La déontologie est pour toute profession, l'ensemble des règles de conduite et de comportement que doivent observer les membres concernés dans le but de ne pas nuire à l'honneur et l'image de marque de cette profession. Ces règles sont plutôt d'ordre moral, et non disciplinaire comme c'est le cas dans un statut qui délimite avec précision les droits et les obligations, et prévoit des sanctions en cas de faute ou de non observation dudit statut. On parle ainsi de la déontologie médicale ou de la déontologie relative à la profession d'avocat. Cela dit celui qui contrevient aux règles déontologiques peut faire l'objet de sanctions disciplinaires, lesquelles sont toutefois prévues par un texte spécifique ou un code particulier.
Qu'en est-il par rapport à la magistrature ? La magistrature est une fonction certes, mais elle représente le pouvoir judiciaire. Aussi il est important que le code de déontologie des magistrats soit confié à un organe indépendant. Cela a été le cas en France, où le soin d'établir un code de déontologie a été confié au Conseil supérieur de la Magistrature, qui est un organe constitutionnel indépendant. Un « recueil des obligations déontologiques des magistrats » a été donc créé par ledit conseil et publié par le parlement, dans le but de rendre transparentes les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus par la constitution. Parmi les règles de ce code on peut lire notamment que la déontologie des magistrats implique : « probité, loyauté, respect de la loi, protection des libertés individuelles, réserve et attention à la dignité d'autrui comme à celle de l'institution judiciaire. » En Tunisie, il n'y a jamais eu de code de déontologie depuis que la magistrature a été instituée. Cependant les magistrats ont en général respecté les règles de la probité, la dignité, la loyauté, et surtout l'impartialité. Certains magistrats ont même fait de la règle de droit musulman « la loi prime sur tout et rien n'est au-dessus de la loi » un principe de jurisprudence pour faire droit à un justiciable, qui fut à un moment donné victime de turpitude et surtout de son ignorance de la loi.
La mainmise de l'exécutif sur la Justice : Un problème récurent La magistrature a été de plus en plus affectée, à cause de cette immixtion de l'exécutif dans les affaires à caractère politique, et qui sont souvent déguisées en affaires de droit commun. Dès l'avènement de l'indépendance, l'intervention de l'exécutif a commencé avec les affaires des Yousséfistes, pour continuer, que ce soit sous Bourguiba ou Ben Ali, ce qui a nui gravement à l'indépendance de la magistrature. Certaines décisions, notamment dans des affaires de libertés publiques et les droits de l'Homme étaient en jeu, étaient tributaires du bon vouloir du chef suprême de la magistrature, qui présidait le fameux Conseil Supérieur.
A la Révolution, le problème de l'indépendance de la magistrature s'est posé avec acuité. Ni le ministère de la Justice, ni celui des droits de l'Homme, ne sont encore parvenus à trouver les mécanismes adéquats susceptibles de donner un sang nouveau au secteur de la Justice afin de consolider davantage son indépendance. Pour ce faire, il était question de créer un instance indépendante de la Justice qui prendrait le relais du conseil supérieur de la magistrature. La création de cette instance tarde à venir et entre-temps, c'est le ministère de la Justice qui prend unilatéralement des décisions, concernant la magistrature, sans consulter les gens de la profession, ni la Constituante ou les composantes de la société civile.
Un code créé par décret La dernière réalisation en date, qui démontre que le ministère de la Justice est résolu pour le moment à agir seul en chef hiérarchique ayant un pouvoir absolu, c'est la réalisation d'un code de déontologie qui sera promulgué par décret et qui a été soumis à l'avis de certaines organisations professionnelles. Mais c'est un simple avis qui n'est aucunement de nature à lier le ministère, si jamais il décide de promulguer ledit code par simple décret. C'est un code qui limite plutôt l'indépendance du juge. Kalthoum Kanou, présidente du Syndicat des Magistrats Tunisiens a déclaré aux médias qu'il s'agit plutôt d'un code pénal de la magistrature et ce notamment par son article 18, qui ne donne pas le droit au magistrat de participer à des débats ou à des recherches de nature à porter atteinte à l'obligation de réserve. C'est une tentative de mainmise de l'exécutif sur la magistrature même dans le contrôle de l'éthique.
Une atteinte au pouvoir judiciaire, Le président de l'Observatoire de l'Indépendance de la Magistrature , Ahmed Rahmouni, a fait observé « qu'il s'agit d'un code créé par simple décret et non par une loi. Ce qui confirme cette mainmise du ministère de la Justice sur la magistrature, qui lui donne le droit d'agir de manière unilatérale et sans passer par les élus du peuple. Cette attitude, a encore fait remarquer Ahmed Rahmouni, constitue une atteinte à l'indépendance de la Justice, laquelle est un principe constitutionnel qui doit être consacré par la Constitution.
Or ce code, qui peut être promulgué à tout moment, est intervenu avant la création de l'instance indépendante de la magistrature, et avant que ne soit votée la nouvelle Constitution. Et c'est en cela même qu'il constitue une atteinte au pouvoir judiciaire. » En fait on ne peut concevoir une magistrature sans éthique, mais sans l'indépendance de la Justice, le pouvoir judiciaire est un vain mot.