Noureddine Bhiri, ministre de la Justice : «Cette organisation n'a pas le droit d'accéder aux données concernant les magistrats révoqués » Le problème de la révocation de 75 juges en mai 2012 ne cesse de préoccuper les organisations humanitaires et des droits de l'Homme. Ce n'est pas tant pour ce qui concerne le fond sur lequel seul le tribunal administratif peut prononcer. C'est surtout la procédure selon laquelle les juges concernés doivent avoir accès à leurs dossiers et être entendus d'une manière équitable, bref toute la procédure préalable à la révocation, leur permettant de se défendre. L'organisation Human Rights Watch a envoyé le 20 décembre dernier une lettre au ministre de la Justice dans laquelle, elle a souligné que la révocation en question a manqué de transparence, celle-ci étant une composante essentielle de l'indépendance de la Justice. Elle a de ce fait réitéré la demande faite de vive voix lors de la rencontre le 3 décembre dernier, de son représentant avec le ministre de la Justice. Cette demande a traité la communication des dossiers des dix magistrats qui l'avaient mandatée à cet effet. La communication du dossier : Neutralité et transparence Tout fonctionnaire de l'Etat qu'il soit régi par le statut de la fonction publique, ou par un statut particulier, tel que les magistrats, doit avoir accès à son dossier et l'administration a l'obligation de le tenir selon certaines règles d'objectivité et de neutralité, et ce pour une meilleure garantie du fonctionnaire concerné. Aussi la communication du dossier est-elle l'une des garanties principales lui permettant d'assurer utilement sa défense. C'est également dans un souci de transparence que la communication du dossier à l'agent est exigée. Ce qui évite des mesures iniques ou abusives, et limite par la même, la puissance de l'administration sur les agents. Ceci étant, l'intéressé est en mesure de mandater la personne de son choix afin d'avoir connaissance de son dossier, notamment dans le cas où il a fait l'objet d'une mesure disciplinaire. Et s'il s'agit d'une organisation humanitaire internationale ? Peut-elle être mandatée par les agents concernés en vue d'avoir accès à leurs dossiers en leurs lieu et place ? Selon le ministre de la Justice, la communication des données personnelles à une telle organisation, quand bien même elle soit mandatée par les intéressés, est régie par des règles de droit international et elle doit se faire selon les normes relatives à la protection des données personnelles. Ce que contestent les représentants de Human Rights,, en déclarant qu'une organisation internationale a bel bien le droit d'accéder aux dossiers de ceux qui l'ont mandaté, afin de leur permettre d'assurer leur défense. Quitte à ce que la dite organisation soit accompagnée par des avocats de la défense. D'autant plus que ce sont les magistrats eux-mêmes qui l'ont sollicitée, faute de n'avoir pu accéder eux-mêmes à, leurs dossiers. Or à cette demande c'est plutôt une fin de non recevoir qui a été réservée. aucune réponse n'a été faite selon l'organisation, depuis qu'elle a sollicité la demande verbale, lors de la rencontre de son représentant avec le ministre. Protection de la vie privée ou du secret d'Etat? Par ailleurs le ministre de la Justice a souligné, que le fait de permettre l'accès aux données personnelles des magistrats, constitue une exposition des secrets des gens de nature à constituer une diffamation, sous prétexte de la transparence. En fait la loi prévoit quelques restrictions dans l'intérêt général et le respect de la vie privée, et ce selon une jurisprudence du tribunal administratif. Cependant certains estiment qu'en l'occurrence c'est plutôt une mesure politique plus que juridique. Quant à dire par Human Rights que cette révocation est « arbitraire et injuste », c'est une appréciation qui sort du cadre de sa compétence, le tribunal adminstrtif étant seul habilité à en juger. Au-delà de la légalité ou pas de la révocation des juges concernés, c'est la procédure que reproche Human Rights, la décision ayant été prise « arbitrairement et sans fournir de preuves aux intéressés » selon Goldstein directeur adjoint de ladite organisation qui ajoute que « c'est une attitude contre l'indépendance de la Justice » Le ministre de la Justice, a quant à lui estimé, qu'il s'agit d'une appréciation hâtive et partiale de la part de ladite organisation qui doit observer la neutralité, surtout lorsqu'elle n'a jamais essayé de connaître la version du ministère. Quoi qu'il en soit, on en saura davantage, à la lumière de la décision du tribunal administratif, devant lequel les magistrats concernés ont formulé des recours.