Le public a eu rendez-vous vendredi dernier à la salle Le Rio, avec le film « La Pirogue » de Moussa Touré, dans le cadre de la section « compétition officielle » des JCC 2012. Un film d'une actualité brûlante, traitant de l'immigration clandestine, où le metteur en scène et les comédiens qui ont joué leurs rôles magnifiquement, ont fasciné le public pendant plus d'une heure et demie. Nous saluons le producteur de cette œuvre cinématographique qui a le mérite de parler de ce thème de l'immigration sous forme de fiction (film long-métrage) alors que d'habitude ce thème a été entretenu par les cinéastes sous forme de documentaire. Cette nouvelle approche adoptée par Moussa Touré, basée sur un schéma narratif (des actions, un dialogue, un début, des péripéties et un dénouement) a permis à ce film d'être sélectionné en compétition au festival de Cannes 2012, dans la section « Un certain regard » et d'être longuement ovationné par les spectateurs lors de sa première projection.
En effet, l'immigration clandestine a suscité l'intérêt des cinéastes africains qui l'ont traitée chacun à sa façon à travers leurs films et documentaires, étant persuadés des conséquences néfastes de ce phénomène sur les jeunes Africains qui mettent le cap sur l'Europe en quête d'eldorado, fuyant la misère, le chômage et l'insécurité dans leurs pays d'origine. Ils partent nombreux à bord d'une embarcation en bois, souvent vétuste et précaire, dans des conditions lamentables, souhaitant rejoindre les rives de l'autre côté de la mer. Mais la traversée tourne souvent au drame.
Dans ce film, il s'agit d'une pirogue louée par 30 hommes dont une femme, pêcheurs de la banlieue de Dakar et d'autres d'origines et de langues différentes. Baye Laye en est le capitaine qui refuse de partir avec tout ce monde, mais il cède devant les prières de son frère qui fait partie des voyageurs clandestins. Si le capitaine ne veut pas partir, c'est qu'il ne connaît pas assez bien la mer ; mais il a le pressentiment que de mauvaises surprises vont attendre cette foule de villageois dont la plupart n'ont jamais vu la mer et ne savent pas nager. Et voilà qu'en cours de route, ils sont surpris par une forte tempête qui provoqua la mort de quelques uns, sans compter les pannes successives du moteur de la pirogue qui sèment la panique parmi les voyageurs. Actions, angoisse et suspense se suivent jusqu'au jour où ils sont interpellés par la garde des côtes espagnoles et sont expulsés à leur pays d'origine. Un film réaliste qui met en scène des jeunes désespérés, rêvant d'atteindre de nouveaux horizons où ils peuvent travailler et gagner de l'argent. Mais aussi il montre l'égoïsme de ces passeurs, hommes sans scrupules, qui exigent des sommes d'argent énormes de ces malheureux voyageurs qui s'embarquent à leurs risques et périls, ignorant qu'ils n'atteindront peut-être jamais le bout du tunnel. La question qui se pose : ces voyageurs clandestins sont-ils coupables ou victimes ? Un film émouvant autant par la sensibilité de son réalisateur et sa vision lucide du sujet que par les rôles merveilleusement joués par les comédiens.