Il y a six mois, nous évoquions ici l'avenir des nouveaux médias, notant qu'une majorité d'entre eux connaissaient des difficultés diverses, notamment d'ordre financier... Quelques mois plus tard, comment la situation a-t-elle évolué ? Et surtout ces nouveaux médias ont-ils une chance de survivre dans un pays où la concurrence est rude et où le gâteau publicitaire se réduit de jour en jour ? Retour dans ces entreprises nouvelles, si prometteuses et si fragiles.
Manque de professionnalisme
C'est pourtant dans un enthousiasme béat que ces chaines de radio et de télévision ont démarré, avec l'immense espoir de « faire bouger les choses », comme le clamait à l'époque l'un des directeurs. Avec un matériel flambant neuf, de jeunes animateurs prêts à se sacrifier durant des heures pour réussir leur carrière et briller sur antenne, des techniciens qui s'évertuaient à créer les meilleurs effets sonores et visuels possibles, la réussite ne pouvait pas leur échapper. Or actuellement, cet élan premier semble s'essouffler pour diverses raisons. Il y a d'abord le coût des installations techniques, avec plusieurs centaines de millions à la clé. Le prix des antennes relais de diffusion que ces radios et TV doivent payer à l'Office National de Télédiffusion (ONT) qui « a pour mission d'assurer en exclusivité la diffusion des programmes radiophoniques et télévisés en Tunisie. » Un monopole qui dérange les promoteurs des nouveaux médias car cela coûte trop cher. Plusieurs responsables des radios nouvelles nous ont affirmé qu'il s'agit d'un vrai scandale, puisque l'ONT leur demande plus de 130 mille Dinars par an pour assurer la diffusion. Ils comptent d'ailleurs se réunir pour tenter de freiner cet appétit jugé excessif... Il y a ensuite les salaires des techniciens, des journalistes et des animateurs qui ne sont pas versés régulièrement. Certains de ces jeunes travailleurs sont payés avec beaucoup de retard et certains n'ont pas été payés depuis plusieurs mois, comme c'est le cas à radio Ezzitouna, où l'on a entendu sur antenne, il y a quelques mois, des travailleurs se plaindre de ne pas être payés. Le problème principal de certains de ces nouveaux médias c'est qu'ils ne sont pas dirigés par des professionnels et qu'ils n'ont pas de service commercial bien structuré. Résultat : l'investissement publicitaire demeure loin des espérances escomptées. Et les annonceurs, qui ne sont pas des enfants de chœur ou des mécènes, étudient l'audience de chaque média avant d'y investir le moindre Millime. Résultat : les annonceurs profitent de la concurrence pour leur faire baisser les prix, sans oublier le lobbying des médias déjà bien installés... Il faut noter à ce propos que Mosaïque FM et Shems FM, les deux leaders, ont perdu de l'audience depuis l'arrivée des nouveaux médias, mais ça reste gérable pour l'instant.
Nivellement par le bas
Or les audiences sont trop faibles pour escompter recueillir le moindre spot publicitaires. A elles seules, la radio « Mosaïque FM » et « Hannibal TV » accumulent la plus grande part du marché publicitaire, ne laissant aux autres que des miettes qui ne leur permettront pas de survivre, à long terme. Si l'on ajoute à cela la crise que connait le pays, les difficultés financières de plusieurs grandes sociétés, on voit bien que l'avenir de ces jeunes médias est loin d'être rose... Du point de vue du contenu, toutes ces chaines se ressemblent et on pourrait zapper en continu sans s'apercevoir que l'on a changé de station. Ce qu'il faudrait donc commencer par corriger, c'est le contenu. Une meilleure créativité à ce niveau serait la bienvenue pour séduire un public lassé de tant de similitude, puis les annonceurs qui suivent le mouvement. Les responsables de ces médias doivent aussi tenir compte de la révolution numérique, qui, avec des adversaires comme Facebook, Twitter et divers sites internet, ont intégralement changé les rapports avec la radio et la télévision. A tel point que « les guignols de l'info » de Canal+ annoncent aux téléspectateurs qu'ils sont en train de « regarder l'ancêtre d'internet » ! D'après plusieurs professionnels, les médias qui trouveront un créneau et un format différent survivront. Et les autres disparaitrons, d'où la nécessité d'oser révolutionner un secteur figé... Il y a aussi les tentatives de mainmise du nouveau pouvoir politique sur les médias, publics ou privés. Plusieurs journalistes se sont plaints des problèmes d'accès aux sources toujours aussi problématique qu'au temps de Ben Ali, sans oublier certains responsables de médias privés qui retournent leur veste en allant au-delà des souhaits des ministres en place et en leur servant la soupe sans vergogne, comme ils le faisaient jadis...