La Fédération tunisienne des arts plastiques était la première après la Révolution à prendre l'initiative de peindre des fresques sur les piliers du pont de la République à Tunis, un endroit stratégique choisi par les artistes membres de la FTAP, d'autant plus qu'il fait le croisement entre deux artères névralgiques de la capitale, à savoir Avenue Habib Bourguiba et avenue de la République. Cette œuvre picturale grandiose a contribué à immortaliser la Révolution du 14 janvier 2011 tout en transformant la grisaille des murs en des fresques très agréables à voir qui métamorphose l'aspect esthétique de la ville et, partant, en sortant l'art plastique des galeries de peinture vers la rue et le large public.
Voilà que ces belles fresques sont là depuis presque un an, étant réalisées entre le 15 et le 17 octobre 2011, sans qu'elles soient abimées ou détériorées par quiconque, même par ceux qui se déclarent contre l'art et la créativité ! Malheureusement, ces mêmes fresques viennent de subir il y a quelques jours une « agression », sur le plan physique et moral. Par qui ? Par une agence publicitaire qui a collé ses affiches, au su et au vu de tout le monde, pour le compte d'un concert musical qui devrait être donné par la chanteuse Najet Attia, ce 11 août au Théâtre Municipal dans le cadre du Festival de la Médina. Sitôt avisé, les membres de la Fédération tunisienne des arts plastiques, créateurs de ces fresques ont jugé inadmissible cet acte qui nuit à l'art et à la créativité artistique dans le pays et qu'en agissant de la sorte, cette agence publicitaire contribue à la vague obscurantiste qui s'est manifestée au lendemain de la Révolution contre les artistes plasticiens.
En réaction à cet acte de vandalisme, nous avons contacté M. Brahim Azzabi, Président de la FTAP qui nous a fourni les précisions suivantes : « Les plasticiens de la FTAP ont été surpris de voir leurs fresques murales réalisées les 15,16 et 17 octobre 2011 sous le pont de la République agressées et abîmées par le collage d'affiches publicitaires annonçant le concert de la chanteuse Najet Attia au Festival de la Médina. Il est à rappeler que ces fresques sont le fruit d'une collaboration avec la Délégation Régionale de la Culture de Tunis et des plasticiens de la FTAP dont le but d'éliminer les grisailles du béton et donner de la couleur aux murs de la capitale, et créer une musée en plein air en l'absence de galeries et de musées sur la place. C'est aussi dans le but de créer un précédent en matière d'art mural, à l'instar de ce que réalisèrent les artistes mexicains au début du 20è siècle (Siqueiros, Rivera et d'autres). On a fait ce travail aussi pour qu'on sache que dans nos contrées il existe une tradition des arts plastiques et des plasticiens responsables qui aspirent à un avenir environnemental meilleur. Cet acte inconscient vient en cette période où nos rues débordent d'ordures ! Au moment où on s'apprêtait à porter plainte contre la société responsable de cet affichage et que le service juridique du ministère de la Culture était sur le point de faire de même, le délégué régional nous informa que le fautif n'était autre que le mari de la chanteuse Najet Attia qui s'était chargé de la publicité avec la société en question. Aussi a-t-on appris qu'il est prêt à indemniser les artistes qui vont restaurer leurs œuvres endommagées ! »