Ceux qui ne l'ont pas connu de près, se rappellent au moins de cette comédie écrite par Taoufik Jebali et présentée d'abord à la salle El teatro, avenue de Paris, ensuite à la chaîne nationale. Vous avez bien entendu reconnu ce personnage à l'humour piquant mais qui ne laisse pas indifférent, pour l'effet qu'il fait sur le public, à chaque réplique dans cette pièce à plusieurs épisodes qui rappelle le style de la commedia dell'arte. C'est Mahmoud Larnaout qui vient de nous quitter lundi dernier, à la suite d'une crise cardiaque à près de 69 ans. Déjà, au début des années 1960, il s'est distingué par son talent à côté de Mohamed Driss, Taoufik Jebali et Mohamed Ben Amor, ses amis d'enfance et appartenant aux mêmes quartiers de la Médina de Tunis, de Bab souika et Halfaounine, quartiers pittoresques qui furent le refuge et la source d'inspiration des artistes, depuis les années 1920 et 30, tels que les artistes du groupe de Taht Essour, ou les Fadaoui, les virtuoses et les saltimbanques. Mahmoud Larnaout qui s'est inspiré de cette ambiance où il a vécu son enfance, a pu parfaire son talent de comédien né. Dans n'importe quel rôle il ne faisait pas beaucoup d'efforts, car il restait lui-même, imperturbable, sans broncher et sans changer l'expression de son visage qui faisait son originalité. Il avait, en plus d'un physique qui s'y prêtait, avec ce regard à la fois hagard mais interpellateur, une aisance à manier le verbe de manière à retenir le public, et susciter son engouement. Que ce soit dans la série Klem Ellil, ou Femtella (toutes les deux écrites par Taoufik Jebali) il a su retenir le public par son humour sarcastique, mais sans pour autant être vexant ou dépasser les limites de la bienséance. Bref, il représente, dans ces pièces, le Tunisien moyen, sceptique, toujours égal à lui-même et qui ne croit qu'en ce qu'il voit. Quant au personnage dans la réalité, il était d'une autre trempe. Un mélomane, cultivé, et féru de lecture. Il était de cette génération qui a vécu en partie la période coloniale, durant l'enfance, et qui avait été encouragée à acquérir le savoir, par des parents empêchés d'aller jusqu'au bout dans leurs études. Lequel empêchement était dû à la une politique coloniale qui favorisait les occupants au détriment des autochtones. A côté du théâtre, Mahmoud Larnaout a été à un moment donné, le directeur de Canal Horizon, et directeur de la salle de cinéma « Le Mondial ». Entré dans le secteur bancaire, il a fait preuve de compétence dans ce domaine qui n'a rien à avoir avec le théâtre, ou disons plutôt que le rôle du banquier ne ressemble pas au rôle de comédien. Ce fut peut-être ce qui l'a empêché de mettre à profit tout son talent, malgré les rôles par lesquels il a pu se distinguer, outre certaines pièces qu'il a écrites lui-même, ou les multiples articles de presse. Son départ précipité, a laissé ses amis et tous ceux qui l'ont connu, affligés mais pas tout à fait tristes, car même dans la mort son nom suscite le sourire ; non pas un sourire narquois ou moqueur, loin s'en faut, mais celui de la joie et de la gaieté qu'il a su graver dans la mémoire collective de ses fans et de tous ceux qui l'ont aimé. Qu'il repose en paix.