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Tous les chemins mènent à Tripoli
Chronique
Publié dans Le Temps le 07 - 08 - 2007

Longtemps frappé d'ostracisme, le leader libyen Mouammar Kadhafi est désormais considéré comme un chef d'Etat très fréquentable. Il est même déjà très fréquenté.
Nombreux sont les chefs d'Etat occidentaux qui lui ont rendu visite… sous sa tente bédouine. On ne sait pas s'ils ont dû baisser la tête pour y entrer, surtout pour les plus «grands» d'entre eux.
Ce qu'a affirmé Saïf el-Islam Kadhafi dans son interview au ‘‘Monde'' (31 juillet), à propos du rôle de la France dans la libération des infirmières et du médecin bulgares, «n'est pas exact». Enfin, pas tout à fait. C'est ce qu'a expliqué Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, dans une interview au ‘‘Figaro'' (4 août). La France n'a pas «arrangé le coup» ni «trouvé l'argent pour les familles », comme l'a prétendu Saïf el-Islam. Il n'y a pas eu non plus de «contreparties telles que des versements financiers de la France ou un contrat d'armement», comme ne cesse de le répéter le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.
Pourtant, le 17 juillet, quelques jours avant la libération des Bulgares, 461 millions de dollars ont bel et bien été versés aux familles des enfants libyens contaminés par le virus du sida à l'origine des accusations contre les Bulgares. De même, un contrat a bel et bien été signé entre les deux pays portant sur l'achat de missiles antichar français pour 168 millions d'euros. On sait aussi que Tripoli a passé un second contrat avec EADS pour l'acquisition d'un système de communication radio à hauteur de 128 millions d'euros. D'autres contrats sont en cours de finalisation, relatifs à «un projet de manufacture d'armes, pour l'entretien et la production d'équipements militaires», selon Saïf El-Islam. Par ailleurs, le mémorandum conclu le 25 juillet, en présence du Président français, porte sur un projet de fourniture d'un réacteur nucléaire civil.
Les responsables français ne démentent aucune de ces informations. Ils refusent cependant d'admettre l'existence d'une relation de cause à effet entre la libération des Bulgares et les contrats passés avec la Libye. C'est à peine s'ils concèdent, comme Claude Guéant dans ‘‘Le Figaro'', que la récente visite du président français à Tripoli a «créé un climat favorable, qui a pu jouer son rôle» dans cette libération, ainsi que dans la signature des contrats. Le responsable français reconnaît pourtant, dans la même interview, avoir reçu, dans son bureau à Paris, Moussa Koussa, chef des services de sécurité libyens, «quelques jours avant l'installation de Nicolas Sarkozy à l'Elysée» et de lui avoir fait comprendre que le dossier des infirmières «était un préalable à tout rapprochement». De là à parler de «troc» ou de «contrepartie»…
On appréciera au passage l'admirable langue de bois élyséenne qui, une fois n'est pas coutume, tranche avec le style franc et direct des responsables libyens. Le ridicule, on le sait, ne tue pas. Pas plus que l'hypocrisie de certains hommes politiques français, au pouvoir ou dans l'opposition, qui cherchent à se voiler la face, se prévalant de vagues considérations morales. Comme si, en politique en général, et en business international en particulier, ces considérations ont jamais pesé un jour dans la balance. «Il faut être bien naïf pour penser que la diplomatie avec des Etats à la morale incertaine ne s'accommode pas de quelques indulgences et arrangements à venir. Voire d'entourloupes acceptées de plein gré», écrit, à ce propos, Yves Thréard dans ‘‘Le Figaro'' (4 août).
Donc, si j'ai bien compris, le Colonel Kadhafi n'est pas un épouvantable dictateur comme la presse occidentale s'est échinée à le décrire depuis 1979, date à laquelle son pays a été inscrit sur la liste américaine des parrains du terrorisme international. Le leader libyen, dont le pays a été soumis par les Nations unies à un embargo aérien et sur les armes entre 1992 et 1999, est devenu, depuis le 19 décembre 2003 (1), un chef d'Etat fréquentable. Il est même déjà très fréquenté. Nombreux sont, en effet, les chefs d'Etat occidentaux qui lui ont rendu visite depuis… sous sa tente bédouine. On ne sait pas cependant s'ils ont dû baisser la tête pour y entrer, surtout pour les plus «grands» d'entre eux.
L'ex-président du Conseil italien Silvio Berlusconi est le premier chef d'Etat européen à avoir rendu visite au Guide libyen dès 2002. Normal: l'Italie est le premier partenaire commercial de la Libye. ‘‘Il Cavaliere'' s'est entretenu à deux autres reprises avec son homologue libyen, à Tripoli puis à Syrte, mais le courant n'est jamais vraiment passé entre eux. Aussi n'a-t-il pas été surpris lorsque, aux dernières élections italiennes (9-10 avril 2006), le chef de l'Etat libyen a soutenu ouvertement son adversaire socialiste, l'actuel président du Conseil, Romano Prodi. Fidèle en amitié, Kadhafi a voulu ainsi exprimer sa reconnaissance à un «ami» qui avait essayé de l'inviter à Bruxelles, en 1999, alors que la Libye était encore au ban de la communauté internationale, provoquant ainsi un scandale au sein de la Commission européenne, dont Prodi assurait alors la présidence.
Second chef d'Etat européen à avoir fait le déplacement à Tripoli, le 18 septembre 2003, l'ex-premier ministre espagnol José Maria Aznar a vu sa visite couronnée par l'attribution d'une licence d'exploration pétrolière à l'entreprise ibérique Repsol, entre autres petites attentions amicales.
«La première visite d'un chef de gouvernement de Grande-Bretagne en Libye depuis 60 ans» a été effectuée, le 25 mars 2004, par l'ex-Premier ministre britannique Tony Blair. Elle a été marquée par la signature d'un contrat pour la compagnie pétrolière britannique Shell portant sur des droits d'exploration gazière au large des côtes libyennes. Estimée à 200 millions de dollars, la transaction devait atteindre un milliard. La seconde visite de Blair à Tripoli, le 30 mai dernier, soit dix jours avant la fin de ses fonctions, a été tout aussi fructueuse, puisque Tripoli et Londres ont signé à cette occasion des accords pour l'achat d'armes et de missiles antiaériens, l'entraînement des Libyens et la fabrication d'armement en Libye.
Le 27 avril 2004, le chef de l'Etat libyen était reçu en grande pompe à Bruxelles par son «ami» Prodi, avant que le Premier ministre belge Guy Verhofstadt ne lui déroule le tapis rouge pour rejoindre sa tente érigée dans les jardins du château de Val Duchesse réservé aux hôtes de marque du Royaume de Belgique.
Dans cette hâte à reprendre langue avec Tripoli, les Etats-Unis ne sont pas demeurés en reste. Ainsi, le 29 juin 2004, après de longues négociations, William Burns, secrétaire d'Etat adjoint, a inauguré le nouveau bureau de liaison américain à Tripoli, officialisant ainsi le rétablissement des liens bilatéraux. Le président américain George Bush ayant allégé, dès le 23 avril, les sanctions économiques bilatérales et levé tous les obstacles à l'exportation de pétrole vers les Etats-Unis, les sociétés américaines étaient déjà installées dans le pays, y compris – et surtout – dans le pétrole.
Le 14 octobre 2004, c'était l'ex-chancelier allemand Gerhard Schröder qui a fait le «pèlerinage» à Tripoli et a signé un accord d'investissement bilatéral. Schröder était présent lorsque les concessions de pétrole et de gaz furent attribuées à Wintershall, auxiliaire du groupe BASF, et que le groupe Siemens signa un contrat d'une valeur de 180 millions de dollars.
Cinq semaines plus tard, le 24 novembre, l'ex-président français Jacques Chirac débarquait, à son tour, à Tripoli pour effectuer «la première visite d'un chef d'Etat français en Libye depuis l'indépendance de ce pays en 1951». Chirac était accompagné d'une délégation d'une vingtaine d'hommes d'affaires, dont les chefs de grandes entreprises françaises (Total, Dassault aviation, EADS, Pharma plus, Gaz de France, etc.). On peut estimer que les contrats récemment signés entre la Libye et la France étaient négociés depuis cette date et que la libération des Bulgares, le 24 juillet, et la visite de Sarkozy à Tripoli, le lendemain, en ont seulement accéléré la finalisation.
Morale de l'histoire, comme l'écrit Gilles Paris dans ‘‘Le Monde'' du 29 juillet: «La visite en Libye relève d'une politique d'opportunités plus que de principes. Dans cette diplomatie très classique du contrat, le client est roi». Surtout lorsque ce client est aussi riche et solvable que la Libye, un pays dont les réserves de pétrole sont estimées à 47 milliards de barils (1,7 million de barils par jour) et celles de gaz à 54 000 milliards de pieds cubes et dont les besoins en infrastructures dans les secteurs des hydrocarbures, télécommunications, électricité et transport (routes, ports, aéroports…) suscitent les appétits des investisseurs internationaux, sans parler du projet de la «Grande rivière artificielle» longue de 4 000 kilomètres de canalisations souterraines qui offriront un lit à l'eau douce extraite du Sahara jusqu'au littoral.
Et si le président américain se rendait, lui aussi, à Tripoli avant la fin de son mandat en décembre 2008, en seriez-vous étonnés ? Moi pas. Et pour cause: après avoir longtemps inscrit ce pays sur la liste des ‘‘rogue states'' (Etats voyous), les Etats-Unis ont annoncé, le 15 mai 2006, la normalisation complète de leurs relations avec la Libye. Par la même occasion, ils ont retiré ce pays de leur liste des Etats soutenant le terrorisme et y ont élevé leur représentation au niveau d'ambassade. Dans la foulée, le premier ambassadeur américain à Tripoli depuis 35 ans a déjà été nommé. Il s'agit de Gene Cretz. Ancien chef de mission à Damas et actuellement numéro deux de l'ambassade américaine à Tel Aviv, ce dernier attend que sa nomination soit confirmée par le Sénat pour aller rejoindre son poste. Le 25 juillet dernier, la secrétaire d'Etat Condoleeza Rice a annoncé qu'elle allait se rendre bientôt à Tripoli. La date de ce voyage ne tardera pas à être connue. Toutes les options restent donc ouvertes, comme disent les diplomates.
1 – Ce jour-là, Tripoli a annoncé le démantèlement, «sous contrôle international», de tous ses programmes secrets d'armement (chimique, biologique et nucléaire). Comme preuve de sa bonne foi, le Colonel Kadhafi a ouvert ses installations aux inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et signé le protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire.


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