• Les Tunisiens veulent que justice soit faite • Dans les tribunaux tunisiens, il y a encore de la place et des hommes pour juger tous ceux qui sont les ennemis de la nation mais sont encore libres alors que leurs victimes ont vu leurs vies brisées. Leurs noms évoquent les années noires du régime Ben Ali, celles de la torture. Un des crimes les plus odieux contre l'humanité, la torture était organisée et pratiquée de façon systématique et massive dans des dizaines de locaux à travers le territoire tunisien, commissariats de police, garde nationale, prisons, et au ministère de l'Intérieur. Des dizaines de milliers de personnes ( certaines sont sous terre ou carrément disparues) ont été torturées depuis le retour de Ben Ali à l'Intérieur en 1984 et surtout depuis son coup d'Etat. Pourtant, la torture est un crime au regard de la loi tunisienne. Samedi, Abdallah Kallel était entendu par le juge d'instruction mais il n'y a pas que ce sinistre ministre. Beaucoup de «chefs», «d'agents enquêteurs», de médecins et de juges dont une liste circule sur internet ont trempé dans la sale besogne. Les Tunisiens victimes de la répression sauvage mais aussi tous les citoyens défenseurs de la liberté et de la démocratie attendent que tous les criminels soient jugés et punis pour leurs crimes. La loi doit s'exercer pleinement afin de rendre justice contre les tortionnaires, leurs supérieurs et leurs complices. Ben Ali en premier lieu en tant que donneur d'ordre de la torture, qu'il a exercée lui-même dans les locaux de la Garde nationale à El Aouina, et en tant que premier responsable de la sécurité. Malgré la condamnation de la torture par la loi tunisienne, malgré la Convention des Nations unies contre la torture que la Tunisie avait signée en 1988, les tortionnaires bénéficiaient d'une impunité totale. D'ailleurs, les victimes hésitaient à porter plainte contre leurs tortionnaires parce qu'elles étaient conscientes que cette démarche n'avait presque aucune chance d'aboutir. Dans la très grande majorité des cas, la plainte n'est tout simplement pas enregistrée, ou alors n'est pas instruite ou, « dans le meilleur des cas », est finalement classée sans suite, notamment du fait des pressions exercées sur les juges. En violation du droit tunisien, les victimes de la torture se voient toujours refuser le droit à une visite médicale pendant ou à l'issue de la garde à vue. Même lorsque le prévenu informe le juge d'instruction des tortures subies, ce dernier refuse d'enregistrer les déclarations de la victime et de constater les traces de torture. Aujourd'hui, il est possible de poursuivre en justice les donneurs d'ordre, les tortionnaires, les médecins qui les assistaient lors des «séances de travail», ainsi que les juges qui «ficelaient» des procès «sur mesure». Le passage vers la démocratie et le respect des droits de l'homme passent par l'exercice entier de la justice. Dans les tribunaux tunisiens il y a encore de la place et des hommes pour juger tous ceux qui sont les ennemis de la nation mais sont encore libres alors que leurs victimes ont vu leurs vies brisées. Avant, ils étaient couverts, anonymes, aujourd'hui tout le monde veut que justice soit faite. Sinon, les Tunisiens risquent d'être longtemps poursuivis par les cadavres contenus dans les placards de l'administration Ben Ali.