La nouvelle de l'assassinat de Salah Ben Youssef, aurait pu passer pour un fait divers, vu le peu d'écho rencontré auprès des divers médias de l'époque et le peu d'importance accordé à ce non-événement. En effet le désastre de Bizerte occupait tous les esprits, et occultait tout autre événement, presque personne n'y prêta attention et l'information passa presque inaperçue. Le régime de l'époque semblait avoir bien choisi le moment pour la liquidation de Salah Ben Youssef qui devenait un gêneur potentiel pour le « Combattant suprême ». Né à Djerba en 1906, juriste de formation Salah Ben Youssef, fut un des principaux chefs du Néo-Destour dont il était le secrétaire général, durant le combat et l'agitation politique pour l'indépendance du pays, aux côtés de Bourguiba et bien d'autres leaders. Après les accords sur l'autonomie interne, il manifesta son refus sur ce qu'il appelait « un pas en arrière.. », son credo était l'évacuation totale des troupes françaises de l'ensemble du territoire tunisien. D'ami et collaborateur de Bourguiba il devient son ennemi le plus acharné. Durant plus d'une année ce sera une épreuve de force terrible et déchirante avec les membres du bureau politique du Néo-Destour. Ce « complot yousséfiste » ainsi qualifié par les partisans de Bourguiba, débouchera sur l'éviction de Ben Youssef du poste de secrétaire général et son incarcération. Evadé en 1956, il est condamné à mort par deux fois, en janvier 1957 et novembre 1958 pour complot contre la sûreté de l'Etat. Profitant d'une mésentente passagère entre Bourguiba et Nasser il se réfugie au Caire. Les relations s'étant améliorées entre le Caire et Tunis et sentant sa présence devenir gênante, il se retire en Allemagne où ses jours sont désormais comptés. Le 12 août 1961, il est abattu d'une balle dans la tête dans une chambre d'hôtel à Francfort, par deux soudards dépêchés sur les lieux par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Taieb Mhiri. Après prés de trente années d'exil sa veuve Soufia rentre à Tunis le 22 décembre 1987. Ses assassins n'ont jamais été inquiétés.