Le pays quoi qu'en dise est en plein dans la tourmente. Il y a crise politique qui s'est greffée sur une conjoncture économique très difficile et une situation sociale des plus préoccupantes. La phase transitoire par laquelle passe la Tunisie est très mal négociée avec les ratés nombreux enregistrés dans tous les domaines. L'assassinat lâche de Chokri Belaïd est perçu comme un tournant grave de par le caractère politique de cet acte ignoble. Car, jamais dans l'histoire de ce pays il n'y a eu de règlement de compte politique de la sorte. Il y a eu certes la liquidation physique de Salah Ben Youssef dans les années 1960, mais elle eut lieu à l'étranger et non sur le territoire national. Le procédé est en lui-même, révélateur de la radicalisation politique et idéologique qu'on observe depuis une année. Les armes aidant, on peut passer de la simple violence verbale ou physique à celle de l'assassinat, d'autant que et d'après les informations qui circulent il y a des listes d'hommes à éliminer physiquement. Grave tournant ! C'est un fait nouveau pour ce pays dont les habitants n'ont jamais eu recours à de tels procédés pour régler leurs différends. Ceci s'ajoute au malaise social et aux difficultés économiques et blocage politique. Un blocage que vient d'illustrer l'échec de l'initiative du Chef du Gouvernement à former un cabinet de compétences et la démission de son poste. D'aucuns se demanderaient pourquoi et comment sommes nous arrivés jusque là ? La réponse à cette interrogation est simple et compliquée à la fois ! Simple parce que à l'évidence ce sont nos politiques qui en sont les premiers responsables. De par leur manque de clairvoyance et le poids de l'idéologique sur leurs décisions ils ont fait avorter une initiative qui aurait eu pour résultat d'épargner à la Tunisie de s'enfoncer davantage dans l'incertitude et d'aller tête devant vers l'inconnu. Compliquée parce que derrière le refus de cette issue proposée par Hamadi Jebali il y a des combinaisons qu'il serait difficile de déchiffrer, même si au bout du compte on se rend à l'évidence que c'est l'intérêt partisan qui prime au détriment de l'intérêt général du pays. Et l'on ne peut à ce niveau incriminer un parti et absoudre un autre. Seulement, le degré de responsabilité n'est pas le même selon qu'on est dans la majorité au pouvoir ou en dehors de cette majorité. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que les tenants des leviers du pouvoir se montrent intransigeants sur certains points et semblent déterminés à ne pas faire la moindre concession pour parvenir à un consensus qui satisferait toutes les familles politiques et la majorité des Tunisiens. La pierre d'achoppement et qui est à l'origine de l'échec de l'initiative du Chef du Gouvernement, est le refus de deux partis de la majorité de se voir écarter du futur cabinet au profit d'une équipe de technocrates. Mais, à chacun ses raisons et ses intérêts. Et sans rentrer dans les détails qu'il n'est pas difficile d'imaginer, on peut résumer cette attitude par une sorte d'égocentrisme qui tire sa raison d'être de ce qu'on appelle la légitimité des urnes qui a donné à ces partis cette majorité leur permettant de gouverner. Partant de cette conviction qui n'est pas dénuée de calculs électoraux ils excluent et ne s'imaginent point hors de ce pouvoir, oubliant au passage que leur mission première et principale est la rédaction de la Constitution qui semble renvoyée aux calendes grecques. D'ailleurs, on n'en parle plus ou presque. De cette attitude il résulte qu'aujourd'hui, le sens de l'Etat et ce qu'il exige comme hauteur et responsabilité est totalement oublié peut-être qu'il ne figure pas comme priorité à laquelle on est tenu de s'attacher et qu'on doit impérativement préserver. En l'absence du sens de l'Etat, tout devient sujet à caution et le risque de voir le pays sombrer dans le chaos n'est plus à exclure d'autant que cela ferait l'affaire semble-t-il de ceux qui oeuvrent à détruire l'Etat dans son acception de l'époque que nous vivons.