Siliana, Makthar (Maktaris), Erroubaâ, Bargou, Kesra... greniers de Rome et de la proconsulaire, qui culminent à 850 mètres d'altitude, autrefois si sereins et si paisibles rattrapés par la colère insurrectionnelle... C'est ce que la politique transitionnelle inefficace a voulu et décidé pour ce bon peuple de « Aouled Ayar » ! Ceux qui ont encore l'envie d'aller roder du côté des champs archéologiques de « Maktaris » y trouveront les traces lointaines d'une province romaine prospère bien administrée et civilisée ! La bonne terre, de la pluviométrie, des forêts, ce n'est pas ce qui manque à cette région où il neige souvent l'hiver et où le peuple comme celui de Rousseau ou Locke vit un certain bonheur à l'état de nature. Mais, les sociétés ne peuvent plus vivre aujourd'hui, d'amour et d'eau fraîche seulement. Il faut un minimum d'infrastructure routière et de services essentiels à la vie moderne et la région en manque désespérément. Depuis Tacfarinas et Jugurtha, ses habitants attendent les « gestes » du pouvoir central qui pourraient les rapprocher du niveau de vie des côtes. L'indépendance est passée à côté de leurs espérances et puis avec Ben Ali, c'est la grande émigration qui commence et les « Aouled Ayar » si fiers et si libres se voient entasser les uns sur les autres dans des habitations de fortune dans les périphéries insalubres de la capitale et des grandes métropoles sahéliennes. Makthar a perdu plus de la moitié de sa population dans ce flux migratoire de la misère et s'est vidée de son essence même et de la joie des récoltes abondantes. On aurait pu multiplier les barrages, les lacs collinaires, y développer un pôle industriel de transformation des produits agricoles, accentuer la plantation des olivettes, du pistachier et du pignon... l'apiculture... On aurait pu... on aurait pu... mais rien de tout cela n'a été fait ou presque ! La Révolution a été leur plus grand espoir... Enfin on va s'occuper de nous... Cette fois c'est les « enfants du peuple » qui sont au commande, et ceux qui « craignent Dieu »... mais comme dirait Guillaume apollinaire... « Passe le jour vient la nuit »... et rien ne bouge à l'horizon, sous les ponts de Siliana coulent le désespoir d'un peuple trahi abandonné à son sort éternel. Alors, le sang de la rébellion chauffe... « Notre part du soleil... on ira la chercher nous-mêmes », où... chez le représentant du pouvoir central totalement déconnecté ! Le reste coule de source, c'est l'affrontement et les tirs à balles de chasse, feront le reste... Plus de deux cents blessés dont une dizaine atteints gravement au visage et aux yeux ! Les politicards à la périphérie du pouvoir n'ont plus de visages pour se regarder dans une glace mais trouvent les mots pervers du genre : Ces événements de Siliana c'est la résultante de tous les « complots » et des manœuvres des oppositions, de l'UGTT, de Nida Tounès, du Front Populaire, de la Ligue des droits de l'Homme etc..., il ne manque que les journalistes de « la honte », qui pour une fois ont été épargnés, pour boucler la boucle des « enragés » à mettre hors d'état de nuire ! Ces propagandistes d'une autre époque ont oublié les vrais causes de l'insurrection des profondeurs : cette transition qui traîne en longueur, l'affaissement de la crédibilité des pouvoirs publics, le détournement de la vocation de l'Assemblée nationale constituante dont on attend encore trois lignes du nouveau « destour » (Constitution) et surtout le sentiment diffus dans la population qu'on n'a plus envie de construire l'Etat démocratique et institutionnel véritable aux normes universelles. Tout ce temps perdu et ces manœuvres électoralistes ont reporté le développement régional à la zone des priorités secondaires alors qu'il fallait prendre le taureau par les cornes et y aller en premier lieu. Maintenant que le mal est fait... que faire ! Tout simplement, revenir à la transparence, à la loyauté de la démarche et jouer le jeu démocratique sans arrière-pensée. Droit au but comme disent les Marseillais... foncer sur la rédaction de la Constitution et son adoption avec un compte à rebours établi et obligatoire faute de quoi il faut dissoudre l'Assemblée constituante et appeler de nouveau les électeurs à élire un parlement et un président de la République pour cinq ans. On peut se contenter d'une déclaration des droits à l'image du « Bill of rights » britannique avec, au maximum, une vingtaine d'articles où l'on garantit la séparation des pouvoirs, les droits de l'Homme, la liberté de la presse, d'opinion et de culte et l'établissement d'institutions républicaines autonomes et différenciées du pouvoir exécutif. Le pays ne peut plus attendre car les exigences et les attentes sont toutes perçues de plus en plus « légitimes » par une population de plus en plus impatiente et frustrée. Le Dr. Marzouki a, enfin, parlé dans ce sens, mais sans avoir les moyens de peser sur le véritable exécutif ! Pourvu que le message arrive à destination !