Dans cette canicule, chacun se protège contre le soleil comme il peut. Les privilégiés vont à la plage pour se rafraîchir, ou bien recourent au climatiseur pour jouir de la fraîcheur, ou bien encore font la sieste pour se mettre à l'abri de la chaleur suffocante dégagée par cette forge. Mais, ceux qui y sont exposés n'ont la possibilité d'y échapper que par un seul et unique moyen : se couvrir la tête par une ombrelle (« mdhalla ») ou une casquette.
Les autres vertus d' « el mdhalla »
En dehors de cette fonction utilitaire, ces deux couvre-chefs peuvent en avoir d'autres qui le sont beaucoup moins ou pas du tout. La dernière devient pour plusieurs un élément esthétique et une partie intégrante de la tenue vestimentaire qu'ils portent pendant toute la journée et toutes les saisons, dans la rue et à la maison. « el mdhalla », elle, connaît un autre usage qui procure plus d'avantages et dont les fruits sont très délicieux. Chez nous, par exemple, les nouveaux responsables s'en servent à bon escient, en la portant, ce ne sont pas les rayons du soleil qu'ils veulent éviter, mais l'ardeur sociale, elle, est de loin la plus brûlante et l'histoire récente est, sur ce point, très éloquente.
«El jebba», prochaine promotion
Jeudi dernier, le chef du gouvernement provisoire s'est coiffé d'une « mdhalla » lors de sa visite inopinée à un champ de blé où travaillent des agriculteurs d'arrache-pied dans une chaleur torride. Son ministre de l'agriculture fait de même, c'est une manière de montrer que les membres du gouvernement agissent de concert, mais surtout d'apporter leur « baraka » à la moisson et sauver ainsi la saison. Cette démonstration des « mdhallas » a fait des émules, le président provisoire de la république n'a pas voulu être en reste et en a lui aussi porté une, n'est-t-il pas le premier homme du pays, du moins sur le papier ? Et de l'imitation on est passé à la concurrence, le carnaval des « mdhallas » risque de durer et il y a de fortes chances qu'on assisterait à une procession et la période estivale serait placée sous le signe d' «el mdhalla » après que celle de l'hiver l'était sous le signe du « burnous ». Et avec la saison des mariages, on pourrait espérer mieux, c'est-à-dire la promotion de tous les autres articles artisanaux dont « el jebba ». Mais là, pour que l'accoutrement produise son charme, il faudrait partager la fête avec les gens du peuple comme on partage le travail sur les champs, s'ils tiennent à faire grimper le taux de leur popularité, là, ils devraient danser.
Une tradition politique
Manifestement, il y a de mauvaises habitudes dont nos politiques ne peuvent pas se débarrasser, ces scènes populistes nous rappellent la scène de Bourguiba monté sur une échelle et « cueillant des olives » à côté des ouvriers agricoles. Ben Ali, lui, a excellé dans les visites inopinées et leurs successeurs, eux, en ont fait la synthèse. Le point commun entre tous ces politiques reste leur volonté de cacher leurs défaillances et leurs échecs par le recours à de telles méthodes spectaculaires dont les phares demeurent incapables de projeter leur lumière au-delà de l'écran, elles constituent un fard qui ne dure que le temps du spectacle et qui se fond juste après comme la cire au feu, ce populisme ne peut jamais résister à l'effervescence révolutionnaire.