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Radhia Nasraoui, présidente de l'Organisation de lutte contre la torture en Tunisie
L'interview du dimanche
Publié dans Le Temps le 03 - 02 - 2013

“La persistance de la torture, de la violence et de l'intimidation à l'encontre des manifestants pacifistes montre qu'on voudrait faire taire de nouveau les Tunisiens"
Elle était parmi les rares voix qui criaient haut et fort pendant que beaucoup d'autres se taisaient ou se résignaient et qui, maintenant, essayent de nous assourdir.
Elle n'a jamais baissé, ni tremblé face au dictateur Ben Ali auquel elle tenait la dragée haute au cours de ces longues années de braise qui se sont décuplées pour elle, car elle était, la plupart du temps, obligée à militer sur deux fronts, sur le plan social et politique et chez elle à cause de l'absence régulière d'un mari, constamment, poursuivi par la police et qui passait son temps entre la clandestinité et la prison. Radhia Nasraoui a laissé son mari, Hamma Hammami lui emprunter le nom tellement il est fier d'elle, elle est notre fierté à tous.
En réalité, ce sont toutes les Tunisiennes libres qui le sont et au même titre qu'elle, toutes les femmes qui militent pour la sauvegarde des droits et la préservation des valeurs. C'est l'image de la vraie femme tunisienne qu'on veut occulter, celle qui ne badine pas avec les principes et qui n'a pas froid aux yeux pour dire leurs quatre vérités à ceux qui osent lui confisquer ses droits. Le prix Olof Palm qu'elle vient de recevoir ne serait-il pas une manière pour Nasraoui de prendre sa revanche contre le chef du gouvernement qui lui a opposé un véto la privant d'accéder à l'organisation onusienne ?
◗ Le Temps : peut-on dire que cette distinction vient confirmer ce que certains ont voulu occulter?
-Madame Nasraoui : c'est une reconnaissance de l'action que j'ai menée dans le domaine des droits de l'homme et des contributions que j'ai apportées à cette cause noble, d'ailleurs, on m'a discerné le prix pour mon « combat contre la torture et l'impunité ». C'en était le titre. Je saisis l'occasion pour saluer tous ceux qui m'ont témoigné de la reconnaissance pour les efforts que j'ai consentis pour défendre ces droits à l'image du président de la République qui a présenté ma candidature en tant que représentante de la Tunisie au sous-comité de lutte contre la torture des Nations Unies.
La torture n'a pas cessé en Tunisie et il y a même des cas de décès dans des conditions suspectes
◗ La torture a-t-elle diminué depuis le 14 Janvier ?
-On reçoit, au quotidien, dans notre organisation, des plaintes pour torture et mauvais traitements dans les centres pénitenciers ou les postes de police et de la garde nationale. Récemment, on a arrêté, à Kasserine, un jeune dont la mère nous a contactés pour nous dire que les forces de l'ordre se sont introduites chez elle sous prétexte de chercher des armes, ont agressé ses filles et arrêté deux de ses fils. Elles en ont, ensuite, relâché l'un et prétendu que l'autre s'est évadé et qu'elles ignoraient où il était. De telles allégations ne sont pas rassurantes, elles laissent planer le doute quant à son sort. La plupart du temps, quand la police vous dit qu'un détenu s'est enfui, vous devez vous attendre au pire. Il se pourrait qu'il soit mort sous la torture ou qu'il lui soit arrivé un malheur. C'est un mauvais signe qui augure d'une catastrophe, je suis habituée à ce genre de situation.
◗ Plusieurs incarcérés disent que la situation qui règne dans les prisons est déplorable, qu'en est-il au juste ?
-J'ai reçu moi-même pas mal de plaintes et, selon les victimes, il semble que la situation n'ait pas beaucoup changé. D'ailleurs, dans le cadre de notre association, nous avons même des cas de décès dans des conditions suspectes après le 14 Janvier. A ce niveau, et d'après la plupart des prisonniers que j'ai eu à défendre et que j'ai pu visiter affirment que rien n'a changé ou presque. Donc, je crois qu'il y a beaucoup à faire sur ce plan et on attend avec impatience que le mécanisme national de prévention de la torture soit mis en place.
◗ En quoi consiste ce mécanisme et pensez-vous qu'il soit suffisant pour humaniser les conditions de séjour des prisonniers dans ces endroits fermés ?
-Ce mécanisme consiste dans un comité constitué de gens connus pour leur intégrité, leur indépendance, leurs compétences, etc. Il sera chargé de visiter les prisons et tous les lieux de détention ainsi que les lieux où des êtres humains peuvent sont privés de leurs libertés. Ces hôpitaux psychiatriques sont des lieux où la liberté est limitée. Ce mécanisme va contribuer, à mon avis, au moins à freiner cette pratique sauvage qu'est la torture. D'autre part, il faudrait qu'on procède à des enquêtes dans toutes les plaintes déposées concernant des cas de torture et de mauvais traitement dans les prisons, il faut que l'impunité cesse et que les agents de ces centres pénitenciers comprennent, une fois pour toutes, qu'ils peuvent être punis s'ils torturent les prisonniers ou qu'ils les maltraitent. Donc, c'est l'impunité qui fait que ces pratiques continuent. Il faudrait, également, qu'il y ait une réforme du corps des gardiens de prison. Cette réforme a tardé et c'est ce retardement qui explique la continuation des actes de torture qui étaient pratiquées sous le régime de Ben Ali.
Il faut la mise en place d'un mécanisme national de prévention qui soit indépendant
◗ Est-il possible d'installer ce comité de prévention conte la torture dans les conditions actuelles ?
-A partir du moment où la Tunisie a signé le protocole facultatif relatif à la convention contre la torture, l'Etat tunisien est obligé de créer ce mécanisme. Toutefois, il est à craindre que les critères se rapportant à la qualité des membres le constituant et que j'ai énumérés plus haut ne soient pas pris en considération. Il nous faut, absolument, des gens qui soient honnêtes et indépendants par rapport aux autorités, des gens qui ne risquent pas de nous donner une idée fausse sur ce qui existe réellement dans les prisons sinon cela n'aurait aucun sens, parce que si on désignait des gens proches du gouvernement ou sympathisant d'un tel ou tel parti au pouvoir, ce serait une peine perdue. Une telle opération serait sans effet et ne produirait pas le but escompté, c'est-à-dire que s'il est composé de membres proches des autorités, il va être complaisant vis-à-vis d'elles et essayer de présenter les choses d'une manière positive et de déformer la réalité. C'est pourquoi j'insiste beaucoup, personnellement, sur cette qualité d'indépendance.
◗ Est-ce que la pratique de la torture est à mettre sur le compte d'un vieux réflexe des agents de l'ordre ou bien à imputer à une décision politique ?
-A mon avis, elle est due aux deux à la fois. D'abord, cette pratique dure depuis plusieurs décennies en Tunisie, une pratique à laquelle sont habitués les agents de police, ceux de la garde nationale et ceux des prisons. Cependant, cela ne veut pas dire que les autorités qui ont gouverné et qui gouvernent après le 14 Janvier ne sont pas responsables. Elles le sont tant qu'elles assurent la protection de ces agents coupables, tant qu'elles tolèrent ces tortures perpétrées. Je ne peux pas dire qu'elles leur donnent l'ordre pour le faire, car je ne dispose pas de preuves, mais le fait que l'impunité continue veut dire qu'elles ne sont pas contre de telles pratiques. Donc, le moins qu'on puisse y dire c'est qu'elles ne sont pas assez vigilantes en matière de crimes de torture. Il faut mettre fin à l'impunité, parce que si l'agent sent qu'il est protégé, qu'il n'encourt, absolument, rien, qu'il ne risque pas d'être traduit en justice, il ne va pas rompre avec ces pratiques, bien au contraire, il pratiquerait la torture comme si elle était légalisée, alors qu'elle est en droit tunisien un crime punissable. Il faut appliquer les textes en dépit de leur imperfection.
◗ En quoi consistent les imperfections de ces textes?
-Ils sont loin de nous satisfaire, car nous voulons que le crime de torture soit imprescriptible, en ce sens que la personne qui le commet peut être punie même après cinquante ans. C'est vrai qu'il y a eu, après le 14 Janvier, sous le gouvernement de Essebsi, un amendement qui était pris la veille de son départ et portant sur la prescription de la torture dont le délai était ramené à quinze ans ou lieu de dix comme pour tous les autres crimes, mais ce n'est pas suffisant, c'était une déception pour nous. Nous allons tout faire pour rendre ce crime barbare imprescriptible, nous allons batailler, dans le cadre de notre association, pour instaurer cette imprescriptibilité, c'est l'un de nos objectifs. D'autre part la définition de la torture n'est pas complète.
L'amélioration des conditions de détention passent nécessairement par celle des conditions des agents de prison
◗ Tout récemment, le gouvernement a pris la décision de construire de nouvelles prisons. Pensez-vous qu'une telle mesure soit suffisante pour remédier à la situation dégradante qui règne dans les centres pénitenciers ?
- Certaines prisons sont d'un état d'insalubrité incroyable et trop humides, comme, par exemple celle de Mornag, ce qui fait que la décision du gouvernement ne pourrait qu'être positive. C'est vrai que le prisonnier a besoin de vivre dans un endroit aéré où il n'y a pas d'humidité, ce sont des conditions nécessaires se rapportant à l'hygiène de vie. Cependant, elle reste insuffisante, parce qu'il faut que les pratiques sauvages disparaissent aussi, le prisonnier a besoin que sa dignité et son intégrité physique soient respectées, qu'il ne soit pas maltraité, qu'il ait droit aux soins nécessaires quand il est malade, qu'il ait droit à des visites familiales dans des conditions convenables et respectables, dans des conditions humaines tout simplement. Car les visites se déroulent, actuellement, dans des lieux où le prisonnier ne peut pas saluer ou embrasser les membres de sa famille, où il ne peut pas mettre ses enfants sur ses genoux, ni jouer avec eux et il est même question des enfants en bas âge. La loi prévoit ce qu'on appelle une « visite dans un bureau » qui n'est pas, toujours, accordée au prisonnier, c'est malheureux et c'est inhumain. Ce denier doit avoir droit à des activités culturelles et sportives pour pouvoir s'épanouir, ce qui serait bénéfique non seulement à lui mais également aux agents. En effet, une ambiance pareille est de nature à leur faciliter les tâches. Ces droits du prisonnier ne devraient pas nous faire oublier ceux des agents, eux aussi doivent travailler dans de bonnes conditions pour qu'ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes et entretenir des rapports positifs avec les incarcérés. Car s'ils travaillent dans des conditions difficiles, ils vont se retourner contre les prisonniers et les détenus en se vengeant d'eux et en réagissant violemment. Leurs conditions de vie doivent être aussi améliorées en leur accordant des salaires respectables, ils m'ont toujours dit que ces derniers sont trop bas par rapport au travail fourni. Le nombre des gardiens doit être suffisant et le nombre d'heures de travail raisonnable, étant donné qu'on ne peut pas demander à quelqu'un qui ne rentre pas chez lui pendant deux jours ou qui ne dort pas et qui ne se repose pas suffisamment d'être calme et de traiter les gens d'une manière humaine. Commençons par humaniser ces conditions de travail, et puis, on pourra exiger cela d'eux. Donc, il y a toute une série de réformes à effectuer, toute une série d'actions à entreprendre pour que la situation dans les prisons s'améliore.
◗ Toutes ces conditions que vous réclamez sont-elles réalisables dans cette conjoncture avec tous les problèmes que connaît le ministère de la justice?
-A mon avis, il n'est pas difficile de réaliser ces réformes, il faut qu'il y ait, tout d'abord, une volonté de changer les choses, d'améliorer la situation. Et je crois que jusque là il n'y a pas eu grand-chose, puisqu'on a vu des victimes succomber à leur grève de la faim, ce qui n'est pas bon signe. Si ces grévistes meurent, cela veut dire qu'il y a un problème : on ne s'est pas occupé d'eux. En tout cas c'est que disent les familles des deux « salafistes » qui sont décédés il y a quelque temps. Le traitement des prisonniers et des détenus doit s'humaniser, car l'objectif de l'incarcération n'est pas de se venger contre ceux qui ont commis des crimes ou des délits, mais de les corriger, de les aider à dépasser leurs forfaits, à devenir de bons citoyens capables de s'adapter après la période d'emprisonnement. La torture dénote d'une mentalité rétrograde, sa persistance signifie qu'on veut casser la personnalité des prisonniers.
◗ Mais on voit très bien que malgré l'action que vous menez conjointement avec celle entreprise par la société civile et les dénonciations que vous faites systématiquement, ces pratiques continuent à exister.
-Cela veut dire qu'il n'existe pas de volonté de procéder à de vraies réformes. Ben Ali a exercé la torture pendant 23 ans pour les amener à ne plus exercer leurs droits et leurs libertés, pour les intimider et les terroriser afin qu'ils renoncent à ces derniers et ne s'immiscent plus dans les affaires publiques, qu'ils ne donnent plus des ponts de vue différents, qu'ils se taisent. Donc, si la torture continue, on est en droit de dire que l'objectif est le même, on veut faire taire les Tunisiens. D'ailleurs le fait que les manifestants pacifistes soient agressés, arrêtés et torturés est une manière de les décourager pour qu'ils n'aillent plus manifester, l'objectif c'est de terroriser les Tunisiens de nouveau. Pour mettre fin à ces intimidations et à ces tortures, il est indispensable de lutter contre l'impunité et cela passe, nécessairement, par la réforme de la justice. La magistrature doit être, totalement, indépendante, car on ne peut pas demander à des magistrats qui sont soumis à l'exécutif d'appliquer les textes qui protègent les libertés et les droits humains d'une façon générale, de ne pas exécuter les ordres émanant de l'exécutif. Ce qui veut dire que ce qui nous manque c'est une justice qui soit, vraiment, indépendante. Il existe des magistrats qui ne se soumettent pas au bon vouloir du pouvoir exécutif et qui imposent leur indépendance et j'insiste sur ce point. Et même du temps de Ben Ali, on a vu des magistrats qui refusaient d'exécuter les ordres, c'était la raison pour laquelle on ne leur confiait pas des affaires à caractère politique. Maintenant, également, il y a de plus en plus de magistrats indépendants, mais la justice en tant qu'institution n'est pas indépendante. Par exemple, l'une des revendications des démocrates c'est l'indépendance du parquet vis-à-vis de l'exécutif pour qu'il ne soit plus placé sous la tutelle du ministre de la justice, parce que d'après les textes du code des procédures pénales, il agit sous les ordres de ce dernier. Alors, pour mettre un terme définitif à la torture et à l'impunité, il faut qu'il y ait des réformes au niveau de la police et de la justice. Il nous faut une police républicaine et neutre qui ne soit pas utilisée par le parti au pouvoir pour punir et mettre en prison les opposants.
L'indépendance du parquet vis-à-vis de l'exécutif est une condition indispensable pour le bon fonctionnement de la justice
◗ Mais ces derniers jours, certains dont le ministre de l'intérieur accusent des syndicalistes des forces de l'ordre d'être à la solde de partis politiques et d'exécuter des agendas politiques?
-Je crois que les policiers ont bien le droit d'avoir un syndicat pour défendre leurs intérêts, c'est leur droit le plus absolu. Ils ont des revendications légitimes, il faut, donc, les écouter, débattre avec eux et y répondre positivement. Quand ils demandent des augmentations de salaires, par exemple, personne ne pourrait prétendre qu'ils exigent l'impossible, car tout le monde est au courant de la cherté incroyable de la vie. De même on ne devrait pas être surpris lorsqu'ils demandent à être protégés, puisqu'ils accomplissent un travail délicat, ils sont affrontés, des fois, à des situations, extrêmement, difficiles. Seulement, il ne faut pas qu'ils aillent jusqu'à abuser de la force en utilisant des armes alors qu'ils peuvent très bien les éviter. L'utilisation de ce moyen doit être l'ultime solution, il faut que, vraiment, la vie de l'agent soit en péril et que l'arme soit la seule possibilité pour sauver sa vie. Je reconnais qu'il y a pas mal de cas de policiers qui ont été, violemment, agressés et ils se sont, des fois, plaints de coups et blessures et d'agressions.
◗ Juridiquement parlant, le voilement forcé des petites filles par le prédicateur koweïti n'est pas assimilable à un crime ? Et le silence des autorités n'est pas un signe de complicité ?
-Oui, je pense que c'est très grave d'imposer le foulard à des fillettes de quatre ou cinq ans, c'est criminel. Parce qu'on n'a pas le droit de les obliger à adopter une idéologie à cet âge-là, c'est une atteinte aux droits des enfants. Ces êtres innocents ont le droit de jouer, de s'amuser et de s'épanouir. La Tunisie ayant ratifié la convention relative aux droits des enfants, la moindre des choses aurait été d'interdire à ce Koweïtien d'essaye d'imposer le port du voile à nos filles dont une était tout en pleurs. Personne ne pourrait prétendre qu'elles ont choisi, c'est contraire aux droits les plus élémentaires des enfants. On ne peut pas inculquer ces choses-là à des fillettes en bas âge qui sont inconscientes, qui sont dépourvues de volonté, qui sont incapables de choisir et de discerner les choses. C'est une fois adultes, qu'elles pourraient choisir de le porter ou de ne pas le porter.
Les forces de l'ordre ont le droit d'avoir un syndicat pour défendre leurs droits légitimes
◗ Qu'est-ce que vous pensez de la position de la ministre des affaires de la femme et de la famille qui n'était pas de cet avis et qui a même intégré l'action du prédicateur en question dans la sphère du droit d'expression ?
-A mon avis, sa position est déplorable, car la moindre des choses qu'elle aurait du faire c'était, tout d'abord, de se démener et de faire en sorte qu'il ne fasse pas ce qu'il a fait. Et s'il l'a déjà fait et qu'elle ne soit pas au courant, il faut qu'elle le dénonce, que sa position soit claire, parce qu'elle sait très bien que c'est contraire aux intérêts des enfants. Ces pratiques n'existaient pas dans notre pays et ce n'est pas normal que le gouvernement accepte que des gens viennent pour nous parler de l'excision des filles.
La Tunisie est très an avance par rapport aux pays du Golfe et là ils sont en tain de venir nous empoisonner la vie avec leurs pratiques moyenâgeuses. C'est, vraiment, inadmissible que des énergumènes pareils prétendent nous prodiguer des leçons, nous n'avons pas besoin d'eux, et s'ils veulent parler de religion, ils doivent savoir que les Tunisiens y sont, suffisamment, attachés et qu'il y a assez de gens spécialisés en la matière. On n'a pas besoin d'eux pour nous parler de l'Islam qu'ils sont en train de déformer totalement ou pour nous imposer des pratiques que nous n'avons jamais connues en Tunisie. Ce sont des gens rétrogrades qui n'ont rien à voir avec la pédagogie des enfants et en particulier les filles. Que pourraient bien comprendre des fillettes en disant « mourez dans votre fureur» ? Absolument rien ! Il est clair qu'elles sont manipulées. Sur un autre plan, j'ai appris que ce monsieur a passé une partie de son séjour à l'hôtel Mövenpick à Sousse où la nuitée coute 600 dinars !! C'est-à-dire de quoi faire vivre une famille tunisienne pendant un mois. On se permet de dépenser des sommes énormes pour payer le séjour des étrangers qui ne sont pas les bienvenus pendant que des Tunisiens meurent de faim. Au lieu de venir nous introduire leurs idées obscurantistes, ces gens du Golfe feraient mieux de rester chez eux et d'essayer d'apprendre la démocratie.
On n'a pas de leçon à recevoir de gens qui préconisent l'excision des filles et qui privent la femme de son droit de conduire des voitures
◗ Comment commentez-vous l'absence de votre confrère saoudien de la cérémonie de la remise des prix?
-Le confrère saoudien qui a reçu le prix Olof Palm en même temps que moi a été privé de son droit de quitter le pays et d'assister à la cérémonie, ce qui a fait que c'était sa femme qui est venue recevoir le prix à sa place, ce qui est condamnable pour moi.
C'est la preuve que ce sont des pays où le minimum des droits et des libertés n'est pas respecté.
La Tunisie a fait sa Révolution, la Tunisie a besoin d'avancer et non pas de régresser, la situation de la femme chez nous est très en avance par rapport à l'ensemble des pays arabes. Alors, je ne sais pas pourquoi on fait appel à ces prédicateurs rétrogrades, des gens qui ne respectent pas les libertés et les droits des femmes et qui vont jusqu'à les priver de leur droit de conduire des voitures. Les Tunisiens peuvent se débrouiller tous seuls, ils sont en train de pratiquer leur islam comme ils l'entendent et il n'y a pas de problèmes là-dessus, je n'arrive pas à comprendre pourquoi on essaye de les diviser sur ce plan-là.


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