Plus de 24 ans se sont écoulés depuis qu'Abou Jihad, le numéro deux palestinien, a été sauvagement abattu, dans sa demeure à Sidi Bousaïd. C'était dans la nuit du 15 au 16 avril 1988, quand les auteurs de cet assassinat, ont pu pénétrer jusqu'à la chambre à coucher de la victime, pour tirer sur lui à bout portant. Il était clair que cette opération n'était pas improvisée puisque les gardes censés être préparés pour parer à toute visite impromptue et indésirable, ont été pris de cours et ont été descendus avant de pouvoir donner l'alerte. A cette époque, l'enquête qui a été ordonnée sous l'ancien régime n'a pas abouti à un résultat tangible, et on se contenta d'impliquer Mohamed Ali Mahjoubi, alors secrétaire d'Etat, chargé de la sûreté au ministère de l'Intérieur. Celui-ci écopa d'une peine de quatre ans, qui n'était pas du tout proportionnelle, à l'accusation dont il était l'objet.
Crime parfait, et mise en scène bien montée à l'avance. Début novembre 2012, un commando israélien raconte en détail, à travers un quotidien israélien, le déroulement de l'opération, en précisant que les auteurs du meurtre d'Abou Jihad, n'étaient autres que des membres du Mossad. Entrés en Tunisie muni de faux passeports libanais, deux hommes et une femme ont pu pénétrer sans difficultés dans la demeure de la victime, en se déguisant en touristes venus pour admirer les sites tunisiens, afin de mener à bien la mission dont ils avaient été chargés. Ce commando a ajouté, que l'opération était supervisée par Ehud Barak , chef d'état major à l'époque, qui se trouvait au même moment à bord d'un poing 707, qui survolait la Méditerranée.
Sécurité inefficace....ou complicité?
L'assassinat de Khalil Al wazir alias Abou Jihad, un des fondateurs du mouvement du Fatah et le numéro deux du Fath, était-il prévu ? Nul doute que cet homme d'une trempe exceptionnelle a voué sa vie à la cause palestinienne depuis sa tendre enfance, ayant commencé à participer aux actions des Fedayins alors qu'il était encore adolescent. Il menait inlassablement son combat sans se soucier de ce qui pouvait lui arriver. Quelques mois avant son assassinat, il avait participé au déclenchement de l'Intifada en Cisjordanie. Toutefois, ce n'était pas une raison pour que les services de sécurité tunisiens ne fussent pas avertis pour prévenir ce crime dont il fut la cible, et que son assassinat fût accompli, sans aucune difficulté. Pourquoi Abou Jihad n'avait-il pas droit à une sécurité spéciale, à l'instar de Hakam Balaâoui, représentant de l'OLP en Tunisie à l'époque ? Peut-être parce que l'organisation elle-même n'avait pas demandé une sécurité spéciale pour lui, et ce probablement pour plus de discrétion. Il était un homme exceptionnel et il ne voulait pas être trop surveillé, fut-ce pour assurer sa sécurité. Il n'empêche que l'Etat tunisien était tenu quand même d'assurer sa surveillance, même de manière indirecte et discrète. C'est d'ailleurs ce qui a laissé penser à une complicité émanant de l'intérieur, afin de faciliter la tâche aux auteurs de cet abominable assassinat. Par ailleurs, et tel que le relatent certains observateurs une série d'indices sont de nature à confirmer ce doute tel que par exemple, l'absence de tout agent de la garde nationale, au moment précis des faits, ou encore les coupures d'électricité, qui a privé de lumière toute la ville de Sidi Bousaïd pendant un bon bout de temps. En tout état de cause une nouvelle enquête judiciaire a été demandée par ceux qui ont déposé une requête au parquet dans ce sens. Le but de cette enquête serait de déterminer d'une manière précise, et le cas échéant, les responsables de complicité parmi les tunisiens, fussent-ils fonctionnaires de l'Etat ou établis à leurs propres comptes.
Le peuple a le droit de connaître la vérité Les réactions de certains membres de la composante sociale ne se sont pas fait attendre. Deux avocats, membres du parti « Wafa », à savoir, Abderraouf Ayadi et Abdelmajid Abdelli, ont déposé une Requête auprès du procureur de la République aux fins de l'ouverture d'une enquête en vue de déterminer les responsables de ce meurtre. Les responsables, c'est-à-dire, ceux qui ont participé directement à ce meurtre, et qui ont aidé par tous les moyens, ou ceux qui ont oeuvré à occulter la vérité. Le président déchu ainsi que certains parmi ceux qui travaillaient sous son commandement, sont doublement responsables : 1) D'avoir négligé de poursuivre l'enquête afin de connaître la vérité et les vrais coupables, 2) D'avoir aidé à occulter la vérité, en procédant à l'organisation d'un simulacre de procès et un jugement expéditif, en empêchant certains avocats d'y prendre part, dont feu Me Abderrahmane El Hila. Par ailleurs pour certains observateurs, Ben Ali avait accusé ceux auxquels il cherchait noise, d'intelligence avec le Mossad, tel que son ancien secrétaire d'Etat à l'intérieur, Mohamed Ali Mahjoubi, dit El Hammi, afin de mieux noyer et occulter la vérité.
Une plainte contre Israël L'Etat tunisien doit normalement porter plainte contre l'Etat d'Israël, pour terrorisme d'Etat, devant la cour internationale de Justice. L'ambassadeur palestinien en Tunisie a d'ailleurs contacté le ministre tunisien des Affaires étrangères afin d'étudier les moyens tendant présenter l'affaire devant l'Assemblée Générale de l'ONU, en vue de la condamnation d'Israël.