L'avocat de Nabil Arâari : «Aucune instruction n'est ouverte à ce jour !» Lors du bilan de Juan Mendez, le rapporteur spécial de l'ONU contre la torture au cours de sa visite en Tunisie, a appelé les responsables à faire des investigations approfondies et de procéder à des réformes pour la prévention de la torture. Déjà, Me Radhia Nasraoui, militante des droits de l'Homme, et présidente de l'association contre la torture en Tunisie avait déclaré à cette occasion que les prisonniers continuent à être torturés après la Révolution, de différentes manières. Des mineurs de 15 et 16 ans ont été même violés, par des policiers, ajoutant que cette situation donne l'impression que « les policiers ont le feu vert pour torturer ». La situation n'a pas beaucoup changé depuis. Outre la jeune fille violée par des agents, qui ont été enfin inculpés après plusieurs rebondissements dans cette affaire, d'autres cas de torture sont encore en instance, dont celui de Abderraouf Khmassi , un autre détenu qui aurait péri sous la torture. Le cas de Nabil Arâari, militant du parti des Travailleurs tunisiens et détenu à la prison de Mornaguia est actuellement préoccupant. Une affaire en déclenche une autre Les faits ont commencé par son arrestation suite à la manifestation organisée par les habitants de Makthar, pour le développement et la promotion de l'emploi dans la région. Une altercation se déclencha entre les agents de la garde nationale et Arâari, qui reprochait leur négligence aux autorités dans l'affaire du meurtre de son neveu, un enfant de 10 ans. Arrêté, il a été conduit au poste de la garde nationale à Siliana , là où il aurait été torturé selon son avocat, Me Oueslati, qui précise que « l'administration pénitentiaire , essaie de dissimuler cette bavure, en interdisant à son client toute assistance médicale ». Bien plus, « on lui a interdit de prendre des médicaments qu'il a payés de ses propres deniers » ajoute son avocat. C'est la raison pour laquelle, le 22 décembre dernier, un rassemblement organisé par le parti des ouvriers tunisiens a eu lieu devant le ministère de l'Intérieur, pour soutenir Arâari, qui était selon ses avocats dans un état pitoyable. «Un homme agonisant» Me Radhia Nasraoui, qui est allé le visiter a déclaré aux médias, « j'ai vu un homme qui agonise. Elle précisa qu'il présentait des ecchymoses et des hématomes sur tout le corps, et qu'il avait notamment la cage thoracique défoncée. » Ce mouvement de soutien a permis, de contribuer à sauver la vie de ce pauvre jeune homme qui a été transporté à l'hôpital et placé sous soins intensifs. A-t-il des chances de s'en sortir ? Ses avocats sont assez pessimistes vu l'état où il se trouvait avant d'être transporté à l'hôpital. Une pratique qui perdure, jusqu'à quand ? Au-delà de cette affaire, la question est vraiment préoccupante. Sommes-nous devant des cas isolés ? C'est ce que se demandent la plupart des observateurs dont les avocats et les membres d'associations de défense des droits de l'Homme. Selon un rapport publié le 10 décembre dernier par l'organisation contre la torture en Tunisie, en collaboration avec l'organisation mondiale contre la torture, il n'y a eu aucun changement depuis la révolution concernant cette pratique qui a sévi durant l'ancien régime. Radhia Nasraoui a précisé que « la torture en Tunisie reste encore un acte banalisé. Les auteurs de la torture agissent dans l'impunité, ce qui les encourage à persister dans leur attitude ». Briser le cycle de l'impunité La torture avait commencé à être pratiquée dans les postes de police et les maisons d'arrêt, dès l'aube de l'indépendance. C'était à l'occasion de l'affaire des « Yousséfistes » et les autorités à l'époque donnaient le mot d'ordre aux tortionnaires d'être sans pitié envers ceux qui étaient considérés comme des ennemis de Bourguiba. Certains avaient été abattus de sang froid par leurs bourreaux agissant sur les ordres du ministère de l'Intérieur. Dans les procès politiques qui suivirent, les pratiques avaient empiré, avec des moyens de torture plus sophistiqués. Ceux qui s'en sont sortis vivants, avaient traîné de sérieux handicaps durant le restant de leur vie. Il y avait une banalisation de cette pratique qui garantissait l'impunité aux tortionnaires, et leur donnait le sentiment qu'ils ne faisaient que leur devoir, et ce phénomène a continué, voire empiré sous Ben Ali. Le rapporteur de l'ONU précité a déclaré que le gouvernement a été exhorté de démontrer sa volonté de répondre aux aspirations des citoyens consistant à briser le cycle de l'impunité. Le rôle de la Justice est primordial, pour pousser les investigations jusqu'à la découverte de la vérité, afin de déterminer les responsabilités. C'est ce qu'entend le rapporteur qui a précisé : « qu'il faut restaurer la Justice pour les actes passés et récents de torture et de mauvais traitements » Restaurer la Justice, implique que celle-ci soit totalement indépendante, afin que les décisions des tribunaux ne soient pas rendues sous la pression, mais dans une totale impartialité et une parfaite sérénité. Ce n'est que de cette façon que sera brisé le cycle de l'impunité, afin d'atteindre une totale abolition de cette pratique inhumaine et moyenâgeuse qu'est la torture.