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«La grande régression»
L'interview LOBNA JRIBI (Députée sur la circonscription Tunis 2 Ettakatol et Vice-présidente de la Commission Préambule, Droits fondamentaux et Amendements)
Publié dans Le Temps le 07 - 10 - 2012

«La proposition relative aux droits de l'Homme qui a été adoptée est une grande régression par rapport à la première Constitution où l'article 5 stipule que «l'Etat garantit le respect des droits tels qu'ils sont mentionnés dans la déclaration des droits de l'Homme».
Au sein de la Constituante, elle remplit plusieurs tâches à la fois. Rapporteuse de la Commission des Finances législative qui, aujourd'hui, a une énorme responsabilité, elle est aussi la vice-présidente de la Commission Préambule, Droits fondamentaux et Amendements. Une Commission qui relève beaucoup d'interrogations quant au préambule et l'inscription des Droits de l'Homme au sein de la nouvelle Constituante tunisienne. Les nouvelles ne sont pas bonnes, parait-il.
Et pour cause, Mme Lobna Jribi sort de son silence et s'adresse à l'opinion publique via les médias pour dénoncer le danger qui plane sur les droits de l'Homme et leur constitutionnalisation. Le Temps l'a rencontrée au siège de l'ANC. Indignée, elle nous accorda cette interview.

Le Temps : La question du rejet de la notion des droits de l'Homme universel, au sein du préambule, a fait l'objet d'une grande polémique ces derniers temps. Pourriez-vous, en tant que vice-présidente de la Commission, nous expliquer d'abord, son rôle?

Lobna Jribi : La Commission Préambule, Droits fondamentaux et Amendements est une commission qui est composée de 22 membres qui font partie des leaders de plusieurs partis politiques. Une ambiance consensuelle régnait jusque-là malgré le fait qu'elle réunisse diverses idéologies et . Nous avons toujours fait en sorte de laisser de côté nos différences et nous focaliser plutôt sur ce qui nous lie, ce qui est commun : l'écriture d'une Constitution représentative du peuple tunisien pour des générations. Le dialogue approfondi était notre for et on n'a jamais eu à recourir au vote au niveau du préambule, par rapport aux termes ou autres. Qui dit consensus dit que la proposition finale ne convient pas à 100% à chacun de nous mais au final, on arrivait toujours à trouver un terrain d'entente.

Qu'est-ce qui a fait naître alors la grande discorde au sein de la Commission, qui rappelons-le, est composée de nationalistes, d'islamistes et de progressistes ?

Effectivement, au final nos différences nous ont rattrapé quand il était question des droits de
l'Homme parce que nos projets de société, le référentiel des uns et des autres sont, on l'a tout simplement pas mis dans le brouillon du préambule et on s'es juste contenté de mentionner «les valeurs humaines». C'était encore une approche de nous concentrer plus sur nos valeurs communes. Pour instituer ces droits fondamentaux, chacun avait sa vision de la chose. Il y a eu une longue discussion quant à l'insertion de la référence des droits de l'Homme universels dans le préambule. Quand le brouillon était sorti, en été, au grand public et avait été consulté par les experts constitutionnels à l'instar de l'Académie internationale du droit constitutionnel. Radhi Grairi avait fait une remarque commune qui a été ensuite reprise par beaucoup d'experts constitutionnalistes qui estimait que le préambule, dans sa globalité, était bien rédigé. Nous avons eu de bons échos. Or, ce qui revenait souvent c'est la notion des droits de l'Homme universels était absente.

Pourtant, la Commission a bien reçu la société civile durant deux jours pour débattre ensemble. Peut-on comprendre que la Commission a fait la sourde oreille aux recommandations des ONG, des experts en loi constitutionnelle et de la société civile ?

Il y a eu un PV dans lequel on notait les remarques de la société civile qui, à son tour fait remarque que pour la référence au Sacré, il fallait lister de manière claire cette référence. Elle a, notamment, souligné qu'il fallait faire référence aux droits de l'Homme universels. Cette remarque a été aussi faite par les ONG et les grandes associations internationales. Il faudra aussi que dans la société civile tunisienne, il y a presque la même mosaïque de la Commission. Elle est aussi hétéroclite de pensées, de référentiels, etc. Or, l'Instance de Coordination et de rédaction s'est réunie, juste après, et a commencé à étudier du travail de toutes les commissions à commencer par la Commission du Préambule. Elle a demandé clairement, dans son rapport à ce qu'il y ait une référence claire aux droits de l'Homme. Déjà, j'ai été étonnée de l'absence du terme «universel» parce que je sais que ça été discuté au sein de l'Instance et suggéré par certains collègues, comme Faycel Jalleoui ou encore Fadhel Moussa qui sont dans cette commission. D'où notre étonnement qu'il n'y ait pas les termes «universel» et «fondamental». Je le considère comme un des vices des formes.

«La proposition des

Progressistes (Maya Jribi et Issam Chebbi) était passée parce que c'était la plus consensuelle»

Comment ça s'est passé, par la suite, au sein-même de la Commission Préambule et droits fondamentaux ? Avez-vous été d'accord ?

Après réception du document, nous avons discuté sur la proposition pour savoir les termes exacts qu'il faut insérer. A ce moment-là, j'ai proposé d'insérer l'expression «droits de l'Homme fondamentaux et universels». Les réactions ne se sont pas fait attendre. Si certains étaient pour cette proposition, la majorité a l'a refusée.

Qui sont ceux qui ont été contre et quels étaient concrètement leurs arguments ?

Ce qui m'a le plus étonné et inquiété c'est que parmi les députés qui étaient contre le terme «universel», il y en avait ceux qui font partie du camp des progressistes. Les avis étaient très divergents. Les nationalistes étaient totalement contre l'application des lois universelles quant aux droits de l'Homme, à l'instar de Taher Hmila, prétendant que cette notion est, je reprends ces mots «la culture de l'Occident» et c'est une forme de suivisme des Occidentaux donc, il n'y avait pas de raison de le mettre. Pour les Islamistes, Sadok Chourou dit clairement qu'il est hors de question d'insérer le terme «universel» et de faire référence aux droits de l'Homme universels sachant qu'il y a d'autres droits de l'Homme islamiques. Les progressistes, comme Issam Chebbi et Maya Jribi ont proposé une forme consensuelle, au lieu de référencer directement avec les droits de l'Homme universel, on mentionne juste, «la culture ou les principes des droits de l'Homme». C'est, hélas, cette proposition qui est passée. Donc, au lieu d'avoir l'expression «les droits de l'Homme universels» et d'avoir comme référentiel la déclaration universelle des droits de l'Homme», on a à peine inséré «les principes des droits de l'Homme». Le danger qui plane, c'est que c'est trop ambigu comme expression. Les principes de quel référentiel ? Ça va ouvrir la porte à beaucoup de dépassements, d'enfreintes et de violations des droits de l'Homme. Voilà la raison de mon indignation. Pourtant au départ, mon argument a été appuyé par plusieurs députés comme Ahmed Mechrgui du parti Ennahdha. Le vote a eu lieu vendredi dernier et le résultat était partagé.

Avez-vous, de votre côté tenté d'avancer, une fois encore, un nouvel argumentaire
plus éloquent en vous aidant des experts de la Constitution ?

Je suis revenue vers des experts constitutionnalistes à l'instar de Ghazi Ghraïri puisqu'il était parmi les premiers à avoir fait cette recommandation. J'ai reconsulté d'autres spécialistes de la Constitution comme Salsabil El Kélibi. Ces derniers m'ont reconfirmé que c'est une grande régression par rapport à la première Constitution dont l'article 5 stipule que «l'Etat garantit le respect des droits telles qu'elles sont mentionnées dans la déclaration des droits de l'Homme. J'ai eu, notamment, un argumentaire qui montre le poids de chaque mot qui sera inséré ou supprimé. Il n'y a pas de droits de l'Homme sur mesure. Si on laisse «les principes des droits de l'Homme», on peut se référencier à n'importe quelle déclaration. Ce qui ouvrira la porte à toutes sortes de référentiels et d'ambiguïté.

«L'argument avancé par

les Progressistes était que le terme «universel» ne rajoutait rien !»

En tant que vice-présidente de la Commission, n'avez-vous pas remis le sujet sur la table ?

J'ai contacté Sahbi Atig, président de la Commission en ma qualité de vice-présidente de la Commission de faire marche-arrière et me permettre de revoir le sujet et d'ouvrir de nouveau le débat durant une seconde séance. Mardi dernier, quand on a fini le préambule, j'ai pu réaborder la question et j'ai présenté à la Commission l'article 5 de la Constitution de 59. J'ai exposé les risques et les dangers de l'omission de chaque mot : «universel», «système» et leurs impacts, pour sensibiliser la Commission. A ma grande surprise, je n'ai pas eu de résultat. Il y a eu quelques réactions mais le camp progressiste, n'a pas été de cet avis. Moi qui pensais qu'ils allaient taper sur la table pour me soutenir !

Quels étaient les arguments des Progressistes pour refuser votre proposition ?

L'argument avancé par les Progressistes était que le terme «universel» ne rajoutait rien. Pour eux, il n'y a pas de différence entre «principes» et «système». «Principes des droits de l'Homme» serait largement suffisantes selon eux.

«Il faudrait que chaque élu révise sa position par rapport

à l'argumentaire juridique
et au danger des interprétations possibles.»

Aujourd'hui, vous appelez à une mobilisation en interne et vous faites en sorte d'attirer l'attention de l'opinion publique. Pensez-vous que la pression de la rue peut changer l'ordre des choses dans la rédaction du préambule ? Du moins, en ce qui concerne les droits de l'Homme ?

Ma surprise était grande ! J'étais indignée, choquée, désappointée. On s'attendait tous à ce que la recommandation de l'Instance de Coordination soit retenue. Je considère que la formulation est vraiment trop vague. C'est pourquoi, je lance un appel de mobilisation au sein de l'ANC et au peuple tunisien pour qu'ils comprennent le danger que peut entrainer l'ambigüité de ce texte. Tout mon espoir était que cette Tunisie postrévolutionnaire et que le peuple tunisien qui s'est révolté pour acquérir ses droits, puissent avoir une Constitution garante de ces droits et non pas un texte qui reste dans le flou et qui peut inciter à la violation des droits humains universaux. Je défendrai ce principe et ferai en sorte qu'on mette tous la main dans la main pour qu'il y ait absolument une référence claire aux droits de l'Homme universels. Il faudrait que chaque élu révise sa position par rapport à l'argumentaire juridique et au danger des interprétations possibles. Si j'ai crié, ce n'est pas pour accuser qui que ce soit. J'ai envie de porter à l'opinion publique que c'est dangereux l'absence de référence aux droits de l'Homme universels.


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