Ils sont plusieurs parmi les élus du peuple à considérer que le préambule de la Constitution doive assurer les conditions d'un lien (qu'ils jugent étroit) entre l'indépendance, le 20 mars 1956 et la Révolution du 14 janvier 2011. Il s'agit dans leur approche de transcrire blanc sur noir la dimension de la Révolution qui doit être considérée comme étant le parachèvement de l'indépendance.
Or, plus d'un demi-siècle après, on ne devrait pas en être là, à remettre en question la souveraineté de l'indépendance et à faire la confusion entre l'épopée de la décolonisation menée par les militants, l'UGTT, tout le peuple tunisien et pas par Bourguiba, tout seul, et ces journées de délivrance entre décembre 2010 et janvier 2011, du joug de la dictature, le seul modèle qu'ait jamais vécu la Tunisie, justement, depuis l'indépendance.
Le parallélisme psychologique pourrait s'expliquer : le 20 mars, les Tunisiens se libéraient du colon français. Le 14 janvier, ils se libéraient d'une dictature d'un demi-siècle, mais, qui n'a strictement rien à voir avec l'indépendance.
C'est, finalement, encore le syndrome Bourguiba.
Peut-être, sans doute, s'est-il attribué l'exclusivité de l'indépendance nationale, faisant dans le culte de la personnalité. Mais, quel que soit le locataire de Carthage – il n'y en a eu que deux, en fait, en un demi-siècle – il serait malvenu d'amalgamer indépendance et Révolution pas plus que les Tunisiens ne puissent se sentir en conflit avec leur identité, leur arabité et leur islamité.
En ces temps, où tout est possible, le meilleur, comme le pire, et en ces mois où la Tunisie relève les défis de l'Histoire et s'exerce aux règles démocratiques, nous ne serions pas inspirés de personnaliser les hauts faits de l'Histoire, simplement, parce que nous n'arrivons pas à chasser certains syndromes. Syndromes qu'on confond, d'ailleurs, avec la symbolique. Or, la Tunisie qui va renaître ne renoncera pas à ses symboles. Il ne s'agit pas de les sanctifier. Il ne s'agit pas de les diaboliser, non plus.