Marzouki règne mais ne gouverne pas ! Cela semble évident depuis la Révolution contre le pouvoir absolu. Mais la différence entre notre Président et la Reine d'Angleterre est que contrairement à cette dernière, il ne peut même pas exercer pleinement les fonctions qui lui sont dévolues en tant que chef d'Etat, et il n'y a pas de meilleure preuve que l'affaire Baghdadi Mahmoudi, livré aux autorités libyennes dimanche dernier, à 5 heures du matin, alors que Marzouki était entre les bras de Morphée.
Cette affaire qui a commencé lors du premier gouvernement Caïd Essebsi, a été traitée au départ avec prudence, et il y a eu une entente, à l'époque entre le chef du gouvernement et le premier président par intérim Foued Mebazaâ, pour surseoir à la livraison de l'intéressé. L'arrêté d'extradition déposé sur le bureau de ce dernier est resté en sursis, jusqu'à l'avènement de l'actuel président par intérim.
De prime abord, Marzouki a manifesté sa réticence à signer l'arrêté d'extradition de Mahmoudi. Cette réticence était justifiée par le fait que la situation en Libye n'était pas encore claire à cette époque. Or il fallait s'assurer que Mahmoudi ne risque pas de s'exposer à des exactions et qu'il aura droit à un procès équitable.
Le premier ministre semblait au départ adhérer à cette thèse, d'autant plus que sur le plan du droit international, cette garantie est la condition sine qua none pour satisfaire à toute demande d'extradition.
Or après quelque temps, le premier ministre a tourné casaque, en se déclarant de plus en plus favorable à l'extradition de Mahmoudi
Une divergence qui tourne au défi
Petit à petit le problème de l'extradition de Mahmoudi est devenu une affaire d'Etat, de plus en plus préoccupante , aussi bien pour le président de la République que pour le chef du gouvernement, mais pas de la même façon.
Baghdadi Mahmoudi condamné à 6 mois d'emprisonnement pour franchissement illégal de la frontière a été finalement acquitté en appel.
Un comité de défense, formé de plusieurs avocats, demande de le libérer, pour le laisser partir à la destination qu'il choisira lui-même.
Cette demande a été bien entendu refusée et Mahmoudi resta en détention en attendant la signature de l'arrêté d'extradition.
Cela donna lieu à des supputations diverses de la part des défenseurs de Mahmoudi dont ses avocats. Ces derniers ont déclaré en effet, qu'il y a derrière l'attitude de Jebali, des intérêts financiers, basée sur les promesses, qu'auraient faites les autorités libyennes au chef du gouvernement dans ce sens.
Entre-temps le chef de l'Etat qui semblait être sûr de lui, se montrait quelque peu confiant que Mahmoudi ne sera pas extradé, sans la signature de l'arrêté qui lui a été soumis depuis un bon bout de temps. Il était résolu de ne pas signer ledit traité avant d'avoir l'assurance, que l'intéressé bénéficiera de manière effective d'un procès équitable. D'autant plus que la commission d'enquête envoyée en Libye à cet effet n'a pas encore rendu son rapport.
Mais voilà que le premier ministre répond à cette confiance par le défi en persistant à affirmer qu'il n'a pas besoin de l'accord du Président pour procéder à l'extradition de Mahmoudi
Extradition contraire à la loi et aux droits de l'Homme ?
Chose promise chose due. Le premier ministre a donné l'ordre d'extrader Mahmoudi, en passant outre l'avis du Président et en outrepassant par là même ses prérogatives selon certains juristes et membres de la composante civile.
Il se serait basé sur l'ancienne Constitution qui est pour le moment gelée avec l'existence de la Constituante, qui est en train d'élaborer une nouvelle Constitution.
En outre cette extradition est contraire aux droits de l'Homme, car rien ne prouve que l'intéressé sera à l'abri d'exactions et qu'il bénéficiera d'un procès équitable.
Et quand bien bénéficierait-il de garanties suffisantes d'un procès équitable, il pourrait s'exposer à la peine capitale, étant donné les chefs de délits dont on l'accuse. La peine de mort est considérée par la Cour Internationale de Justice comme étant une forme de torture, sinon la plus grande.
Quel rôle de la Constituante
L'acte du gouvernement constitue non seulement un empiétement sur les prérogatives du Président , mais également un point noir dans les relations entre les deux membres de la Troïka que la Constituante devrait en principe condamner.
Marzouki a d'ailleurs l'intention de soumettre le problème à la Constituante.
Le mal est fait, mais l'avis de cette dernière importe pour l'avenir, et peut créer un précédent dans le règlement des conflits entre les membres de la Troïka.
En attendant rien n'est clair à l'horizon, et si la Présidence a fait parvenir un communiqué condamnant l'attitude du gouvernement, le président de la Constituante n'a pas encore réagi. En tout état de cause, en arbitre, il est tenu de l'obligation de réserve. Pourvu que celle-ci ne dure pas indéfiniment.... !