Selon Portalis, avocat et jurisconsulte français du 18ème siècle, la Justice est la première dette de la souveraineté. On peut dire en le paraphrasant, que l'indépendance est la première dette de la Justice. Cela dit cette indépendance constitue parfois une arme à double tranchant si elle n'est pas appliquée à bon escient, c'est-à-dire en premier lieu dans l'intérêt du citoyen. L'objectif pour ce dernier étant d'être protégé contre toutes le formes d'injustice afin de pouvoir jouir pleinement de tous ses droits. Or, il n'y a pas un endroit dans le monde où cet objectif est atteint sans empêchement ni obstacle. D'abord, il y a des limites logiques, voire indispensables à l'exercice de ces droits : celles qui empêchent tout abus et tout empiétement sur les droits des autres. Ce sont les règles de droit régissant les rapports des individus dans une société donnée, qui tracent ces limites, constituant par la même une garantie à l'exercice de ces droits par tous, sur un pied d'égalité et sans aucune préférence, pour quelque cause qu'elle soit. C'est là le fondement même de la Justice : tous les membres d'une société sont égaux en droits comme en devoir. Le contrôle du respect de la loi par tous est confié de ce fait au juge qui est le garant d'une application saine de la loi, c'est-à-dire de la manière la plus objective et impartiale. Ce fut la raison pour laquelle, dans sa théorie sur la séparation des pouvoirs dans un régime démocratique, Montesquieu, parle du pouvoir judicaire, à côté du pouvoir exécutif et législatif. Dans on ouvrage « l'Esprit des lois » ce philosophe français du siècle des lumières ne manque pas de faire observer que ces trois pouvoirs travaillent de concert, sans aucun empiétement par l'un d'eux sur les autres. Ce qui veut dire que le pouvoir judiciaire ne doit pas aboutir à un abus, qui dénaturerait sa fonction et le détournerait l'objectif de sa mission. Quelle place des magistrats dans le système judiciaire ? La mission des juges est de dire le droit, tout en se gardant de subir des influences extérieures, de manière à altérer la justice. C'est ce qui définit l'indépendance du magistrat qui ne constitue pas toutefois, une liberté absolue d'agir selon ses tendances et ses préférences. Il est limité, d'un côté par les textes de la loi, et de l'autre par cet esprit d'équité qui fonde son intime conviction, et c'est là toute la difficulté de sa mission. Il est certes contrôlé par l'exécutif, à travers le conseil supérieur de la magistrature, contesté depuis la Révolution, car il altère la liberté de la Justice. Rompre avec l'ancien régime L'objectif des magistrats qui actuellement ne cessent de dénoncer la violation de l'indépendance de la Justice, et ce, notamment par la mainmise de l'exécutif, par le biais du conseil supérieur de la magistrature. Cet organisme a permis cet emprise qu'a toujours eu l'exécutif sur les magistrats. Ce qui a altéré l'indépendance de la Justice et a ouvert la voie à des abus de toutes sortes dans le domaine judicaire. Il était prévu qu'une instance indépendante de la magistrature serait créée en remplacement dudit conseil supérieur, et adoptée par la Constituante. Mais il n'en fut rien. Le ministère de la Justice persiste et signe. C'est toujours le conseil supérieur de la magistrature qui reste l'organe à travers lequel se prennent toutes les décisions concernant les juges, que ce soit celles relatives à leur nomination, leur avancement ou leur révocation. Le Syndicat et l'association des magistrats tunisiens ont manifesté leur réprobation contre cette situation qui est loin de garantir l'indépendance de la magistrature, qui nuit au justiciable et constitue un obstacle à la consolidation démocratique. Les magistrats de Médenine ont dernièrement observé un sit-in afin de revendiquer l'accélération de la création de l'instance indépendante de la magistrature, et de dénoncer la situation actuelle des magistrats à travers laquelle la tutelle de l'exécutif ne fait que limiter l'indépendance des juges. Ces derniers ne sont pas protégés contre les risques de la profession. Par ailleurs ces mêmes magistrats dénoncent l'absence de cadres qui a conduit à l'accumulation des dossiers en instance au tribunal de première instance de Médenine. Soutien de l'IADH A côté de l'Ordre national des avocats, ainsi que l'ordre national des huissiers de Justice qui soutiennent les magistrats dans leur mouvement, l'Institut Arabe des Droits de l'Homme, s'est joint à eux pour déclarer que l'indépendance de la justice est un combat pour la liberté et la dignité. Le président de ladite organisation a annoncé qu'une conférence interrégionale, est prévue pour le 2 février prochain, en collaboration avec l'Association des magistrats tunisiens, ainsi que l'Ordre national des avocats, et qui aura pour thème : « L'indépendance de la Justice, un des objectifs de la Révolution ». En effet, elle est l'objectif majeur, de la Révolution, car une Justice indépendante est, comme l'a affirmé Ibn Khaldoun, la base de toute civilisation.