Une exposition collective, organisée annuellement par l'Association des Artistes Plasticiens du Cap Bon, au Centre Culturel Néapolis-Nabeul, a eu lieu du 01 au 15 décembre 2012. Elle a regroupé pratiquement 53 artistes plasticiens dont des graveurs, des sculpteurs, des peintres et de nombreux céramistes. N'est-ce pas logique que la céramique prenne ici toute la place qui lui revient, nous sommes nous pas à Nabeul, capitale de la céramique ? Parmi les événements que l'exposition a voulu mettre en valeur est celui de l'hommage rendu au grand peintre, originaire du Cap Bon, mais mondialement connu, Abderrazak Sahli. L'exposition se déploie dans un espace assez grand et confortable, dans le hall du nouveau Centre Culturel de Nabeul. La salle qui a reçu beaucoup d'œuvres aussi bien de peinture que de céramique semble avoir rassemblé une grande collection de céramique d'une qualité exceptionnelle. Fahd Tahri pour sa part, a exposé ses formes aussi bien intéressantes au niveau de la conception et de la démarche qui se situent dans l'assemblage des parties sculptées et reliées entre elles par des fils de fer ou des fils à pêche essayant par là, de dire que les formes pleines peuvent être aussi des formes rapiécées, cela n'empêche que les formes en elles mêmes sont très belles et reçoivent de belles couleurs d'émaux très chauds. La deuxième tentative de Fahd consiste à exprimer l'horreur de connaitre la censure de la liberté d'expression d'où ces têtes qui connaissent aussi bien les bouches cousues, les yeux fermés et les oreilles obstruées. L'idée n'est pas nouvelle, elle a été exploitée déjà par Lamia Gmara, une artiste peintre appartenant au groupe « Hadhirat », au Centre d'Art Vivant de Belvédère et attaquée par des intégristes à El Abdellia. Le deuxième céramiste qui a été le plus prolifique est Boujemaa Trabelsi qui a exposé une cinquantaine d'œuvres de tout genre. Il a proposé des cubes, des cylindres, des carrés, des triangles, des formes pleines, des formes incomplètes, des formes fermées ou ouvertes, parfaites ou à peine esquissées. Toutes ces formes ont reçu des programmes de décoration à l'émail aussi bien traditionnelle que moderne (Mondrian) avec quelquefois l'utilisation des signes de Tanit ou des signes appartenant à la tradition populaire (signe, symbole, « Khlel », « Nejma », « Khomsa »...). Les installations en céramique sont également nombreuses comme celles de Karima Bachraoui avec deux installations de masques qui sont montés cylindriquement en une sorte de tour de crânes. Cette fois ci montés d'une manière non lugubre et prouvant une grande compétence technique. Un coin de la salle a été réservé à un hommage à Abderrazak Sahli, ce grand artiste de Hammamet internationalement connu pour son travail modulaire. Des œuvre de Sahli sont montrées, ainsi que cette belle tapisserie qui s'inspire de lui à travers la répétition modulaire qui anime la surface et fait vibrer la laine. La salle centrale du Centre accueille une vingtaine d'artistes plasticiens surtout des peintres issus de l'Institut Supérieur des Beaux Arts de Nabeul La première plasticienne qui se présente comme étant la fondatrice de l'Association, Najoua Koulak, situe son travail dans l'ambiance du travail de Abderrazak Sahli. Le tableau qu'elle présente est une grande fresque modulaire photographique prenant en charge sa photo. Cette répétitivité du même module est cependant amoindrie par l'utilisation des rouleaux autonomes verticaux reprenant également des motifs modulaires. Moufida Godhbane pour sa part, autre plasticienne de l'Institut Supérieur des Beaux Arts de Nabeul, situe son apport dans une tentative de composition spatiale faisant jouer à des composantes de la figure de Tanit un rôle important du support d'élément graphique reprenant les motifs appartenant à toute la culture des signes symboles puniques .Tanit est reprise dans toutes les formes et quelquefois même sous forme modulaire surtout au niveau de la base de sa composition. Fnina, de l'autre côté de la salle, présente un tableau d'une légèreté inquiétante centré sur une tentative de créer un mouvement qui se situe au niveau d'une démarche s'appuyant sur le tourniquet des formes sans obtenir la dynamique souhaitée. Degas qui est visé ici est loin d'être atteint. La pièce centrale de la salle est constituée par une installation réalisée par Hbiba Harrabi, installatrice et céramiste qui a su associer le bois brut du chantier à une réalisation brute de la céramique de terre cuite sans aucune fioriture d'émaillage. L'œuvre est réellement homogène. Nous comprenons qu'elle occupe le centre de l'exposition. Malgré la richesse de l'exposition, il nous semble qu'elle ne présente pas une grande unité et qu'elle ne concrétise pas un axe de recherche particulier qui aurait pu donner plus de transparence et de clarté. Il nous semble que quelque chose manque pour donner plus d'unité à cette exposition malgré que le travail de la céramique lui a conféré une sorte de légitimité. La tenue d'une exposition de cette envergure et de cette qualité revient en fait, à la présence effective de l'Institut Supérieur des Beaux Arts de Nabeul, à travers les travaux de ses enseignants et de ses étudiants très motivés pour continuer le combat artistique contre l'obscurantisme culturel, la censure et l'intolérance... Il est dommage que beaucoup d'œuvres aient été retirées avant la fin annoncée. Karima Refai