• Les nationalistes arabes entament la création de «l'Alliance populaire» • Les islamistes progressistes dans l'expectative La dynamique de recomposition du paysage politique national marquée par la formation jusque-là de trois fronts (destourien bourguibiste autour de M. Béji Caïd Essebsi et de son initiative lancée fin janvier dernier, centriste à l'initiative du PDP, d'Afek Tounès et du parti républicain et moderniste œuvre du PDM, d'Ettajdid et de figures indépendantes), n'a pas laissé les nationalistes arabes insensibles. Ainsi, on apprend qu'un quatrième front qui pourrait porter le nom de «l'Alliance populaire» est actuellement en cours de formation et groupera les Partis «Baâth», le Parti ouvrier communiste tunisien, le Parti populaire pour la liberté et le progrès, le Parti du militantisme progressiste et le Groupe des patriotes démocrates (un parti en cours de formation). «L'Alliance populaire», révèle Othmane Belhaj Amor, président du parti Baâth, a déjà mis au point un document de principes, un projet d'une déclaration politique et un règlement intérieur. «La création de l'Alliance sera annoncée peur avant le 26 février prochain, date au cours de laquelle sera tenu un grand meeting populaire pour la présentation de notre front, de ses principes et de ses orientation», précise-t-il encore. Le président du parti Baâth tient à préciser que «l'Alliance populaire se veut autant un parti d'opposition qu'un projet de société qui a ses propres orientations à faire valoir dont la préservation du secteur public et des acquis face à la prédominance des choix ultralibéraux du gouvernement menaçant la révolution du 14 janvier 2011 et ses objectifs. Quant aux prochaines échéances politiques dont en premier lieu les élections législatives et peut-être présidentielles qui seront tenues à la faveur de l'élaboration de la Constitution, nous considérons qu'elles constituent une partie intégrante de l'action de notre alliance». Un signe de bonne santé Concernant le phénomène de la formation de fronts ou d'alliances marquant la scène politique nationale depuis les élections du 23 octobre dernier, il estime que «c'est un signe de bonne santé du paysage politique et qu'il s'y était attendu surtout après la prolifération d'une centaine de partis avant le rendez-vous électoral. Aujourd'hui, il est normal que les partis qui partagent les mêmes orientations et les mêmes idées se coalisent au sein d'un front ou d'une alliance en vue d'affronter les prochaines échéances avec le maximum de chances de réussite.» Dans le même sillage, Amor Mejri, président du parti du Front populaire (de tendance nationaliste arabe), souligne que l'idée de former une coalition entre les partis nationalistes arabes a été évoquée avant les élections, mais sans aucun résultat. «Après le fiasco du 23 octobre, l'idée de la coalition a été remise sur le tapis et nous avons déjà mis en place un comité de coordination qui a décidé la formation de trois commissions chargées de l'élaboration du programme de la future coalition, de sa structuration et de la création d'une cellule de communication. Pas plus tard que samedi 11 février, nous avons tenu une réunion pour examiner le programme politique qui sera arrêté définitivement vendredi prochain. Quant à l'appellation de notre front, elle n'a pas encore été choisie alors que plusieurs formations politiques de tendance nationaliste arabe ont exprimé le désir de nous rejoindre, à l'instar du mouvement d'Al Irada et des partis des jeunes de la dignité», a-t-il précisé. Pour Mohamed Brahmi, président du Parti du mouvement du peuple, il est normal que des alliances entre partis partageant les mêmes orientations voient le jour, «surtout après l'éparpillement partisan que nous avons vécu avant les élections (117 partis) et dont les élections ont poussé ces mêmes partis à réviser leurs positions». «Pour nous, les nationalistes arabes, ajoute-t-il, nous sommes en train de nous restructurer et nous nous apprêtons à tenir notre congrès les 24, 25 et 26 février qui sera un congrès d'unification entre le Parti du mouvement du peuple et le Parti du mouvement du peuple progressiste unioniste présidé par Zouheïr Maghzaoui». Pour des alternatives sérieuses Et les partis de tendance islamiste centriste ainsi que les personnalités considérées comme étant des islamistes progressistes, comment se positionnent-ils dans ce paysage politique national en phase de recomposition sur la base des vérités qui ont été révélées par les élections du 23 octobre 2011 ? Cheikh Abdelfattah Mourou, l'une des figures islamiques progressistes et ancien candidat indépendant à la Constituante, est convaincu que «les alliances sont de nature à lutter contre l'éparpillement partisan qui marque le paysage politique national et à contribuer à la recomposition de ce même paysage sur la base de la proposition de véritables alternatives qui répondent aux attentes des citoyens et non sur la base de la recherche d'une polarisation qui aurait pour objectif de mettre Ennahdha en face des nouvelles alliances apparentées à l'opposition, avec ses différentes appartenances. Je pense qu'il faut éviter, à tout prix, cette bipolarisation qui pourrait nous faire revenir à la case départ». Cheikh Mourou déplore l'absence d'une véritable culture de citoyenneté impliquant les Tunisiens dans l'édification effective d'une société démocratique et pluraliste. «Malheureusement, nous constatons que la classe politique a abandonné sa mission essentielle, celle d'encadrer les citoyens et de leur ouvrir la voie à une participation efficiente à la vie politique. Elle consacre ses efforts à une lutte fratricide sur les portefeuilles ministériels donnant l'impression qu'elle évolue dans un monde totalement étranger aux préoccupations réelles des Tunisiens», tient-il à relever. Une dynamique bénéfique Quant à Slaheddine Jourchi, qui insiste pour préciser qu'il demeure toujours indépendant (alors que plusieurs autres islamistes progressistes ont rejoint le Parti de la réforme et du développement présidé par Mohamed Goumani), il exprime sa conviction que la dynamique de multiplication des alliances que vit la Tunisie, à l'heure actuelle «est bénéfique et constitue plutôt l'une des nécessités de l'étape, surtout que l'explosion des partis avant les élections a créé après le 23 octobre un déséquilibré flagrant qui menace la vie politique nationale. Ainsi, nous sommes-nous retrouvés avec un parti politique fort (Ennahdha) avec deux partis de moindre importance qui lui sont alliés face à une constellation de petits partis politiques éparpillés et faibles». Il estime que «les alliances entre les partis de même tendance ou l'unification constituent un choix qui peut cacher de mauvaises surprises, mais c'est toujours une orientation saine, nécessaire et stratégique qui aidera les électeurs à faire le bon choix lors des prochaines échéances électorales.» «Cependant, je constate que la dimension idéologique est trop présente dans ces coalitions et je pense qu'il est important d'éviter de tomber, lors des prochains rendez-vous électoraux, dans des luttes à caractère idéologique». Les islamistes progressistes mordront-ils à l'hameçon des alliances? Slaheddine Jourchi précise qu'ils suivront deux processus. D'abord, le processus partisan, à travers le Parti de la réforme et du développement, présidé par Mohamed Goumani. «Le Parti s'oriente actuellement vers des concertations avec d'autres partis politiques qui lui sont proches en vue d'une formule d'intégration», révèle-t-il. Ensuite, un processus culturel qui sera axé essentiellement sur la reconstruction de la culture politique et religieuse des citoyens, face à la présence de plus en plus remarquée de la pensée salafiste dans la vie religieuse tunisienne, pour la première fois dans l'histoire de notre pays. De son côté, Riadh Amri, président du Parti de la dignité et de l'égalité (islamiste centriste), est persuadé que «ces alliances contre nature pourraient se retourner contre les partis qui sont en train de les tisser. Les électeurs saisiront les enjeux cachés derrière ces coalitions et ne les cautionneront pas». «Au Parti de la dignité et de l'égalité, nous avons refusé d'adhérer à de telles initiatives parce que nous considérons que ces coalitions font le jeu d'Ennahdha et contribuent à offrir d'elle l'image d'un parti fort inaccessible et dominant, alors qu'il suffit que les 4 millions de Tunisiens qui ont boycotté les élections du 23 octobre décident d'accomplir leur devoir électoral lors des prochaines échéances pour qu'Ennahdha revienne sur terre». Quant à l'éventualité d'une coalition entre partis islamistes centristes (10 partis, selon Riadh Amri), il confie : «L'idée n'a pas été avancée jusqu'ici mais rien ne nous empêche de nous coaliser au sein d'un front au cas où nous tomberions d'accord sur les orientations qui y présideront».