« L'anarchie ramène toujours à la dictature » dixit Victor Hugo Face à une cherté galopante de la vie, le silence qu'affichent les associations de consommateurs est rudement critiqué dans le pays. Que peuvent pourtant celles-ci contre l'inflation des prix ? Ont –elles le pouvoir pour réagir à temps ? Les explications de Zouheir Ben Jemaa Président de l'Association de 20 millions de consommateurs : Le Temps : Quelle est votre stratégie en matière de défense du consommateur durant ce mois sacré ?
Zouheir Ben Jemaa : Notre stratégie est très ambitieuse mais ce sont les moyens qui nous manquent. Le ministère du commerce ignore notre présence. Nous n'avons aucune aide alors qu'il paie des centaines de milliers de dinars à l'ODC, ce qui est injuste et inacceptable, nous irons peut-être devant la justice pour arrêter ce parti pris. Nous avons pu grâce aux médias faire de bonnes émissions radio et une belle émission avec Tounesna. Nous avons pu passer beaucoup de messages et il y a eu de beaucoup de retombées positives. Nous démarrons ces jours-ci grâce à la collaboration de l'INC une campagne nationale avec des affiches reprenant les recommandations de notre FORUM du 6 juillet dernier. D'où des hommes Sandwich (c une première) qui vont se balader dans beaucoup de grandes villes tunisiennes. Les messages concernent la santé, le pouvoir d'achat et le civisme
Les droits des consommateurs sont-ils protégés ?
Les droits du consommateur sont bafoués du matin au soir et les politiques de tous bord n'ont pas compris que défendre les consommateurs c'est assurer des voix pendant les élections. C'est l'anarchie et c'est très grave et inquiétant. La publicité souvent mensongère, matraque les petits comme les grands, vingt minutes non stop sur certaines chaines pendant l'interruption du jeune. Des vendeurs ambulants partout avec des produits plus que douteux. Des soldes fixés pour après l'Aïd, après que le consommateur ait été saigné jusqu'aux veines; Des lieux publics où le non fumeur n'a plus aucun droit et ceci concerne des enfants, des femmes enceintes et autres malades chroniques; Vous voyez la tendance est à l'anarchie.
Les prix pratiqués sur les marchés ne suivent pas I' évolution des salaires. Quelles mesures préconisez-vous pour agir en ce sens?
Les prix montent et les salaires n'augmentent pas assez, mais pour être honnête il faut ajouter un troisième élément et reconnaître que dans certains domaines, le rendement baisse et cela n'est pas rassurant pour la pérennité de notre économie. D'après moi, la négociation doit se faire sur deux paramètres: un indice des prix qui provoque systématiquement une augmentation des salaires et un rendement par secteur avec des normes raisonnables pour l'employé et l'employeur.
Pensez-vous que les prix ont baissé ces derniers jours?
Les prix n'ont pas tous baissé ces jours-ci et quand on dit gouvernement, il ne faut pas généraliser. Notre problème se situe uniquement au niveau du commerce et de l'artisanat qui nous semble ne pas maitriser la situation et qui n'a pas réussi à créer un canal de dialogue permanent réunissant les producteurs et les consommateurs. Car du côté de la santé ou du côté de l'agriculture, on sent une dynamique porteuse, en sachant que les problèmes ne sont pas toujours simples à résoudre. Est-ce que vous avez le pouvoir d'agir pour faire face à l'inflation des prix ?
Nous n'avons pas de pouvoir sans les moyens financiers qui nous manquent drastiquement et ce que certains responsables ne réalisent pas qu'en nous aidant et en aidant d'autres associations de la société civile, nous contribuons à résoudre les problèmes et à baisser les charges de l'Etat. Mais cela viendra, nous ne désespérons pas la société civile aura sa place et tout gouvernement ne réussira pas sans une société civile forte et une presse professionnelle et neutre.
Que reprochez-vous aux consommateurs ? Des conseils ?
Nos consommateurs ont tout d'abord, pour la grande majorité, un pouvoir d'achat limité et vivent à crédit. Ensuite, la publicité les matraque en permanence et là le gouvernement devrait mettre un holà à cette agressivité qui amplifie les tensions sociales et surtout dans les régions en difficultés. Vous voyez que les consommateurs sont désorientés et la tension monte sans cesse. On peut dire que certains prix ont été stabilisés mais les circuits de distribution restent les mêmes. Et c'est là que le bât blesse, et c'est là que le gouvernement doit agir pour civiliser ces circuits de distribution. Le seul conseil que nous pouvons donner à nos consommateurs c'est d'apprendre des gestes simples : ne pas acheter ce qui n'est pas indispensable, ne rien acheter avant de lire la composition des produits, changer de chaine à chaque fois qu'ils trouvent une publicité, et de comparer les prix avant de décider un achat. Enfin last but not least, essayer de privilégier l'achat du produit Tunisien. Le chemin est lent et la liberté et la dignité ne s'obtiennent pas à coups de slogans, mais à force et de militer, de respecter l'autre et d'avoir un comportement civique irréprochable, sinon il ne faudra pas trop rêver, « l'anarchie ramène toujours à la dictature », et c'est Victor Hugo qui l'a dit!