La difficile équation entre la garantie des droits et les aspirations du peuple La constitution est-elle le signe de la prospérité politique d'un pays ? Sur le principe la réponse est bien sûr affirmative, s'agissant du cadre juridique fixant les rouages de l'Etat et déterminant le fonctionnement de ses organes et d'une manière générale les rapports entre gouvernant et gouvernés. La constitution est donc en même temps un acte politique et juridique. Politique dans le sens où il est le reflet de la politique d'un Etat du moins sur le plan théorique. Dans la constitution coutumière qui a précédé la constitution écrite, des règles coutumières appelées conventions de constitution, le roi d'Angleterre confiait une partie de ses pouvoirs à certains de ses ministres .Mais elles étaient aussi imprécises qu'aléatoires. Ce ne fut qu'en 1789 que l'Assemblée Nationale française a commencé par rédiger la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen où des garanties ont été évoquées pour préserver les droits de l'Homme, dont la liberté d'expression, droit le plus fondamental.
En 1857 en Tunisie le Pacte fondamental ou Ahd El Amane institué par le Bey était un acte politique, intervenu suite à l'affaire Baitou, Juif tunisien, condamné à mort et exécuté suite à une altercation avec un autochtone musulman.
Suite à cet acte jugé ségrégationniste, le Bey ayant subi la pression franco-anglaise fit paraître le pacte fondamental précité, une déclaration des droits de tous le Tunisiens quelles que soient leur race leur culte ou leur appartenance.
La constitution est aussi un acte juridique en ce sens qu'il constitue un ensemble de textes écrits délimitant le fonctionnement des organes de l'Etat et leurs rapports avec les gouvernés, selon des principes d'égalité, de justice et de liberté énoncés généralement dans le préambule.
La constitution de 1861 est la première constitution tunisienne, sous un régime arabo-musulman (mise à part celle de Carthage) qui fixe d'une manière explicite ces principes tout en limitant les prérogatives du Bey qui avait jusque là un pouvoir absolu.
C'est sur ce thème qu'un colloque a été organisé sous l'égide de l'Ordre National des Avocats, hier, et auquel ont participé un certain nombre d'avocats, de juristes ainsi que plusieurs représentants de médias écrits et audiovisuels.
-C'est Paul Anderson juge à la Haute Cour aux Etats-Unis,qui dans un bref exposé a abordé le problème du rôle des professions juridiques dans l'élaboration de la constitution. Il faut savoir affirma-t-il ménager entre l'aspect théorique et pratique dans chaque point consacré par la constitution ?
Plusieurs problèmes spécifiques entrent en considération, pour l'élaboration d'une constitution qui puisse répondre aux réalités du pays concernés.
Aux Etats-Unis, les Etats fédérés ne sont pas d'accord sur certains points, à cause des réalités qui changent d'une région à l'autre. C'est le cas de la peine de mort qui n'est pas appliqué de la même façon, à travers les Etats-Unis.
-Farida Lâabidi , président de la Commission des Droits et des Libertés, et membre à l'Assemblée Constituante a affirmé qu'elle œuvre au sein de cette commission, avec ses collègues, à l'élaboration d'une constitution qui tienne compte des aspirations du peuple. Sans manquer de préserver les spécificités tunisiennes. Ajoutant que ce qu'il faut défendre ce sont les libertés et les droits d'une manière générale, abstraction faite des vœux de tel ou tel parti.
Il a été en effet précisé dans le préambule, que seul le peuple est titulaire de la souveraineté. L'abolition de toute forme de torture doit être consacrée par la constitution, ainsi que le droit à la vie, à la santé et à la sécurité.
Cela implique-t-il l'abolition de la peine de mort qui est la forme de tortue par excellence, et qui de surcroît contrevient au droit à la vie ?
A cette question Farida Laâbidi n'a pas donné de réponse précise étant donné que sur le problème de l'abolition de la peine de mort les avis sont partagés au sein de la Constituante.
-Amine Mahfoudh, avocat et professeur universitaire, a fait remarquer quant à lui, que le rôle de la Commission des droits et des libertés est de garantir les libertés et non de les limiter. En effet plusieurs questions se posent dans ce sens dont notamment la notion du Sacré et son impact sur la liberté d'expression.
Ce qui est sacré aux yeux de l'un peut ne pas l'être aux yeux de l'autre.
Il y a également, observa-t-il le problème de la spécificité qui peut être une arme à double tranchant par rapport à la garantie des libertés.
Ce sont des notions dont il faut user avec lucidité et précaution.
L'essentiel est surtout d'avoir une constitution où seront consacrés d'une manière claire et explicite les droits et les libertés dont notamment la liberté d'expression et d'opinion.
Evidemment les libertés s'exercent dans le cadre des lois qui les réglementent. Cette formule qui peut paraître banale, peut parfois prêter le flanc au législateur pour procéder à des censures multiples. C'est la raison pour laquelle il faut instituer un organe de contrôle de la constitutionnalité des lois.
Sur ce point, les membres de la commission sont pour l'institution d'un tribunal constitutionnel.
La constitution a été faite pour les humains sans aucune autre considération, de race de religion ou d'appartenance ethnique ou sociale.
C'est d'une telle constitution que nous rêvons tous.