L'heure est grave, le constat est amer. Un mois après l'installation de son gouvernement, le Premier ministre M.Hamadi Jebali brosse un tableau sombre de la situation en Tunisie. Et ce n'est pas une exagération ni un excès de pessimisme. C'est la réalité douloureuse d'un pays qui s'enfonce dans le marasme, l'agitation, l'inquiétude et l'incertitude politique et sociale et c'est la sonnette d'alarme contre une dérive des objectifs de la Révolution. Les espoirs nourris de liberté, de dignité, de démocratie, d'amélioration des conditions et de prospérité économique, se noient de jour en jour dans les débats stériles, les confrontations idéologiques, les revendications excessives, les grèves sauvages, les sit-in arbitraires et la paralysie de l'appareil économique. De sorte qu'aujourd'hui, tout le monde s'interroge sur les perspectives d'avenir et cherche l'issue de sauvetage. Tous, le peuple désabusé et leurré par un trop plein de promesses, le gouvernement débordé et impuissant, l'opposition sonnée par une déroute déroutante et la société civile éberluée devant l'apparition d'un nouveau cycle de violence étrangère à la société tunisienne et aux valeurs de l'Islam. Et voilà que la panacée et les solutions aux problèmes de l'étape nous viennent d'un membre de la Constituante et ex-président d'Ennahdha : Cheikh Sadok Chourou. Ce dernier préconise le châtiment extrême pour grévistes et sit-inneurs, se basant sur un verset du Saint Coran qui recommande de « tuer, de crucifier ou de couper les mains et les jambes des mécréants qui déclarent la guerre contre Dieu et son Prophète ». Autrement dit, M.Chourou assimile les grévistes à des mécréants et lance ainsi une fatwa à peine voilée autorisant le meurtre et l'usage de la violence. A l'heure où il est question plus que jamais d'apaisement, de conjugaison d'efforts et d'union autour d'objectifs communs, le Cheikh d'Ennahdha fait un virage à 90° vers un discours extrémiste et obscurantiste. C'est d'autant plus bizarre que ça vient d'un homme qui a souffert de la dictature de Ben Ali, a passé plus de vingt ans de sa vie dans ses geôles et ne doit sa survie qu'au militantisme des organisations des Droits de l'Homme. Et puis, M. Chourou est-il conscient que le verset du Coran auquel il se réfère, a été sorti de son contexte et que les préceptes de l'Islam incitent plutôt à la tolérance et au respect des droits des individus ? Cheikh Chourou se trompe sûrement d'époque et de pays. Car, la Tunisie ne pourra jamais sombrer dans l'extrémisme religieux. Et les investisseurs et touristes étrangers n'afflueront que parce que la Tunisie continuera de représenter à leurs yeux le pays de la tolérance et de la modernité.