Convient-il dès lors de parler encore de « sexe faible » ! Certains esprits chagrins, même après ce stade d'émancipation atteint par la femme tunisienne, continuent à la traiter péjorativement de « sexe faible » en opposition à l'homme qualifié, lui, de « sexe fort ». Même dans le milieu scolaire, on s'est habitué à entendre fréquemment ces « gros mots » et ces insultes malsaines provenant de certains garçons à l'égard des filles et qui reflètent ce comportement sexiste. Je pense que l'expression « sexe faible » semble aujourd'hui dénuée de sens et non appropriée aux nouvelles circonstances de la vie de la femme tunisienne actuelle sur tous les plans (familial, scolaire, social, professionnel, économique et politique). Aussi faut-il la rayer définitivement de notre vocabulaire quand on veut désigner une femme ou parler d'elle. C'est que l'adjectif « faible » n'a plus de raison d'être : il n'y a pas de sexe faible ou fort, Dieu a créé deux sexes de nature différente certes mais destinés à se cheminer l'un vers l'autre, à marcher côte à côte, la main dans la main, à se joindre, à se compléter. C'est ainsi que certains penseurs qui s'intéressent à la condition de la femme dans le monde n'emploient plus ces qualificatifs « faible » et « fort » pour désigner respectivement le sexe féminin et masculin, mais ils parlent de plus en plus de deux sexes différents qui tendent vers la complémentarité, sans pour autant être forcément égaux, car la notion d'égalité a elle-même suscité des sensibilités et des réactions auprès de certains machistes détenant encore une attitude patriarcale qui sous-estime la femme et l'entrave dans sa bonne marche vers un avenir meilleur. Il faut donc parler plutôt d'égalité des chances entre les deux sexes en ouvrant aux femmes certains métiers ou postes jusque-là réputés masculins et en soutenant celles qui veulent créer des entreprises ou réaliser des projets dans tous les domaines.
Origine Historiquement, la notion de « sexe faible » trouve son origine chez Aristote qui assimile la relation entre l'homme et la femme à celle du gouvernant et du gouverné, du fait que l'homme, de par sa nature physique, est plus fort que la femme, c'est lui qui gouverne et c'est la femme qui est gouvernée. Tout comme chez la plupart des animaux, le mâle est supérieur à la femelle : le lion règne sur les lionnes dans la forêt et le coq est le maître incontesté dans la basse-cour. Selon d'autres croyances anciennes, la faiblesse de la femme par rapport à l'homme trouve sa justification dans son inclination pour le péché et sa fragilité devant la tentation, allusion faite au péché originel commis par Eve. A l'époque des patriarches, l'esprit des hommes et les structures séculaires mises en place visaient à asseoir la domination masculine. Cette idée de différence entre les sexes fut consolidée à travers les siècles et peu à peu, cette faiblesse attribuée au sexe féminin s'est affirmée et s'est ancrée dans les esprits au point de considérer les femmes comme des êtres sans défense et sans volonté, constamment en détresse, qui suscitent la pitié, la compassion et qui ont besoin d'amour et d'affection, allant jusqu'à croire qu'aimer une femme , c'est avoir peur pour elle, c'est lui porter secours, c'est la protéger. Cette attitude ignoble et humiliante pour la gent féminine a fait naitre à travers les siècles un sentiment d'injustice et de révolte chez les femmes à travers le monde qui a vu s'organiser un peu partout des mouvements féministes exigeant leurs droits et leur liberté.
Partenariat La femme tunisienne, il faut le dire, a dépassé le stade des revendications et se trouve aujourd'hui bien armée face à tous les courants rétrogrades. Elle n'accepte plus qu'on la qualifie négativement de « sexe faible », du moment qu'elle a pu égaler l'homme ou même le dépasser dans certains domaines. La notion même de « sexe faible » destiné à la femme pour la distinguer de l'homme, considéré comme « sexe fort », semble être dépassée par les événements et ceux qui continuent à y croire sont en retard d'une guerre. C'est qu'en réalité, ce « sexe faible » s'est révélé en plusieurs circonstances très fort, le plus fort même. Citons quelques exemples : D'abord, si « sexe faible » veut dire sensibilité, finesse, tendresse, affection, compassion, grâce, bienveillance, patience, soin, dévouement..., cela donne sans doute plus d'importance et plus d'estime au sexe féminin ; ces qualités sont plutôt des vertus qui font de la femme un être bien supérieur, puisqu'elles n'existent pas chez la plupart des hommes. Rien que la procréation et la maternité sont deux actes qui font de la femme plutôt un être fort, car pour mettre au monde un enfant, il faut être forte, les femmes faibles en mourraient autrefois ! D'autre part, Selon les statistiques, les résultats scolaires chez les filles sont nettement meilleurs que ceux des garçons, surtout en littérature et j'approuve, en tant qu'enseignant, qu'elles sont capables d'exprimer leurs sentiments plus facilement que les garçons lors d'une discussion. En outre, grâce à ses diplômes supérieurs, la femme exerce actuellement des métiers et occupe des postes qui étaient, même dans un passé proche, la chasse gardée du sexe masculin ; elle est juge à la cour, pilote de l'air, ministre au gouvernement, députée au parlement ; elle est également écrivaine et poétesse...
Littérature La littérature universelle a prodigieusement glorifié la femme et en a fait la principale source d'inspiration poétique : les œuvres, qu'elles soient classiques ou modernes, ont bien dénoncé les tourments que les amants ont subis et les larmes qu'ils ont versées pour leur dulcinée qui leur refusait majestueusement un baiser ou même une caresse ! La femme était aussi à l'origine de l'effusion poétique des grands poètes français (Ronsard, Lamartine, Baudelaire) et arabes (de l'époque antéislamique jusqu'à nos jours : de Antar jusqu'à Nizar Kabani en passant par Ibn Zeydoun dont la passion pour leur bien-aimée respective a donné les plus beaux vers d'amour !). De même, dans la mythologie grecque, les Muses, ces neuf déesses qui inspiraient la création artistique et littéraire, étaient bel et bien des femmes. Rappelons, dans la même file d'idées, l'histoire qui nous parle d'illustres femmes légendaires qui ont marqué leurs époques en exerçant leur suprématie sur les hommes. Pour ne citer que quelques exemples, Didon (Elissa, reine de Tyr qui fonda Carthage) ; l'histoire nous parle aussi de cette reine berbère surnommée « Kehna » qui s'opposa farouchement aux conquérants arabes. Il faut mentionner également Cléopâtre (Reine d'Egypte, célèbre par sa beauté et son intelligence qui lui permirent de défier les grands empereurs romains) et sans oublier la sainte Jeanne D'Arc qui, grâce à sa bravoure délivra sa ville assiégée par les Anglais; et pour finir, la fameuse Marie Curie (la première femme à obtenir deux Prix Nobel en ouvrant les portes de la science aux femmes).
Physiologie D'un point de vue sanitaire, il est prouvé que l'espérance de vie des femmes est supérieure à celle des hommes dans la plupart des pays et l'écart a tendance à s'accentuer à cause de certaines maladies qui sont plus répandues chez les hommes : le diabète, l'alcoolisme, les ulcères, le cancer des poumons ; c'est dire que le « sexe fort » se révèle plus fragile ! S'il est en effet une vérité scientifique établie et prouvée par la science, ce sont les recherches au niveau cellulaire qui ont montré que la primauté de l'homme n'est pas vraiment évidente. En effet, la femme se caractérise par le fait de posséder deux chromosomes X qui sont à la fois importants et solidaires, alors que l'homme est beaucoup plus fragile avec deux chromosomes différents X et Y, ce qui expliquerait une espérance de vie moindre chez le sexe masculin. C'est donc, le sexe dit « fort » qui apparaît là comme le « sexe faible » !
Coopération Ce sont là des exemples puisés dans des domaines différents et dans des époques différentes qui montrent que la femme, loin d'être un être faible et fragile qui inspire la pitié de l'homme, est capable, le cas échéant, d'exercer son pouvoir et son influence dans plusieurs secteurs. Pourquoi donc la qualifier de « sexe faible » ? Et pourquoi attribuer à l'homme le qualificatif « fort » alors qu'il s'est avéré que, dans certains cas, il se montre plus fragile et plus vulnérable que la femme ? Arrêtons donc d'user de ces termes péjoratifs qui sont de nature à consacrer l'intolérance et à semer la discorde entre les deux sexes qui, en réalité doivent être complémentaires dans un monde qui nous réserve beaucoup de surprises et qui exige de plus en plus l'effort de tous, hommes et femmes ensemble, en apportant chacun sa pierre à l'édifice collectif qui fait avancer notre pays vers un avenir meilleur. Ainsi, il n'y aura plus de sexe « faible » ni de « sexe fort », mais deux sexes coopératifs, complémentaires, tolérants et unis dans le meilleur et dans le pire.