tunisien et ses revendications ayant trait à la liberté, à la dignité et à la justice », dit Mustapha Ben Jaâfar, président de la Constituante lors de l'ouverture de l'atelier.
De son côté Khalil Ezzaouia, ministre des Affaires Sociales considère que les DESC font partie des droits de l'Homme en général, tout en annonçant que la législation tunisienne est en retard par rapport à ses voisins maghrébins (le Maroc et l'Algérie). La Tunisie n'a pas ratifié trois conventions garantissant les droits économiques et sociaux des employés et des fonctionnaires. Il parle entre autres, des conventions des négociations sociales et celles relatives aux négociations dans la fonction publique ainsi que de la médecine du travail et de la santé et de la sécurité. « Les lois garantissant ces droits manquent toujours », a signalé le ministre tout en annonçant que « trois textes de loi seront examinés en juin prochain pour qu'ils soient adoptés dans une deuxième phase ». Toujours dans le même ordre d'idées, M. Ezzaouia a insisté sur l'importance de concrétiser les conventions internationales sous forme de textes de lois organiques pour promouvoir les droits économiques et sociaux.
Mme Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme considère que les droits civils et les DESC sont indissociables et que la Révolution tunisienne ne sera pas achevée sans une prise en compte des droits économiques et sociaux. Elle considère aussi que la concrétisation de ces droits ne peut être réalisée sans l'implication des citoyens.
Les droits culturels
Quant à Sami Tahri, secrétaire général adjoint à l'UGTT chargé de l'information, il a parlé « des droits culturels menacés aujourd'hui par les mentalités rétrogrades ». « Les droits culturels veulent dire la liberté de création et de créativité qui ont été réprimés à maintes reprises sans aucune réaction du gouvernement provisoire », critique M. Tahri.
Quant à Abdessatar Ben Moussa, président de la LTDH, il a parlé notamment de la reprise de l'enseignement zeitounien qui représente une menace pour la société tunisienne ainsi que du plan de développement adopté par le gouvernement provisoire, d'où l'urgence de le changer pour garantir la dignité des Tunisiens.
Il est clair que les intervenants sont d'accord sur l'importance des droits économiques, sociaux et culturels dans la promotion de la dignité des individus. Mais en quoi consistent-ils ? Ils sont en effet, des droits fondamentaux qui concernent le lieu de travail, la sécurité sociale, la vie familiale, la participation à la vie culturelle et l'accès au logement, à l'alimentation, à l'eau, aux soins et à la santé. Ce sont des droits basiques supposés être assurés par l'Etat. Mais malheureusement, des décennies durant, une grande frange de la société tunisienne a été privée de ces droits, ce qui l'a poussée à se révolter. Sera-t-elle capable de maintenir le cap et d'obtenir ses droits ?