Toujours d'actualité, la question de la migration et la libre circulation des personnes occupe aussi bien les acteurs de la société civile que les décideurs. Des flux migratoires quittent notre territoire dans les barques de la mort, situation pas très confortable de nos compatriotes vivant à l'étranger, fermeture abusive des frontières européennes empêchant les Tunisiens de se déplacer librement vers ce continent... Un état des lieux le moins que l'on puisse dire inquiétant, d'où la nécessité de mieux s'organiser pour protéger les droits des personnes désirant s'installer dans un autre pays ainsi que ceux qui vivent déjà à l'étranger. Une politique claire, bien ficelée et qui prend en considération l'approche droits de l'Homme et la composante sociologique et économique s'impose dès lors. C'est dans ce cadre que s'inscrit d'ailleurs, la conférence organisée depuis hier par le Secrétariat d'Etat aux Migrations et aux Tunisiens à l'Etranger. « L'objectif est de présenter l'approche globale de la migration et de s'employer à rendre plus cohérent et stratégique le cadre politique et l'architecture institutionnelle régissant la migration ». Dans ce sens, le Professeur Hassen Boubakri, de l'Université de Tunis insiste sur trois dimensions stratégiques pour assurer la bonne gouvernance de la migration et la mise en place d'une politique nationale dans le domaine. Il a exhorté le Secrétariat d'Etat à créer un système politique, technique et administratif pour pouvoir réunir tous les acteurs concernés par le sujet afin de mieux gérer la question de la migration dans un sens large. Le professeur Boubakri parle ainsi, de l'Office des Tunisiens à l'Etranger et de l'Agence Tunisienne de la Coopération Technique qui « doivent travailler en harmonie et en concordance pour pouvoir créer l'équilibre avec l'autre partenaire avec qui nous négocions, à savoir l'Union Européenne ». Partenariat Nul ne peut nier que l'Europe est pour la Tunisie un partenaire stratégique avec qui nous accomplissons 80 % des échanges économiques. Ce continent charme toujours les migrants tunisiens qui ne sont plus les bienvenus. Révolue en fait, l'époque où la main d'œuvre tunisienne était très sollicitée pour bâtir une nouvelle Europe après des années de guerre, tel était le cas en France. Malheureusement pour nos jeunes, le vieux continent a décidé, de verrouiller ses frontières en les surveillant davantage à travers des mécanismes sécuritaires et des lois « abusives » tout en déniant le droit aux individus de circuler librement. Certains spécialistes parlent même d'un marché d'immigration et de sous-traitance. Car plusieurs pays de l'autre rive de la Méditerranée ont légué cette mission aux pays jugés comme source de « problème ». C'est leur problème «Mais il ne s'agit pas là de notre problème », fait remarquer Zouheir Trimeche, professeur en Droit International. « C'est leur problème à eux. Ce sont eux qui en ont fait un problème », enchaîne le Professeur Trimeche tout en parlant de la migration comme étant un phénomène qui n'a jamais été posé de cette manière. Il importe de rappeler dans ce cadre que plusieurs mesures « répressives » sont prises par l'Union Européenne pour protéger ses frontières contre les flux migratoires. L'Agence Européenne pour la Gestion de la Coopération Opérationnelle aux Frontières Extérieures communément connue (FRONTEX) a été créée, d'ailleurs, dans cet objectif. Elle joue un rôle paramilitaire et contribue en l'externalisation, la rétention et l'expulsion des migrants. C'est pour cette raison qu'elle fait l'objet de plusieurs critiques de la part des défenseurs des droits humains. Jean Ziegler l'a qualifiée même comme étant « L'empire de la honte ». Dans ce sens, la politique nationale de la migration doit prendre en considération ce facteur ainsi que d'autres. « Il faut assurer la sécurité des migrants », recommande le Professeur Hassen Boubakri. Cette question doit faire l'objet d'un accord avec l'Europe et non pas l'objet de politiques étatiques de contrôle des flux migratoires. Car la libre circulation des personnes est un droit fondamental qui doit être assuré par l'Etat. Hussein Al Jaziri, secrétaire d'Etat aux Migrations et aux Tunisiens à l'Etranger *60 expulsés rentrent en Tunisie chaque semaine *4000 mille Tunisiens dans les prisons italiennes « On doit dire stop à l'immigration vers l'Italie. Il faut tout un projet de réforme d'immigration vers ce pays », déclare Hussein Al Jaziri, secrétaire d'Etat aux Migrations et aux Tunisiens à l'Etranger lors de la conférence. Parlant de cette question et de la politique migratoire- laquelle doit faire l'objet d'une bonne gouvernance-, le secrétaire d'Etat s'est réjoui du nombre des expulsés qui sont rapatriés chaque semaine vers la Tunisie. « 60 personnes rentrent chaque semaine », déclare-t-il. Certainement, parce qu'ils sont en situation irrégulière. Très confiant, le secrétaire d'Etat présentait le chiffre sans regrets ni remords par rapport au sort de nos compatriotes qui se sont déplacés en quête d'une vie meilleure. Il n'a pas critiqué le fait qu'ils soient rapatriés ainsi, alors qu'ils ont le droit de circuler librement selon les conventions internationales et la déclaration universelle des droits de l'Homme. Pis encore. Le Secrétaire d'Etat n'a pas hésité à dire « stop à l'immigration vers l'Italie ». En adoptant ce discours, M. Al Jaziri se présentait comme le porte parole de la politique européenne de la migration, alors qu'il devait défendre les droits fondamentaux des migrants. Prétexte, « 4000 Tunisiens sont emprisonnés en Italie », d'où la nécessité d'un projet de réforme de la migration vers ce pays ». Quand ? Comment ? Nul ne le sait.
Sana FARHAT
Excédés par les ravages contre la flore sous-marine à Kerkennah 500 pêcheurs et leurs familles décident une migration collective vers Lampedusa Se disant excédés par le laxisme des autorités vis-à-vis des ravages occasionnés à la faune et à la flore sous-marines par la pêche au chalut, les marins-pêcheurs des localités de Kraten et Ennajet, à Kerkennah, s'apprêtent à un mouvement de migration collective avec leurs familles en direction de l'Italie. Plus de 500 familles de marins-pêcheurs originaires des localités de Kraten et Ennajet, aux Iles Kerkennah, sont décidés à mettre le cap sur l'Ile de Lampedusa en Italie, dès que les conditions atmosphériques le permettront, sachant que les prévisions météorologiques annoncent une mer agitée pour les trois jours à venir. Ce départ collectif nous a été annoncé par différentes sources dont un membre de l'Union générale de l'Agriculture et de la Pêche, Mounir Khécharem. L'annonce du mouvement de migration serait même déjà placardé dans les rues des deux localités de Kraten et Ennajet, dont les habitants, dans leur majorité des marins-pêcheurs, se disent excédés par le laxisme des autorités locales, régionales et nationales face à la pratique illicite de pêche aux filets traînants : « Pourtant, déclare le membre du syndicat des marins de Kraten, Mounir Khecharem, tous les recours ont été épuisés et toutes les démarches nécessaires entreprises, auprès des autorités à tous les niveaux, toujours sans résultat. D'ailleurs, le délégué de kerkennah, avait déjà été avisé, il y a une semaine, de notre intention de partir massivement, si les autorités n'obtenaient pas, pour nous, un rendez-vous avec les ministres de l'Agriculture et de l'Intérieur. De guerre lasse, dit-il, et après un récent arrêt total des activités au port de Kraten, durant six jours, il y a un peu plus d'une semaine et faute d'avoir obtenu les rendez-vous réclamés, les marins-pêcheurs menacés dans leur gagne pain et dans leur subsistance ont décidé de franchir le Rubicon et de partir massivement en Italie, à bord de leurs embarcations, non pas pour être à la charge de l'Etat italien mais pour exercer notre activité et nourrir dignement nos familles. D'ailleurs, les autorités tunisiennes ont déclaré leur incapacité à stopper d'un seul coup ce fléau de la pêche au chalut (kis). Cet engin prohibé parce qu'il détruit les habitats critiques dans les zones de frayères et de nurseries, en raclant le fond marin, détruit notre unique source de subsistance, en plus des dégâts qu'il occasionne à nos filets. Les dommages subis par nos richesses halieutiques et nos engins sont d'autant plus considérables qu'il y a un foisonnement de chalutiers qui opèrent impunément au large des côtes Nord de l'archipel, c'est-à-dire les plus poissonneuses et dont les prises sont destinées à l'exportation. » Notre interlocuteur, se garde pourtant de condamner sévèrement ceux qui pratiquent la pêche au chalut, dans la mesure où pour ce qui est de l'actuelle campagne, ils sont à leur tour victimes de pratiques discriminatoires et d'exclusion, étant interdits de participation à la campagne de pêche au poulpe, par les marins-pêcheurs des ports de Ketf et de Zarzis. Il Fallait donc leur octroyer des subventions pour leur permettre de subsister et les obliger de renoncer à la pêche au kis »