Propos recueillis par Samira DAMI Le peuple a le droit de savoir ce qui s'est réellement passé Les avocats Abderraouf Ayadi et Abdelmajid Abdelli, affiliés au parti «Wafa», ont déposé, lundi 5 novembre, une requête auprès du procureur de la République contre des personnes impliquées dans l'assassinat à Tunis du dirigeant palestinien Khalil El Wazir, plus connu sous le nom d'Abou Jihad. Israël ayant, selon le journal israélien Yediot Aharonot, reconnu l'assassinat du numéro deux , de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) perpétré en avril 1988, à Sidi Bou Saïd, dans la banlieue nord de Tunis. Sur ce crime politique, nous avons posé 5 questions à Abderraouf Ayadi. Contre quelle partie avez-vous porté plainte ? Nous avons porté plainte contre Israël et l'appareil de renseignement qui a perpétré cet assassinat politique, car nous savons maintenant que le commando était composé de 26 personnes et dirigé, alors, par l'actuel ministre israélien des Affaires stratégiques Moshé Yaalon. Et à l'exception de Nahum Lev, le chef de l'opération, aujourd'hui disparu, les autres membres du commando doivent répondre de ce crime politique. La plainte concerne également des parties tunisiennes qui pourraient être impliquées. Pouvez-vous nous dire pourquoi avoir présenté cette plainte aujourd'hui ? Israël a reconnu cet assassinat et il est temps, aujourd'hui, de connaître la vérité, nous voulons savoir qui a tué Abou Jihad, quelles sont les personnes impliquées dans ce meurtre, qu'elles soient israéliennes ou tunisiennes. Quel a été le rôle de l'Etat dans cet assassinat et surtout de Ben Ali qui en était le chef et qui pourrait avoir agi contre la sécurité de la Tunisie et celle de nos hôtes palestiniens ? Nous avons donc, mon collègue A. Abdelli et moi, porté plainte contre toutes les parties impliquées, soit les membres du commando israélien ainsi que des responsables ou complices ayant trempé dans ce crime de guerre imprescriptible. Les Tunisiens ont le droit, maintenant, de savoir ce qui s'est réellement passé, d'autant que plusieurs documents concernant cette affaire ainsi que l'accointance probable entre Ben Ali et le renseignement étranger auraient été détruits. Je me rappelle, par ailleurs, que lors du procès contre Chedly Hammi, alias Mohamed Ali Mahjoubi, secrétaire d'Etat chargé de la sûreté, accusé, alors, par Ben Ali d'intelligence avec les services secrets israéliens dans l'affaire Abou Jihad, que les autorités avaient nommé des avocats d'office et empêché Maîtres Abderrahmane Hila et Mansour Cheffi de pénétrer dans la salle d'audience de la cour militaire. Condamné à une peine de prison de quatre ans, l'accusé a été relâché deux ans plus tard. Croyez-vous que pareil procès contre Israël pourrait aboutir ? D'abord il y a la ratification par la Tunisie et par Israël de la convention internationale relative aux assassinats politiques et ensuite, outre Abou Jihad, trois Tunisiens sont également morts, il faut qu'on sache s'il y a des complices tunisiens. Je le répète, après la révolution, le peuple est, désormais, partie prenante dans tout ce qui concerne le pays et a le droit de savoir quel a été le rôle des forces de sécurité et de connaître, enfin, la vérité. Je suis même optimiste, car d'anciens membres qui appartenaient à la sécurité d'Abou Jihad ont déjà proposé leur témoignage, certains nous ont même raconté comment, trois jours avant l'assassinat, ils ont reçu l'ordre de se retirer. Je pense que si on laisse la justice faire son travail, elle peut accomplir des miracles. Si la plainte déposée contre les Israéliens et les autres parties incriminées dans cet assassinat n'aboutit pas au résultat escompté, allez-vous porter l'affaire devant une cour internationale ? Non, car seul l'Etat peut déposer une plainte devant une cour internationale, d'ailleurs son silence devant la reconnaissance de cet assassinat politique par Israël est des plus étonnants. Les autorités auraient dû lancer une procédure judiciaire. Justement, comment expliquez-vous le silence du gouvernement sur cette affaire ? Il semble qu'il y ait une évolution, puisque j'ai entendu à la radio que l'ambassadeur palestinien en Tunisie a contacté le ministre des Affaires étrangères afin d'étudier les dispositions nécessaires pour présenter l'affaire devant l'Assemblée générale des Nations unies dans le but de condamner l'Etat israélien.