En 1942, la deuxième guerre mondiale battait son plein. La Tunisie fut un champ de bataille choisi par les belligérants, à savoir Anglais, Français et Américains d'un côté, qu'on appelait les alliés, Allemands et Italiens de l'autre et qu'on appelait les pays de l'Axe. Dans cette conjoncture où la France était affaiblie, étant occupée et persécutée par les nazis, la lutte nationale en Tunisie ne put que s'accentuer, les militants opérant dans un champ d'action plus large tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. Un comité de résistance fut en effet, institué, trouvant dans "Radio-Berlin" un moyen efficace pour défendre la cause tunisienne et faire connaître l'action militante à l'échelle mondiale, surtout que les dirigeants du Néo-Destour étaient incarcérés. Mais cela impliquait-il un engagement de certains militants avec les pays de l'Axe ? Certains supputaient qu'il y aurait eu parmi les militants, ceux qui auraient tenté de jouer la carte des pays de l'Axe, stratégie pouvant aboutir à l'indépendance, surtout que la France, elle même occupée et déclarée ouverte aux Allemands sous le régime de Vichy, ne pouvait plus par là même contrôler la situation en Tunisie, et juridiquement le traité de protectorat de 1881, était devenu momentanément inapplicable. D'ailleurs, il a fallu que De Gaulle agisse ultérieurement, à la fin de l'occupation allemande, par décret afin de rétablir le protectorat en Tunisie. Etait-ce pour cette raison que Bourguiba avait mis en garde certains de ses compagnons, afin de ne pas s'engager sur cette voie ? Quoi qu'il en soit aucun des militants ne s'était engagé du côté des pays de l'Axe d'une manière franche et définitive. Le souverain martyr, Moncef Bey avait plusieurs fois déclaré qu'il ne s'engageait pas du côté des Allemands, car ce n'était pas le problème de la Tunisie. S'il avait envoyé une correspondance au général Petain, c'était tout simplement pour protester contre l'attitude du Résident Général, l'estimant irrespectueuse à l'égard du souverain de la Tunisie qu'il était. Il a eu droit à des excuses que lui envoya par écrit, le général lui-même. Cette attitude sera retenue, par la France, à la fin de l'occupation comme étant une collaboration avec les Allemands, prétexte pour le détrôner. Quant aux militants et leader politiques du Néo-Destour ils ne faisaient que défendre la cause tunisienne par tous les moyens, sans pour autant s'afficher dans un camp plutôt que dans l'autre. Au début de la guerre, la plupart des militants du Destour étaient incarcérés. D'autres avaient pris la relève en créant le 5ème bureau du Destour que présida Bahi Ladgham et les membres étaient entre autres Hédi Khefacha et Hédi Saïdi qui fut assassiné ultérieurement par les forces coloniales. Habib Thameur, rentré en Tunisie après avoir terminé ses études de médecine en France prit le relais en s'engageant dans le mouvement national aux côtés des autres militants. Etait-il soupçonné d'avoir voulu tenter une collaboration avec les Allemands ? Ce fut pour cette raison que la mise en garde de Bourguiba incarcéré à Fort Saint Nicolas, lui adressée personnellement, le 8 août 1942, expliquaient ceux qui penchaient vers cette thèse. Cependant ce n'était qu'une supputation. D'autant plus que la mise en garde de Bourguiba était adressée à tous les militants, par l'intermédiaire de Habib Thameur. Cela ne supposait nullement qu'il était personnellement visé. Aucun indice ni élément, ne pouvait en fin de compte, établir avec certitude qu'un quelconque militant ait pu collaborer avec les nazis. Ils faisaient tous de sorte que la cause tunisienne fut entendue partout dans le monde. D'ailleurs, la lutte continua avec la même ferveur et le même entrain à la fin de la deuxième guerre mondiale, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Un bureau du Néo-Destour a été constitué au Caire en 1946 où se trouvait Bourguiba qui fut rejoint par des militants, venant d'Espagne où ils se trouvaient en exil.