Ce cafouillage a fait l'objet d'une conférence de presse tenu, hier par le parti Républicain (PR). Issam Chebbi, porte-parole du parti a mis en relief l'hésitation du Gouvernement, sa précipitation et ses faux-bonds lorsqu'il constate qu'une décision est mal acceptée par l'opinion publique. Il demande au Gouvernement de prendre du temps. « Dans la situation actuelle, ce genre de positions perturbe le processus de transition », dit-il. Le parti républicain est attaché à l'union maghrébine. C'est un rêve qui remonte à l'époque coloniale.
Ali Hachani ancien ambassadeur retraité et membre du bureau politique du PR explique le reniement de la décision par plusieurs causes dont la non clarté des procédures, les problèmes méthodologiques, la nécessité de procéder de façon sage pour l'octroi des cinq libertés et la façon avec laquelle se prennent les décisions diplomatiques et se présentent à l'opinion. Le retour en arrière ne concerne que l'utilisation des passeports. Les problèmes du travail, l'investissement, l'acquisition de biens meubles et le droit de vote aux élections municipales présentent un dilemme. Pour le droit de vote, il faudra passer par l'Assemblée Nationale Constituante. Du point de vue formel et méthodologique, dit le diplomate, « l'annonce ne pouvait pas être faite par le secrétaire d'Etat mais par un responsable d'un niveau hiérarchique plus élevé. On ne peut annoncer pareilles nouvelles mesures sans se concerter au préalable avec les autres pays maghrébins et sans réciprocité. L'exclusion de la Libye de ces dispositions a semé le doute dans l'opinion publique. Le recours aux conventions de 1963 et 1964 est insuffisant car ces conventions n'ont pas été actualisées en 1989 lors de la proclamation de l'UMA ». L'ancien diplomate déplore la précipitation. Sur le plan du fond, « les cinq libertés nécessitent une base logistique cohérente reliant les différents pays maghrébins. L'Europe s'est engagée dans pareil projet depuis des années sans l'avoir encore achevé. De telles dispositions demandent du temps. Pour la liberté de circulation, des problèmes sécuritaires se posent », dit-il. Se contenter de la non exigence des visas était suffisant. La liberté de travailler est un grand défi économique et social, avec le niveau élevé de chômage en Tunisie. Concernant la liberté d'investir, elle peut être à l'origine de fuite de capitaux et de devises dont le pays a grandement besoin. Le droit d'acquisition de biens meubles est un défi social. Il peut avoir des conséquences directes sur le marché de l'immobilier, en crise à cause de l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat des Tunisiens. Quant au droit de vote aux élections municipales, il peut être exploité par certaines forces politiques avec l'affluence de citoyens maghrébins motivés par des considérations idéologiques ne reconnaissant pas les frontières.
Le PR considère qu'il fallait donner du temps au temps et ne pas anticiper. Il fallait attendre le prochain sommet maghrébin et sauvegarder l'image de marque du pays. Un minimum de consensus est nécessaire. Annoncer des décisions doit se faire de façon mesurée et avec une seule voix. « La Tunisie doit rester fidèle à ses différentes appartenances et principalement à sa dimension maghrébine. Le PR soutient les mesures exceptionnelles de nature à faciliter la vie des ressortissants maghrébins là où ils sont ».
Concernant les rapports avec les différentes forces démocratiques, Meya Jéribi, secrétaire générale du PR, dira que « les discussions avec les démocrates ne s'arrêtent pas. La Tunisie a besoin d'équilibrer le paysage politique. C'est une des conditions de la démocratie et de l'alternance. Les pourparlers se poursuivent. L'idée de coordination avec Al Massar et d'autres est à l'étude. Des initiatives se préparent avec les Démocrates. Constituer un front est une formule qui se pose sur la scène. Chaque parti a ses mécanismes et sa propre identité ».
Concernant sa rencontre avec Moncef Marzouki, président provisoire, Meya Jéribi avance que « la sortie de la crise actuelle nécessite un véritable dialogue national.
Le PR a répondu à l'invitation de Moncef Marzouki, indépendamment de la question de ses compétences. D'ailleurs, nous étions les premiers à nous opposer à la limitation de ses prérogatives.
Le sentiment d'autosatisfaction des gouvernants est inquiétant. Nous pensons que le dialogue national ainsi qu'un gouvernement de salut national sont nécessaires ». Elle explique les problèmes de la Troïka par le fait qu'elle a été constituée dans l'esprit de partage du pouvoir.
De son côté Issam Chebbi, porte-parole du parti, n'a pas manqué d'exprimer sa crainte de voir la deuxième partie de la transition s'étirer encore plus.