Les locaux de la chaîne de télévision privée Al Hiwar TV ont été saccagés, samedi dernier par un groupe d'individus. La police technique du district de la Manouba est sur l'enquête, et jusqu'à aujourd'hui rien n'est confirmé concernant les agresseurs ayant arraché la caméra de surveillance après être entrés par effraction. Le Temps a interviewé le directeur de la chaîne qui a accusé les salafistes, selon lui « le bras armé d'Ennahdha »… Le Temps : d'abord, pouvez-vous nous parler des attaques enregistrées dans vos locaux, samedi dernier ?
Les attaques ont été enregistrées vers 3h du matin. Le matériel qui a été volé est composé de caméras qui coûtent presque 150 mille dinars. Les salafistes ont essayé de détruire tout le matériel, à commencer par les caméras de surveillance en griffonnant des croix partout pour nous faire comprendre le message.
Le Temps : tout de suite après les attaques, vous avez accusé les salafistes. Avez-vous des preuves à l'appui et où étaient les agents de sécurité au moment de l'agression?
J'ai plutôt accusé Ennahdha et je tiens toujours à le faire. Les salafistes ne sont que le bras armé du parti au pouvoir. Concernant les preuves je peux mentionner un message qui a été posté sur Facebook et dans lequel un salafiste menaçait clairement la chaîne en nous affirmant que l'invasion est très proche. Le message a été posté samedi matin. Le soir même nos locaux ont été saccagés. Heureusement que j'ai eu l'idée d'enregistrer le message qui a été vite supprimé. Deux jours auparavant, les journalistes de la chaîne ont été agressés par des barbus à Moncef Bey alors qu'ils filmaient l'incendie qui a ravagé des boutiques d'électroménagers. Les journalistes de la chaîne dans les régions ont été, également menacés à maintes reprises par des extrémistes. Sinon, les menaces implicites que nous avons reçues de la part de barbus de tout genre ne peuvent que justifier mes accusations. Samedi soir, Ennahdha est passé à l'acte en envoyant ses milices pour ravager nos locaux. Concernant les agents de sécurité, malheureusement nos locaux ne sont surveillés par aucun agent, et ce pour des raisons de budget. Nous sommes une petite chaîne qui vient de commencer à produire et nous n'avons pas les moyens d'investir en matière de sécurité.
Le Temps : pourquoi seriez-vous le seul média à être menacé et, selon vous, attaqué par Ennahdha ?
En premier lieu, nous ne sommes pas le premier média à être menacé par les barbus de l'après Ben Ali et l'affaire de Nessma TV n'est qu'un exemple concret. De plus, notre ligne éditoriale qui consiste à transmettre la vérité et dévoiler tous les dépassements des gouvernants ne peut qu'être à l'origine de cette agression. Nous sommes un média qui représente le peuple et nous avons été les premiers à parler de l'échec flagrant d'Ennahdha dans la gestion des affaires du pays. Nous avons eu l'audace de mettre en exergue le système de ce parti qui est en train «d'assainir» l'administration en y imposant ses partisans, en optant pour le «spoil system» aux dépens du «merit system». Ceci ne peut que stresser nos nouveaux gouvernants qui sont déjà conscients de leur échec à tous les niveaux.
Le Temps : plusieurs internautes ont parlé d'une propagande lancée par Taher Ben Hessine afin de créer le buzz et faire parler de sa chaine. Qu'en dites-vous ?
Al Hiwar TV n'a pas besoin d'une propagande pour créer le buzz. Notre travail continu et nos reportages qui couvrent toute la Tunisie sont plus que suffisants pour faire parler de la chaîne. Encore une chose: le matériel qui a été pillé et détruit coûte plus de 150 mille dinars et n'est même pas assuré. Bien évidemment, avec un budget d'un million de dinars, El Hiwar TV ne pourra jamais investir 150 mille dinars pour des raisons de ‘marketing' !
Le Temps : En accusant le parti au pouvoir, est ce que vous vous attendez à ce que vos agresseurs soient sanctionnés ?
Justement, je suis sûr que les malfaiteurs sont à l'abri de toute sorte de sanction. L'attaque de notre chaine n'est qu'une nouvelle agression qui s'inscrit dans la déferlante vague des agressions perpétrées par les salafistes, qui sévit depuis une semaine. Des hôtels, des restaurants, des boutiques et des maisons ont été agressés par ces barbus sans aucune réaction de la part du Gouvernement. Pir encore, les salafistes ont semé la peur dans les quatre coins du pays en incendiant des postes de police au vu et au su des agents de l'ordre. Pourquoi voudriez-vous alors qu'ils soient punis suite à l'agression d'une chaîne de télévision qui ne plaît pas à leurs patrons !
Le Temps : Vous présumez alors que les salafistes sont au dessus de la loi ?
Je voulais dire qu'il s'agit d'un groupuscule qui menace tous les Tunisiens et qui essaye de fragiliser et affaiblir les postes de décision. Par la suite, c'est à nous, les représentants de la société civile de mettre nos ouailles sur la branche pour faire face à ces extrémistes. Nous devons tout d'abord soutenir et encourager les forces de l'ordre à regagner la confiance du peuple afin qu'ils puissent travailler pour le bien de la Tunisie. La Tunisie de l'après Révolution n'a pas de place pour ces extrémistes qui obéissent à un parti ayant perdu toute sorte de légitimité et de crédibilité. Pour les sanctionner, nous devons être unis et très solidaires. Nous devons penser à nos enfants qui nous accuseront de garder les bras croisés devant ces RCDistes barbus.