Suivant la loi de finances 2013, le budget de la culture baissera de 1% à 0,38%, soit une diminution de plus de la moitié du budget ordinairement alloué au Ministère de la Culture, alors que celui des Affaires religieuses atteindra 13%, sans parler de l'augmentation à effectuer dans les budgets des trois présidences : le palais présidentiel, le Premier ministère et l'Assemblée constituante. Aurait-on conclu au sein du gouvernement provisoire que la culture est en train de gaspiller des sommes énormes sans le moindre effet sur le développement du pays ? Aurait-on su enfin que le budget attribué à la culture (1%) est à l'origine du marasme économique qui sévit dans le pays ? Ou tout simplement aurait-on décidé enfin que la culture n'est pas un besoin nécessaire et qu'il faudrait le reléguer à un second plan ? Aurait-on oublié que dans plusieurs pays, le budget de la culture est considéré comme un sanctuaire qu'il ne faut pas toucher, sachant que la culture est d'abord un patrimoine commun à l'échelle nationale et une caractéristique inhérente à l'humanité à l'échelle universelle, grâce à laquelle on crée un monde riche et varié qui élargit les choix possibles, nourrit les capacités et les valeurs humaines. Aurait-on oublié que nous sommes en pleine révolution et que la culture d'un peuple a toujours eu le rôle d'un catalyseur qui cristallise les principes et les objectifs de la révolution, étant ainsi considéré comme un levier du développement ? Quelles que soient les raisons du Gouvernement provisoire, cette baisse du budget n'a pas de raison d'être, si bien qu'une telle décision entrainerait la déception et l'inquiétude des hommes de culture, des artistes, des écrivains, des cinéastes, des musiciens, puisqu'ils seraient affectés par cette mesure qui pourrait influer directement ou indirectement sur leurs activités culturelles et leur esprit de créativité. En effet, avec ce nouveau budget, si maigre, les artistes, toutes disciplines confondues, ne pourraient plus aspirer à une subvention du ministère, laquelle subvention serait accordée au compte-goutte. De cette façon, les jeunes créateurs et les jeunes artisans, aux talents prometteurs, n'auront plus de soutien pour produire et diffuser leurs productions, à moins qu'ils soient capables de s'autofinancer personnellement sans l'aide du ministère qui a jusque-là été, un bon tuteur et une source vitale pour bon nombre d'artistes au statut précaire. En effet, si l'on néglige la culture, c'est qu'on ignore son importance à promouvoir la créativité dans tous les secteurs artistiques et sa capacité à protéger le patrimoine national et à faire rayonner l'image du pays dans le monde entier. Ce serait une sous-estimation de tout un peuple, si l'on minimise ou dévalorise le rôle de la culture qui doit constituer, notamment en cette période post-révolution, une arme pour le développement et contre l'obscurantisme. Car, il n'y a pas eu de révolutions politiques à travers le monde qui ne soient accompagnées de révolutions culturelles ! A l'heure où les gouvernements du monde accordent aux acteurs culturels le statut qu'ils méritent et à la culture sa vraie place en lui allouant le budget nécessaire, on veut, chez nous, que les activités culturelles rétrogradent et cèdent la place au politique, au social et à l'économique, moyennant une baisse importante de son budget, qu'on craint qu'elle s'accentue dans les années à venir ! Tous les acteurs culturels seront donc concernés de cette baisse du budget puisque leurs secteurs vont faire face au manque de soutien financier qui vient se joindre à un autre problème auquel ils ont été toujours affrontés depuis toujours, à savoir le manque de compréhension de la spécificité des activités culturelles et artistiques de la part des responsables appelés à superviser et à promouvoir l'art et la culture, n'ayant parfois aucune vision claire quant à la politique culturelle dans le pays ! Avec le nouveau budget, le ministère va-t-il s'en sortir ? Il en résultera que les budgets des institutions culturelles vont diminuer, notamment les commissariats régionaux de culture, que d'autres institutions vont se diriger vers d'autres sources de subventions, nationales ou étrangères, pour financer leurs projets (festivals, films, expositions...) Sans oublier que, face à la nouvelle situation, les plus petites institutions ou les individus exerçant dans le domaine culturel et artistique vont souffrir davantage (écrivains, éditeurs, peintres, cinéastes...) et vont peut-être passer le maximum de leur temps à faire la queue devant le ministère de la culture dans l'espoir d'une aide financière qui peut-être n'arrivera jamais ! L'on se demande également si le ministère va diminuer le budget assigné à la commission d'achat d'œuvres artistiques dont bénéficient les peintres jusqu'à nos jours et qui est pour la majorité d'entre eux, la seule source de revenus. Va-t-on aussi diminuer le quota des livres acquis chaque année par le ministère publiés par nos écrivains ? Nos cinéastes vont-ils recourir à des sponsors étrangers pour réaliser leurs films ou vont-ils compter sur leurs propres moyens pour participer à des festivals internationaux ? Quelle sera la part des institutions régionales dans l'effort fourni à la décentralisation culturelle, conserveront-elles les mêmes avantages financiers ? Les festivals d'été seront-ils touchés par cette baisse de budget, surtout que depuis la Révolution, ils souffrent du manque de sponsoring ? L'absence ou la diminution des subventions publiques ne va-t-elle pas avoir un effet négatif sur la quantité et la qualité des productions culturelles et artistiques dans le pays et peut-être induire certains artistes en état de chômage ? Mille et une questions qui nous interpellent et qui attendent des réponses.