Il a fini par venir à bout de leurs animosités croisées et des poisons de l'outrance que leur conflit avait fini par distiller dans les ( nouvelles) mœurs politiques. Moncef Marzouki, le Président anti-conformiste, qui ébranle tous les protocoles, mais qui est surtout resté égal à lui-même, s'est imposé hier aux artisans des conflits comme l'homme d'une patrie en danger. Parce qu'elle est en danger cette patrie, prise en otage par une mouvance fondamentaliste qui échappe même au contrôle d'Ennahdha, et, en même temps, écartelée par la prolifération d'idéologies, de courants qui s'emmêlent tous, ou presque, les pinceaux. Que Rached Ghannouchi déclare que son parti discutera avec Nidaâ Tounes, voilà qui rassure mais inquiète aussi. Cela rassure dans la mesure où il daigne enfin reconnaître une force d'opposition brassant large. Cela inquiète dans la mesure où le métabolisme politique du pays reste conditionné par un seul mouvement de ses lèvres. En soi, l'exercice auquel s'est prêté le Président de la République est un prodige du genre. Convaincre Rached Ghannouchi que la nation a besoin de dialogue, de concorde et de consensus ; donner des garanties à un Béji Caïd Essebsi sceptique et comme toujours cyniquement ironique, le place, en effet, au-dessus de la mêlée. Parce qu'il ne faut pas oublier que, lui aussi est un leader de parti ( le CPR) et que dans cette mouvance il aurait pu privilégier ses contraintes partisanes. Le processus aboutira-t-il ? Tout dépend des deux leaders. Pour peu qu'ils transcendent la haine qu'ils se vouent l'un l'autre ; pour peu que Rached Ghannouchi accepte une véritable bi-polarisation de la vie politique, que Béji Caïd Essebsi aille moins vite qu'il ne le fait depuis des mois et que les siens en finissent avec le syndrome de la victimisation, un véritable consensus national pourra prendre forme. Encore faut-il que les autres partis ne se sentent pas en reste, que la Constituante ne se mêle pas trop de l'initiative présidentielle et que finissent les spéculations sur le remaniement gouvernemental. La logique veut que cela reste dans les prérogatives de Hamadi Jebali et lui seul...