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Faut-il ou non introduire le sacré dans la Constitution ?
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 06 - 2012

• «L'Etat garantit la liberté de conscience, la liberté de culte, et criminalise toute atteinte au sacré »
• «L'Etat garantit la liberté de conscience, la liberté de culte, et le respect du sacré».
Ce sont les deux moutures qui ont fait débat mercredi dernier dans le cadre de la célèbre commission constituante Droit et libertés. Présidée par Farida Laabidi, députée nahdhaouie, cette commission a pour attribution de discuter tout ce qui relève des droits et des libertés à inscrire dans la future constitution de notre pays. En son sein a été débattu l'article controversé relatif à une possible abolition de la peine de mort et voilà qu'avant-hier, l'épineuse question du respect du sacré est mise sur le tapis. Faut-il ou non criminaliser toute atteinte au sacré ? Est-il besoin même de citer le sacré dans la Constitution ? Et puis, où s'arrête le sacré?
Après les derniers événements, il fallait s'attendre à ces propositions d'inclusion de la protection du sacré dans le projet de loi fondamentale. Deux groupes sont tombés d'accord pour introduire la question du sacré dans le texte de la Constitution. Cependant, la controverse a tourné autour du vocable « criminaliser ». Faut-il ou non criminaliser, dans la loi fondamentale, toute atteinte au sacré?
Un débat qui a tellement divisé les dix-sept constituants de la commission qu'ils ont dû passer au vote. Ultime recours. Or la composition de toutes les commissions constituantes est telle qu'une fois que l'on fait appel au vote, c'est mathématiquement le groupe Ennahdha qui l'emporte. Ce fut encore le cas avant-hier. La première mouture soutenue par Ennahdha où la notion de criminalisation est introduite, a été adoptée par neuf voix contre huit. Une seule voix de différence ! Un projet de texte qui n'est toutefois pas définitif, puisqu'il passera à la commission coordinatrice composée de tous les présidents de commissions constituantes et présidée par Mustapha Ben Jaâfar, pour être soumis ensuite au débat en plénière. La différence de voix est tellement infime qu'il est même question que les deux moutures soient soumises à la discussion et non pas uniquement celle qui l'a difficilement emporté.
Que faut-il en penser et pourquoi la question a-t-elle tellement divisé les uns et les autres ? Pour avoir un éclairage complet sur la situation, nous avons donné la parole à M.Smii, député nahdhaoui, rapporteur adjoint de la commission Droit et libertés, à M.Ahmed Brahim, député El Massar, membre de ladite commission, et enfin à M. Chawki Gaddes, enseignant à la faculté des Sciences juridiques et secrétaire exécutif de l'Académie internationale de droit constitutionnel.
Ahmed Smii : « Dans le cadre du respect des libertés, il y a aussi un peuple qu'il ne faut pas heurter»
Sur un ton se voulant apaisant, M.Smii assure que le texte n'est pas définitif et que les discussions sont en cours sur la question du respect du sacré. Il a cependant fini par reconnaitre qu'au sein de la commission, effectivement deux groupes s'opposent sur deux formulations différentes.
Quant à la définition du sacré, il n'est pas utile de le définir selon le rapporteur adjoint, puisque la Constitution sera écrite pour le peuple tunisien, le sacré est de fait défini. D'autre part « il est normal que le texte constitutionnel soit vague, dit-il, c'est le législateur qui aura la charge de le spécifier en détail par la suite ». Pour ce qui est de cette orientation générale qui va dans le sens des limitations des libertés que certains observateurs relèvent de façon insistante depuis quelques mois, «c'est faux», répond M.Smii. Selon lui «le peuple tunisien a souffert pendant plus d'un demi-siècle de cette répression des libertés » et il n'est plus question de revenir à ça. Mais on doit savoir, nuance-t-il, « que dans le cadre de ces libertés, il y a une société et un peuple qu'il ne faut pas heurter dans leurs croyances ». Selon le rapporteur adjoint, les débats sont en cours et la commission n'est nullement au bord d'une crise.
Ahmed Brahim : « C'est une notion extrêmement vague et élastique »
L'un des constituants qui s'est opposé à la criminalisation des atteintes au sacré est Ahmed Brahim, président du parti coalisé El Massar. Il est historiquement l'un des chefs de file de l'opposition démocrate. Selon lui, il y a une tendance à vouloir adopter l'article qui criminalise les atteintes au sacré à cause de l'influence des derniers événements. Ma proposition, explique-t-il, se présente sous la formulation synthétisée préconisant la garantie par l'Etat de la liberté de conscience, la liberté de culte et le respect du sacré. Une synthèse selon lui conforme aux principes des libertés universelles et des droits de l'Homme. Sauf que, ajoute-t-il, il y a une tendance assez claire de vouloir instrumentaliser la religion pour limiter les libertés. Et M.Brahim de s'interroger : «Qu'est-ce que l'atteinte au sacré ? Et qui sera habilité à décider qu'est-ce que le sacré ? C'est une notion extrêmement vague et élastique».
A l'instar de plusieurs observateurs et experts du droit constitutionnel, M.Brahim affirme que tout ce qui n'est pas précis dans une Constitution ouvre la porte à l'arbitraire. « Le sacré n'a pas besoin de loi spécifique pour se maintenir », insiste-t-il « Mais cette pression, estime-t-il sert de prétexte pour limiter davantage les libertés de penser et d'expression».
Dans le cadre de cette commission, nous apprend-il, la question de la femme va bientôt être débattue. J'espère que la raison finira par l'emporter, pour ne pas être à chaque fois soumis à cette machine de vote, conclut-il, sur un ton mitigé où l'espoir et une certaine forme de lassitude s'entremêlent.
Chawki Gaddes : « Cet article, dans ses deux moutures, est une atteinte aux libertés publiques. Les gens doivent savoir que la « diffamation des religions» ne fait plus partie du vocabulaire du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU »
M.Gaddes n'y va pas quatre chemins: cet article dans ses deux formulations est une porte ouverte à tous les excès possibles et imaginables, dit-il. Il faudrait qu'on détermine exactement ce qu'est le sacré, avance-t-il à titre d'introduction.
Et il explique : « Je suis un musulman jusqu'à la moelle mais si quelqu'un blasphème devant moi, ça ne me fait ni chaud ni froid. C'est quelque chose entre lui et Dieu. Donc il faudra d'abord déterminer ce qui est sacré de ce qui ne l'est pas. A moins de créer une structure pour nous préciser ce qui est sacré pour le citoyen tunisien. A ce moment là, c'est le retour à l'époque des « Fatawis », nous serons donc à la merci des hommes de religion qui, eux, jugeront ce qui est atteinte au sacré ».
En plus de cette critique qui épingle le manque de précision dans le choix des termes des articles, le professeur en droit constitutionnel y ajoute une question purement technique : « Si la violation du sacré devient un crime, il va falloir comme, dans toute législation qui criminalise, que la détermination de l'acte criminel soit préalablement définie. Que veut donc dire atteinte au sacré? Quelqu'un qui mange dans la rue pendant le mois de Ramadan, c'est une atteinte au sacré ou pas ? Quelqu'un qui se balade dans la rue avec une bouteille de bière, est-ce oui ou non une atteinte au sacré?». Et il enchaîne : « Cet article dans ses deux moutures constitue une atteinte aux libertés publiques. Les gens doivent savoir que la « diffamation des religions » ne fait plus partie du vocabulaire du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Et dix ans après que l'Organisation de la conférence islamique a passé à imposer à l'ONU le concept de «diffamation des religions», l'OCI a choisi de l'abandonner. Ce changement s'est concrétisé, le jeudi 24 mars 2011 dernier, au Conseil des droits de l'Homme des Nations unies ».
« La Constitution, c'est la Constitution du peuple tunisien, poursuit M.Gaddes, et non pas de la majorité. Il y a une logique très sournoise qui se profile, puisque parallèlement à la mise en place d'une disposition similaire, il y aura ensuite la création d'une structure qui déterminera ce qui est sacré. C'est dans la logique des choses. Ce qui répond à l'article 120 du projet de Constitution présenté par Ennahdha ; le fameux conseil supérieur islamique. Autorité constitutionnelle indépendante au dessus des tous les pouvoirs qui décrète les « fatawis » qui auront force de loi pour le législatif, l'exécutif, le juridique, et pour tout le monde ».
Ainsi tout est dit. A présent, il est indispensable pour des questions aussi importantes qui vont décider de l'avenir da la société tunisienne sur plusieurs générations d'en débattre sur la place publique et d'écouter les spécialistes. Traiter de questions aussi délicates derrière des portes closes avec en épée de Damoclès un vote connu à l'avance serait grave et dangereux.


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