Par Fatma Bouamaîed Ksila - A quelques jours du scrutin fatidique du 23 octobre, le spectre du fanatisme religieux a de nouveau frappé dans la nouvelle Tunisie, un énième coup de force depuis le soulèvement populaire du début de l'année et la chute du régime de Ben Ali le 14 janvier 2011, après avoir attaqué, à tour de rôle, des Hommes et des Femmes du monde de la culture et de l'art, des avocats, des universitaires, des journalistes, des simples baigneurs des lieux de culte, des sites touristiques, des espaces culturels, des monuments archéologiques, des chaînes privées de télévision.... Rien ne semble les arrêter dans leur escalade obscurantiste qui consiste à attaquer tout symbole de modernité dans notre pays.... Ces attaques bien préparées et leurs cibles bien choisies, ces extrémistes profitent d'une situation sécuritaire très fragile pour donner de la voix et imposer leur marque, tirant profit d'un appareil de sécurité infiltré par les forces contre-révolutionnaires et par conséquent paralysé. Le double discours du mouvement Ennahdha et le « Oui, mais » de ses dirigeants quant aux multiples violations exercées par ces fanatiques a été également du pain béni pour ces derniers dans leur conquête d'afghanisation de la société. Avant le 14 janvier Leurs premières agressions ont visé des Hommes et des Femmes du monde de la culture et de l'art comme ce qui s'est passé au mois de mars à Ras Jdir au groupe d'artistes tunisiens qui s'était rendu dans le camp de réfugiés pour y donner un spectacle. La réalisatrice Salma Baccar et son groupe ont été menacés par des salafistes et empêchés de présenter une quelconque activité culturelle dans le camp....Le samedi 9 avril, le réalisateur cinématographique Nouri Bouzid a été victime d'une agression et d'une blessure à la tête causée par un objet pointu. Son agresseur a pu s'enfuir sans être identifié. Pour la victime, et sans le moindre doute, l'agresseur visait l'artiste et le cinématographe. Le dimanche 26 juin, en fin d'après-midi, quelques dizaines d'individus se sont rassemblés devant le cinéma AfricArt qui, à l'initiative d'un collectif d'associations, Lem Echamel et en partenariat avec l'Institut arabe des droits de l'Homme, avait programmé la projection du film de Nadia El Fani « Ni Allah ni maître ». En un clin d'œil, les esprits se sont chauffés et le rassemblement a viré à une attaque des plus violentes et à un saccage des lieux devant des passants interloqués et pris de panique.... Après avoir scandé des slogans hostiles, brandissant drapeaux noirs, barres de fer, matraques et bâtons.., les barbus ont forcé l'entrée du cinéma, saccagé sa devanture, son guichet, tabassé et aspergé de gaz lacrymogène son propriétaire M. Habib Bel Hédi . Leur objectif ? Empêcher la projection du documentaire.....Les forces de l'ordre, présentes dans les environs, se sont contentées au début du rôle d'observateurs avant d'arrêter quelques uns d'entre eux. Le mardi 28 juin au matin, rebelote : un groupe d'individus, encore plus nombreux, se rassemblent devant le Palais de Justice de Tunis pour réclamer la libération immédiate de leurs frères arrêtés l'avant-veille. Et comme à l'accoutumée, la situation dégénère quand ils réussissent à pénétrer dans l'enceinte du tribunal, où ils s'accrochèrent violemment avec des avocats qu'ils rouèrent de coups. L'état d'un de ces derniers a nécessité une hospitalisation en urgence. Le même jour, une autre attaque a eu lieu dans la ville de Kairouan, visant un des sites touristiques les plus célèbres de la Tunisie. Il s'agit de la grande mosquée de Sidi Sahbi qui a été prise d'assaut par un groupe de plusieurs dizaines de barbus, ont barré son accès aux touristes présents sur place, les empêchant d'y accéder et limitant l'ouverture des portes aux heures des prières et aux pratiquants seulement. Le jeudi 5 septembre, c'est à la Basilique romaine du Kef que les Salafistes s'en prennent. Un groupe d'une vingtaine de Jihadistes a envahi le site dans le but de le transformer en mosquée. Sachant que ce monument archéologique date de l'époque byzantine au VIe siècle !! Le samedi 8 octobre, c'est à la faculté des Lettres et des sciences humaines de Sousse de subir les foudres de ces illuminés quand un groupe de 150 à 200 personnes ont fait une violente irruption dans l'établissement, armées de bombes à gaz, d'épées et de couteaux, en criant et en proférant des menaces de mort. Ils réclament l'inscription d'une étudiante portant le “niqab” qui a refusé de dévoiler son visage comme le stipule le règlement universitaire.... L'attaque a causé une fois de plus la panique générale parmi les étudiants et les enseignants de l'université et a entraîné l'arrêt immédiat des cours. Le lendemain, soit le dimanche 9 octobre, près de 300 salafistes ont tenté d'incendier le siège de la télévision privée Nessma en raison de la diffusion, vendredi soir, du film franco-iranien Persepolis. Les forces de l'ordre sont intervenues et ont dispersé les agresseurs. Ils ont procédé à des vérifications d'identité et déféré certains de ces assaillants devant le Parquet.... Cet incident a fait tache d'huile dans tout le pays et des milliers de Tunisiens ont manifesté leur indignation par rapport aux scènes qui personnifient Dieu et par conséquent portent atteinte aux valeurs religieuses du musulman. Soit, mais alors pourquoi maintenant alors que le film a déjà été projeté dans son intégrité dans plusieurs salles du pays et n'a pas entraîné la moindre réaction ? Est-ce qu'on a pris la peine de regarder ce film qui n'a rien à voir avec l'Islam ? Et les autres attaques faites sur des Hommes, des Femmes et des institutions ? Quel est le crime de ceux-ci ? Et toutes ces atteintes physiques faites à nos droits les plus fondamentaux à l'intégrité physique, à la différence, à l'expression . C'est notre droit à la citoyenneté qui est pris pour cible ! Non, il ne s'agit pas là de vains slogans que nous brandissons au gré du temps, il s'agit de l'essence même de notre vivre ensemble , les bases et l'identité de la société que nous voulons fonder ….. Non, la Tunisie ne s'est pas débarrassée de ses fantômes pour tomber encore plus bas..... Non, jamais, plus jamais nous ne reviendrons au statut de sujets !