Les réactions à la conférence tenue récemment sur le Festival de Carthage ne se faisaient pas attendre. En effet, le grand et prestigieux festival de Carthage, principale manifestation culturelle et artistique de l'été, risque cette année d'être compromis par le boycottage décidé récemment par les trois Syndicats qui représentent les artistes et la production musicale en Tunisie. Selon des sources bien informées, ces syndicats ont décidé au lendemain de cette conférence de boycotter non seulement la soirée d'ouverture du festival de Carthage, mais aussi tous les festivals programmés sur tout le territoire, accusant le Ministère de tutelle de ne pas consulter les parties concernées et d'avoir concocté une programmation où les artistes tunisiens sont peu ou non présents. Cette décision a été prise par les trois syndicats en signe de protestation aux décisions du comité qui n'a pas suffisamment programmé des spectacles tunisiens dans cette nouvelle édition.
Le Festival International de Carthage qui souffle cette année sa 48è année, est devenu au fil de ses éditions successives la vitrine de la Tunisie moderne et ouverte sur les cultures du monde entier. Malgré toutes les bonnes volontés de l'actuel ministère de la culture qui voudrait redorer le blason du Festival de Carthage qui a dérapé de sa ligne de conduite et des objectifs fondamentaux qui lui ont été assignés depuis sa naissance, à savoir l'ouverture sur les cultures et les musiques du monde, en privilégiant sans doute toute création tunisienne qui soit à la hauteur de ce festival, que ce soit en musique ou en arts dramatiques. Malheureusement, depuis plusieurs années, le souci culturel s'est progressivement éclipsé pour donner lieu à certains spectacles parachutés qui, souvent, n'ont aucun rapport avec les propositions des différents comités de sélection qui ont été désignés à chaque session et qui, au contraire, étaient l'œuvre d'une poignée de « décideurs culturels » qui, sous une certaine influence politique, cédaient aux caprices des grandes stars et de leurs imprésarios, faisant des spectacles culturels un commerce florissant et une source de profits. Cette situation qui a sévi depuis des années a sûrement évincé beaucoup de nos artistes nationaux qui se sont vus écartés de la scène de Carthage, devenue la chasse gardée d'une poignée de chanteurs arabes et étrangers, aux dépens des nôtres qui y voyaient un effet d'exclusion de la scène culturelle, ce qui les poussait à protester contre la politique culturelle adoptée dans la programmation des festivals, dont celui de Carthage en particulier. D'où la dernière décision de boycotter ces festivals de la part des différents syndicats qui revendiquent aussi la révision de la programmation des festivals en présence des structures représentatives et un engagement écrit en cas d'accord avec les autorités compétentes. Une telle attitude des représentants d'artistes et de professions musicales dénote d'une certaine colère et d'un sentiment de déception générale de la part d'une majorité écrasante d'artistes tunisiens qui ont agi de la sorte pour protester contre la politique culturelle menée par le ministère de tutelle qui, d'après les syndicats, ne semble pas changer d'un iota, même après la Révolution.
Pour le ministre de la culture, les jeux sont déjà faits. Il a d'ailleurs défendu son point de vue farouchement lors de la conférence de presse qu'il avait tenue à Hammamet, en annonçant à qui voulait l'entendre qu'il camperait sur sa position tant que les choix effectués par le comité étaient définitifs et qu'il en « assumerait personnellement toutes les conséquences ». Serait-ce là des déclarations irrévocables qui mettent fin à toutes les controverses suscitées par la programmation de la 48è session du Festival de Carthage dont les Syndicats demandent une révision avant même le démarrage des spectacles prévu pour le 05 juillet ?
Et le public, dans tout cela ? Quelle position va-t-il adopter ? Serait-il présent à tous les spectacles de façon massive ? Serait-il découragé par le paysage culturel bouleversé ces dernières semaines par des tendances extrémistes qui menacent la créativité culturelle et artistique dans le pays ? Se hasarderait-il à aller voir les spectacles programmés au cas où les mesures de sécurité ne seraient pas assez suffisantes pour lui assurer une belle soirée, sans incident ? En somme, c'est de l'attitude du public envers ces manifestations culturelles que dépendra la réussite ou l'échec de tout festival. Jusque-là, les avis du public sont mitigés, à en juger par les discussions houleuses déclenchées sur les réseaux sociaux via le net qui peuvent en dire long !