C'est l'histoire d'un père à l'esprit obscurantiste, qui croyait appliquer les préceptes de l'Islam, alors qu'il était dans l'erreur la plus totale, et celle de tout extrémisme religieux qui mène infailliblement au désastre. C'est une tragédie digne de la mythologie grecque qui est l'issue fatale de tout extrémisme aveugle, et ne souffrant aucune modération ni tolérance.
Haj Sadek, qui tenait une boutique au cœur de la Médina, donnait l'impression d'un homme affable, mûr et sensé, par son allure d'homme pieux. Tous les commerçants du quartier le respectaient. Il ne révélait son mauvais caractère à personne à part les membres de sa famille. Son magasin était visité fréquemment par les touristes à la recherche de petits souvenirs. Il se contentait de maugréer des messes basses, à la vue d'une jeune fille en short ou d'une dame en décolleté. Il se mettait à les traiter, une fois qu'ils étaient loin de son magasin, de mécréants et de suppôts de Satan ! Il n'hésita pas à chasser une jeune blonde qu'il surprit dans sa boutique en grande discussion avec son fils Karim, qu'il exhorta à ne plus avoir ce genre de fréquentations.
Karim a quitté l'école, la mort dans l'âme, sur ordre de son père. La science, d'après ce dernier est source de mécréance, qui mène directement aux feux de la Géhenne. Il devait donc désormais, s'occuper du magasin à côté de son père, faire la prière et approfondir ses connaissances en matière de préceptes religieux.
Karim était donc bien parti pour une carrière de terroriste, avec la bénédiction de son père, convaincu que le Jihad était la meilleure façon de mater les mécréants.
Il finit par être embrigadé par les cellules terroristes qui furent entre autres à la base de l'attaque sanglante à Bab Souika dans les années 1980.
Ses deux filles, ont eu chacune son lot de malheur.
Sonia qui fila du mauvais coton a été lapidée des mains de son propre père, et Alia qui termina sa vie dans l'errance, à la recherche d'un monde meilleur, a choisi de se jeter sous un train.
Pour couronner cette tragédie, la femme qui n'a fait que subir la tyrannie de son mari finit par le tuer avant de se livrer à la police.
Ce drame de toute une famille partie en déconfiture, a été le résultat de l'attitude obscurantiste d'un père obnubilé par ce sentiment de vouloir retourner au Salaf, c'est-à-dire aux sources de la religion, telle qu'elle a été appliquée initialement par les premiers convertis. Or plusieurs siècles nous séparent de ces derniers d'une part et d'autre part les exégètes du Saint Coran ne sont pas concordants sur les problèmes qui prêtent à confusion. C'est de là que sont nées d'ailleurs les écoles religieuses ou Madhaheb, en plus des innombrables sectes.
Ce fut encore à cause de cet extrémisme religieux, et de cet empressement chez les obscurantistes, à traiter de mécréants tous ceux qui sont différents d'eux, et qui osent exprimer leurs opinions sans masque ni hypocrisie, qu'il y a eu la grande discorde dont nous supportons encore les conséquences.
Histoire vraie ou fruit de la féconde imagination de Mohamed Bouamoud, qui n'est plus à son premier roman depuis longtemps ?
en tout état de cause, c'est une histoire qui interpelle tout lecteur avisé, surtout dans la conjoncture actuelle où la tendance à l'extrémisme religieux est de plus en plus croissante et où le commun des mortels, le citoyen Lambda ne sait plus à quel saint se vouer.
Vraie ou pas, elle constitue une sorte de signal d'alarme pour prévenir de ce spectre qui hante l'humanité tout entière : celui de l'obscurantisme démesuré et de l'extrémisme religieux.
Les dernières paroles d'Alia, avant de se jeter sous le train, sont bien révélatrices : « Je viens vers Toi Allah...Je veux te rencontrer, Allah, pour te dire ce que ces créatures ont fait du Livre».